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26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 00:56

Histoire d'un bourg viticole:

 

Beaumont-lès-Clermont

 

(origines-XIXe siècle)

 

--o--

 

   Jacques Pageix 2014

(résumé de mon ouvrage écrit en 1980)

Sommaire:

 

1-Avant-propos

 

2-Méthode utilisée et première reconstitution:

     le parcellaire cadastral de 1791.

 

3-Beaumont en 1791

 

4-Beaumont au XVIIIe et au XVIIe siècles

 

5-Beaumont au XVIe siècle

 

6-Beaumont au XVe siècle

 

7-Hypothèses sur la formation du bourg

 

8-Quelques énigmes et frustrations en guise de conclusion provisoire

 

9-Pour Conclure

 

10-Quelques illustrations tirées de "Beaumont, histoire

urbaine"

 

 

 

1-Avant-propos

 

Beaumont, que je préfère appeler Beaumont-lès-Clermont, comme le faisaient ses habitants des XVe et XVIe siècles, fut le berceau de mes ancêtres; j'avais toujours rêvé de retracer son histoire en reconstituant en détail sa physionomie et son évolution au cours des âges, d'autant qu'aucun auteur n'avait cherché à le faire jusque-là.

 

Ce long travail, entrepris dans les années 1970, fit l'objet d'une communication à l'Académie de Clermont le 1er juin 1983 et de publications dans son bulletin. S'ajoutèrent à cela quelques « conférences » en Mairie de Beaumont en 1981 et, plus récemment, d'une présentation power-point à notre cercle généalogique de l'Auvergne et du Velay à Paris, où fut présenté à cette occasion le plan cadastral de 1426 établi en 1979 (parcellaire avec les noms des tenanciers...) 

 

Pour en arriver là, en partant du cadastre de 1831 (matrice et feuilles), il m'avait fallu d'abord reconstituer le parcellaire de 1791 à partir d'une matrice cadastrale (registre seul sans parcellaire), en comparant une à une les parcelles de 1831 à celles de 1791, ce travail étant facilité par le fait que beaucoup d'article de la matrice de 1791 indiquent les mutations intervenues entre-temps; puis, à l'aide des terriers de l'abbaye de 1756 et de 1698 pour les XVIIIe et XVIIe siècles, j'ai pu entreprendre les reconstitutions correspondantes. Ensuite, j'ai reconstitué de la même manière celui de 1543 pour le XVIe siècle et, enfin, le terrier en latin de 1426 m'a permis d'établir le parcellaire tel qu'il était à cette date pour le XVe siècle. Pour le XIVe siècle, le document de 1379 (liève de cens) ne décrit malheureusement pas les confins des propriétés et n'a donc pas permis de faire un plan précis...

 

Pour la reconstitution de 1426, j'ai consacré en 1979 une année de travail...  

 

J'ai vu récemment, non sans plaisir, que la municipalité de Beaumont avait repris les étapes que j'avais ainsi retracées dans des plaquettes historiques récemment éditées (*).

(*): Le tracé de l'enceinte près de Notre-Dame de la Rivière est toutefois erronné.

 

Au début des années 1980, j'ai rédigé un ouvrage "plus étoffé" (env. 250 pages) sur cette petite cité, ouvrage qui cherche actuellement un éditeur...

 

Enfin, Beaumont fait l'objet de deux communications à l'académie des sciences belles lettres et arts de Clermont-Ferrand (*) et d'une trentaine d'articles publiés sur mon site internet, dont quelques-uns ont été repris dans la revue "À moi Auvergne!" du Cercle Généalogique et Historique de l'Auvergne et du Velay.

(*): In Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne: "Beaumont, essai d'histoire urbaine" N° 684, Janvier-Mars 1985 et "L'orgue de l'abbaye Saint-Pierre de Beaumont" N°716, Janvier-Mars 1993.   

 

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2-Méthode utilisée et première reconstitution: le parcellaire cadastral de 1791.

 

Faute de plans et de vues suffisamment anciens, j'ai tenté de reconstituer le bourg de Beaumont, uniquement à partir de documents fonciers, tels que les matrices cadastrale (1831 et 1791) et les terriers seigneuriaux pour les autres étapes (1756, 1698, 1543 et 1426).

En particulier, contrairement à beaucoup de bourgs auvergnats (Aubière, Chamalières, Clermont, etc) qui furent dessinés au milieux de XVe siècle par Guillaume Revel, constituant le célèbre armorial conservé à la BNF, Beaumont, est seulement mentionné en tête d'une page restée malheureusement vierge (page 151)...

 

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Dans l'armorial de Revel, la page 151 consacrée à "L abaye de beaumont p(rè)s clermont", est (désespérément) vierge...

 

Ainsi, en utilisant comme trame de base le parcellaire du plan cadastral de 1831, et sa matrice (il s'agit-là du plus ancien plan disponible), j'ai commencé par reconstituer le parcellaire de 1791 à l'aide du registre des propriétés (*) bâties établi cette année-là. Les mutations de propriétés intervenues entre-temps, indiquées en marge de ce registre ont permis d'établir la correspondance entre les parcelles de 1831 et celles de 1791 et de présenter le parcellaire du plan cadastral de 1791! 

(*): Auquel ne correspond malheureusement aucun plan.

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Beaumont en 1831 (plan cadastral).

 

 

 

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Zoom sur la carte de Gabriel Syméoni (1571). Copie Jacques Pageix, 1978.

Beaumont apparaît bien sur la carte de la Limagne de Gabriel Syméoni de 1571, mais sous une forme malheureusement très peu précise, voire même erronnée: avec un peu d'imagination, on peut toutefois reconnaître en (1) l'église Saint-Pierre avec un clocher conique; en (2) l'église Notre-Dame de la Rivière avec le beffroi et le fameux clocher à peigne, et en (3) la tour du Chauffour. On notera que l'auteur fait passer par Beaumont le ruisseau de Ronat qui n'est que le déversoir des routoirs à chanvre creusés dans le terroir de ce nom au sud du bourg, alors que l'Artière passe à l'écart...(En fait, Syméoni a appelé Ronat la rivière d'Artière qui passe près du Bourg et se jette dans l'Allier, tout comme ses nombreuses autres dérivations portant le même nom). 

 

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3-Beaumont en 1791

 

La reconstitution de 1791 fait apparaître des différences notables par rapport à 1831 (je me suis limité à présenter une vue d'ensemble et le plan avec les numéros des parcelles qui renvoient aux noms des propriétaires).

 

À l'est de l'abbaye, on constate que l'espace n'était pas bâti: il y avait alors plusieurs enclos attenant à l'abbaye: l'enclos de Beauregard (2) qui fut alloti et vendu en 1792 comme bien national, sous l'égide de l'un des deux notaires du lieu, Me Pierre Goughon. Celui-ci créa un véritable lotissement avec de nouvelles rues.

 

Plus à l'est, un autre enclos abbatial, planté en vignes, fut également alloti: il s'agissait du clos de Las Veyrias (3).

 

Séparé par la rue de las Veyrias, se trouvait un autre enclos (4) acheté par l'abbaye à la famille riomoise Soubrany de Bénistant (on l'appela plus tard "clos de Belinstant"!). Pour y accéder, les moniales avaient fait édifier une passerelle (P) qui enjambait la rue!

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Beaumont en 1791-Jacques Pageix-1979-reproduction non autorisée.

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Le plan parcellaire que j'ai pu réaliser à partir du cadastre de 1831 et de la matrice de 1791-Jacques Pageix-1979-reproduction non autorisée.

 

 

Chaque couleur correspond à un nom de quartier et les numéros des parcelles à leur propriétaire en 1791! Aux deux extrémités du bourg se trouvaient deux enclos importants: à l'ouest, la "cita" du Ventadour, résidence du Sieur Goughon précité (N° 167) et, à l'est, le "Château" du Petit Allagnat (N°1), demeure campagnarde du Sieur Champflour, avec son parc à la française et sa fontaine Renaissance. Cette bâtisse du XVIe siècle fut malencontreusement détruite en 1977 pour l'agrandissement du CFPA...

 

Édifices et quartiers remarquables:

L'abbaye (1), l'église de Saint-Pierre, son chœur abbatial, sa nef paroissiale et son cimetière; l'église anciennement paroissiale de Notre-Dame de la Rivière (ND); le four banal ( hachuré); la maison commune (en noir); les quartiers de la porte Réale (PR); de la Conche (CO); du Cimetière (CI); de la Halle (H); du Plot (PL); de la porte Basse (PB); de la Rue Expirat (E); du Terrail (T); d'Obaiss (O); Dos Ban (B); du Chauffour (Ch); de la Veyria (V); de la Grand Rue ou Grande Rue Neuve des Fossés (GR); de Las Pedas (LPE); de Notre-Dame de l'Agneau (NDA); de la Croix Saint-Verny (CSV); du Pêcher (PE) et du Canal (CA). On verra plus loin que la signification de certains noms de quartiers, peu explicable en l'état, s'éclairera par la suite: c'est notamment le cas des quartiers Dau Ban (souvenir des bancs de la boucherie du Moyen Âge) et  d'Obaiss (souvenir d'un jardin abbatial, probable basse-cour à l'origine)...

m1: Me Antoine Coste, notaire, 1er Maire en 1790 (N° matrice cadastral 189) ;

m2: Étienne Pageix, 2e Maire en 1790 (N° 183);

m3: Jacques Pageix, 3e Maire en 1795 et Maire de 1815 à 1819 (N°213);

m4: Pierre Pageix le Jeune, 4e Maire en 1797 (N° 518);

m5: Maurice Maradeix, 5e Maire en 1798 (N° 530 "modo" Élisabeth Pageix);

m6: Pierre Pageix l'Aîné, notre ancêtre, 6e Maire en 1799 (N° 201);

m7: Messire Jean Bernard, prêtre, martyre, fusillé à Lyon le 7 messidor an VII (25 juin 1798). (N° 548).

 

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4-Beaumont au XVIIIe et au XVIIe siècles

 

Pour les deux derniers siècles de l'Ancien Régime (XVIIIe et XVIIe siècles),  les reconstitutions qui figurent dans mon ouvrage ont été faites à partir de deux lièves de cens, établies en 1756 et en 1698. On s'est toutefois limité ici à présenter l'aspect de Beaumont en 1750 sous la forme d'une vue perspective, en soulignant que la physionomie du bourg ne changea guère au cours de cette longue période. 

 

Les murailles de la vieille enceinte urbaine sont évoquées comme confins des maisons qui s'appuyaient contre elles; elles étaient probablement plus délabrées que ne le montre cette vue certes un peu optimiste, en raison du peu d'entretien dont elles étaient l'objet et des nombreuses usurpations commises par les habitants qui y pratiquaient des ouvertures et y aménageaient des "ballets" (balcons), déchaînant ainsi la vindicte des consuls en exercice...(voir les fréquentes délibérations du Corps Commun à ce sujet).

 

Légende de la vue perspective de 1750 ci-après:

Nota: Cette reconstitution reste assez approximative pour ce qui concerne:

-Le quartier de LAS VEYRIAS, au Nord de l'abbaye;

-Le quartier de LA PORTE DU CHAUFFOUR;

-Le fossé situé le long de l'enceinte nord, de la PORTE RÉALE à la PORTE BASSE. Peut-être était-il déjà comblé?

-L'état de l'enceinte urbaine, peut-être plus dégradé que ne le monte ce dessin, en raison de son défaut d'entretien par la Communauté, et des dégradations et usurpations commises.

ND: Église de NOTRE-DAME DE LA RIVIÈRE;

LV: LE VENTADOUR;

F: Fossés;

PO: Porte et Pace de L'OLME;

PT: Porte du TERRAIL;

PB: Porte BASSE;

PR: Porte RÉALE, et "place où il avait une forge et où il y a maintenant un regard de fontaine";

R: Porte ROUGE: l'emplacement exact de cette porte, qui permettait d'accéder à l'enclos du monastère, et qui est citée dans la liève de 1756, n'a pu être définitivement déterminé. Dans la liève, elle est désignée ainsi: "une maison, quartier de la porte realle, joignant la vacherie de l'abbaye et le passage de ladite maison de midi, une maison de nuit, et la voie commune tendante au jardin de l'abbaye par la porte rouge de jour et bise". (art. 175 bis);

TB: Tour de ROCHEBONNE;

TR: Tour de LA ROCHE;

TV: Tour de VILLENEUVE;

C1: Cimetière de l'abbaye (cf Arch. Dép. 63, C1980);

C2: Cimetière paroissial de SAINT-PIERRE (d°);

C3: Cimetière de NOTRE-DAME DE LA RIVIÈRE;

H: Halle (emplacement présumé et place SAINT-PIERRE. La halle existait eu XVIe siècle). En 1691, lors du "mini âge glacière" une femme fut trouvée morte au petit matin sous cette halle...

CG: Château-Gaillard;

GD: Grange des Dîmes (emplacement présumé);

S: Clos SOUBRANY;

A; Arche permettant de passer de l'enclos de l'abbaye à l'enclos Soubrany par dessus la rue (AD63, L 3906);

C1: Chemin utilisé jusqu'à la fin du XVIIe siècle par les habitants (AD63, C1979);

C2: Chemin utilisé au début du XVIIIe siècle par les habitants jusqu'à la transaction de 1723 (AD63, Fds de BMT 50H69);

C3: Chemin utilisé à partir de 1723, après son aménagement et son pavage aux frais de l'abbaye (d°);

CP: CHAMP POINTU;

CA: Croix d'ALLAGNAT : voir note ci-après (*);

Ch: Châtaigneraie. Au Moyen Âge, se trouvaient-là les fourches patibulaires, autrement dit le gibet (l'abbesse exerçait son droit seigneurial de Haute, Moyenne et Basse Justice). Appelées "Las forchas justicie dicte ville bellimontis" ou "justiciam sive forchas bellimontis", ces fourches étaient dressées près d'un petit cours d'eau, possible dérivation de l'Arteyre, aux fins d'irrigation, poétiquement appelé "razam (rase) de l'eylenassi". Les nombreuses ramifications à partir de cette rase principale étaient probablement commandées par un de ces nombreux "tornadors", terme intraduisible désignant ces vannes pouvant être commandées de manière sélective en fonction des besoins des propriétaires...   

Un terroir (les Fourches, près de celui du Matharet) en rappelait d'ailleurs le souvenir .

Plus précisément, le Gibet était érigé sur le terroir de Monsanzoneir qui fut désigné plus tard par le nom de Mont Sansonnet! Ici, les pendus de la fameuse ballade de Villon auraient pu dire que ce sont les étourneaux et non les pies et corbeaux qui "(...) nous ont les yeux cavez (...) et plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre"!...

Plus sérieusement, voir aussi l'acte de reconnaissance réciproque des limites de juridiction entre l'abbesse de Beaumont et le Dauphin d'Auvergne, Comte de Clermont pour Mont Runhon (Montrognon) en 1355. J'ai pu, grâce à ce document (entièrement transcrit en annexe de mon livre), reconstituer les limites de la justice de Beaumont et placer la plupart des bornes de justice.

Pour mémoire, le pilori ("plateam du pillorum"), destiné aux peines non capitales, était situé en 1426 à droite de l'entrée principale du bourg, la Porte Réale. Les registres de justice évoquent des condamnations au pilori, au fouet, et au banissement, sans exclure évidemment les amendes et il est donc probable que les fourches ne furent jamais utilisées, y compris dans le cas de crimes comme celui qui fut perpétré en 1336 sur la personne du jeune Étienne Serra dont la mère fut désignée comme l'auteur de ce meurtre!...(voir sur ce meurtre l'article de mon ami Johan Picot Docteur en histoire médiévale et membre de l'Académie de Clermont). 

M1: Maisons de Pierre PAGEIX (notre ancêtre direct);

M2: Maison et pigeonnier d'Étienne PAGEIX, Maire en 1791.   

  

 

 

Beaumont vers 1750 (pour imiter Guillaume Revel...)-Jacques Pageix-1979-reproduction non autorisée. Le pigeonnier à l'extrémité de la vigne close de La Veyria est à l'emplacement de la maison Pageix, 3 Place d'Armes construite vers 1805...

 

(*) : Note sur la croix d'Allagnat:

 

Cette croix, placée au carrefour des chemins d'Aubière et de Romagnat, fut démontée à un époque non déterminée; on retrouve aujourd'hui son support de base (pyramide tronquée posée sur un réemploi de pierre tombale d'un prêtre) sur la fontaine de la place de la Porte Réale. Jean Talhandier dont le nom est gravé sur la pierre était le châtelain de Beaumont (autorité exerçant la justice au nom de l'abbesse ) au XVIIe siècle, qui résidait dans le château du Petit Allagnat. Les Champflour d'Allagnat succédèrent au début du XVIIIe siècle aux Talhandier par une alliance entre les deux famille.

 

Extrait de mes notes archéologiques (ca 1980).

 

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5-Beaumont au XVIe siècle

 

L'aspect de Beaumont au milieu du XVIe siècle a été restitué grâce à un terrier daté de 1543 (terrier levé par Maîtres Étienne Mège et Jacques Cros, Notaires à Beaumont sous l'autorité de Françoise du Vernet, abbesse). Un plan du parcellaire avec les noms des habitants a pu être établi, faisant apparaître le tracé des fortification: le bourg comportait la vieille enceinte urbaine de forme oblongue -visiblement plus ancienne-, qui protégeait la partie haute du bourg (paroisse de Saint-Pierre), et au Sud de celle-ci une enceinte de forme rectangulaire, plus récente, puisqu'elle n'existait pas encore, comme on le verra, au début du XVe siècle. Pour édifier cette muraille et creuser son large fossé, il fallut pratiquer une véritable coupe sombre (est-ouest) dans le bas du quartier en supprimant de nombreuses maisons.

 

L'enceinte primitive avait trois portes: La Porte Réale (principale porte à laquelle toute nouvelle abbesse devait se présenter aux élus qui lui remettaient symboliquement les clés de la ville), la Porte Basse, et la Porte du Terrail (la seule encore visible de nos jours. Cette dernière était probablement devenue inutile du fait de la construction de la deuxième enceinte).

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Beaumont en 1543-Jacques Pageix-1979-reproduction non autorisée.

 

L'enceinte des quartiers de la Rivière s'appuyait à l'ouest sur l'église Notre-Dame et sur son beffroi. À l'est, elle se terminait sur le mur de l'abbaye appelé le Cour Barand.

Cette enceinte avait deux portes; la Porte de l'Olme, près de l'église, et la porte du Chauffour, près du mur de l'abbaye.

Les deux élus en exercice, nommés à la fête de Saint-Jean-Baptiste pour une année, désignaient des "commissaires aux réparations" chargés de l'entretien, voire de la reconstruction des fortifications; ils étaient aussi responsables de l'achat de l'armement et de l'organisation du guet. 

 

Légende:

1: Église Saint-Pierre et abbaye de Beaumont;

2: enclos et maison abbatiale de Beliegart;

==== : fortifications (remparts et tours);

(((((   :fossés;

-->: portes:

PR: Porte Réale (porte et quartier);

PB: Porte Basse (id.);

PT: Porte du Terrail (porte et quartier du Terrailh ou Terralh);

PO: Porte de l'Olme;

PC: Porte du Chauffour;

PCL: Porte du Cloître;

ND: Église et cimetière de Notre-Dame de la Rivière;

OL: Place, cimetière et quartier de l'Olme;

H: Halle;

BB: "Chambre basse que solloit estre les banctz de la boucherie";

BC: Basse-cour de l'abbaye;

En noir: Maison du Saint-Esprit de Beaumont;

SR (Points blancs sur fond noir): Chaume "que solloit estre la maison du Saint-Esprict de la Rivière";

Hachuré: Four banal;

C:  Colombier de l'abbesse;

CV: "Cuvage sivé pressoir du chapitre de Notre-Dame de Chamalières";

CU: Cure de Saint-Pierre;

Blanc pointillé: Maisons;

Blanc entouré: Chezal;

Blanc: Espace libre, cultivé ou non;

Blanc pointillé avec un point noir: Tenanciers soumis à la condition suivante: "Toutes et quanteffoys qu'il adviendra (à) lad(ite) dame ou aulcune Relligieuse du d(it) monastère trépasser icelluy confessant sera tenu et debvra avec les autres tenanciers d'autres maisons de telle condicion faire les fosses des d(ites) Relligieuses et dame et les porter et ensepvelir et pour ledict service faict ledict confessant et les autres tenanciers de telles maisons doibvent avoir pour leur sallaire et poyne un chacun desd(its) tenanciers une livraison de pain et de vin comme une chacune desd(ites) Relligieuses et aussy touteffoys qu'il y entre aulcune escolliere doibvent avoir pareilhe Livrayson que dessus et aussy pareilhement quant elles sont sacrées";

CO: Quartier de la Conche;

PL: Quartier du Plot;

CT: Quartier Dos Courtiaulx sivé Doz Molins;

PE: Quartier du Peschier;

ND: Quartier de Notre-Dame de la Rivière;

G: Quartier Daux Gaury;

CB: Quartier de Las Chambras;

CH: Quartier du Chauffour;

LPE: Quartier de Las Pedas;

SE: Quartier du Setis.

 

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6-Beaumont au XVe siècle

 

Le parcellaire a été reconstitué à partir d'un terrier de 1426 fait par le Notaire Jehan Blauf (*) à la demande d'Agnès de Montmorin, abbesse, et en accord avec "Messire Pierre Acgier, prêtre et receveur du dit lieu de Beaumont". Ce recueil des reconnaissances des tenanciers, en latin, est très lisible, car l'écriture est régulière et soignée. De plus, les confins avec les édifices remarquables comme les fortifications et leurs portes y sont scrupuleusement décrits (sans ces deux facteurs réunis, ma tâche n'aurait pu être couronnée de succès).

(*): Ce Jean Blauf était probablement apparenté à Julien Blauf, dont on a conservé le manuscrit de sa chronique des guerres de religion à Issoire ("chronique des temps d'épouvante"), éditée par la Française d'Édition et d'Imprimerie (Clermont-Fd) en 1977, texte présenté par Roger Sève (ancien directeur des archives départementales du Puy-de-Dôme que j'ai bien connu) et André Serre.

 

On remarque en premier lieu la présence d'une unique enceinte urbaine, qui protégeait "Belmont le Puy" et s'appuyait sur celle de l'abbaye, avec ses trois portes: la Porte Réale avec le pilori, la Porte Basse (l'origine de ce nom reste mystérieux) et la Porte du Terrail.

 

On remarque aussi la présence d'une basse-cour fortifiée sous l'enceinte méridionale du monastère. En effet, en l'absence de leur propre enceinte qui sera édifiée plus tard, les habitants de "La Ribeyre" disposaient de 74 loges  de 15 m2 qui leur étaient allouées par l'abbaye moyennant un cens (en geline la plupart du temps). On les appelait "les Bassacors".

 

Je pense qu'à cette époque, le "clocher" (les guillemets sont mis à dessein) de Notre-Dame de la Rivière, qui semble dater au plus tôt de la fin du XIVe siècle, était en fait un beffroi qui servait aux habitants de tour de guet: avant la construction de leur propre enceinte, probablement au cours de la deuxième moitié du XVe siècle (cette enceinte s'appuiera d'ailleurs sur le beffroi), les habitants de ces quartiers situés en contre-bas du bourg fortifié éprouvaient en effet la nécessité de disposer d'un beffroi pour surveiller suffisamment loin les abords de la ville et être en mesure de lancer l'alerte pour regrouper toutes les familles à l'abri de la basse-cour fortifiée de l'abbaye. En effet, j'ai remarqué qu'en l'absence d'escalier partant au niveau du rez de chaussée dans le beffroi, l'accès à cette tour ne pouvait se faire qu'à partir d'un escalier extérieur à l'église, bâti contre la façade nord de celle-ci. Il permettait ainsi d'atteindre le niveau du 1er étage au moyen d'une coursive encore visible sur le toit de la nef, comme on le voit sur mon relevé ci-après (je l'ai parcourue alors que j'étais enfant...).

Cet escalier est d'ailleurs évoqué dans une assemblée municipale du 10 février 1853, convoquée par le maire Antoine Faye: il s'agissait du noyer de la Place de l'Ombre (belle déformation de l'ancien nom "Place de l'Olme" où se trouvait planté comme dans tous les villages un orme, qui fut probablement remplacé par un tilleul, ces fameux "Sully", puis enfin par le fameux noyer, "qu'un orage récent avait dépouillé de ses plus fortes branches" et que l'on se proposait de vendre pour "en employer le prix à des travaux à l'église Basse dite Notre-Dame de la Rivière" et notamment "l'escalier extérieur".    

On remarquera que la façade sud de ce beffroi est percée d'une meurtrière permettant le passage d'une arquebuse (à l'époque, on appelait ces armes à feu des "acabiutes" et les meurtrières des "canardières". 

Voir ci-dessous la vieille gravure de Delorieux qui montre l'église en 1833, vue du cimetière situé au nord de celle-ci. On aperçoit cette coursive extérieure qui passe sur le toit de l'église et permet d'accéder directement au beffroi (col. Jacques Pageix). 

 

J'ajoute que l'église se prolongeait alors à l'ouest par une "jalineva" (ganivèle ou galilée) qui constituait un porche permettant de s'abriter à l'entrée du sanctuaire (explication qui m'avait été donnée -comme beaucoup d'autres- par Pierre-François Fournier) (*). Le long de la façade sud de la nef, on trouvait une chapelle de Sainte-Marie, puis une autre, vouée à Sainte-Catherine. Traversant une petite place ("plateam de retro capellam beate Catherine") on faisait face à la maison du Saint-Esprit de la Rivière, qu'on retrouvera totalement ruinée en 1543.

 

(*): Voir Larousse ancien français, par A.J. Greimas, 1980, et lexique de l'ancien français par Frédéric Godefroy, Ed. Welter, 1901; galilée: origine obscure, porche d'église. Voir également Pont-du-Château à travers les âges de Pierre Mondanel, 1967: "au Moyen Âge, on désignait le porche sous le nom de galiléa, galilée, qui s'est transformé par endroits en jenilyevo et jenevieve!" 

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

La galilée de Notre-Dame de la Rivière devait ressembler à celle de l'église de Nohant (les Nohantais  et Georges Sand l'appellent la "caquetoire"...)

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Eglise Notre-Dame de la Rivière. 1833. Delorieux: vue du cimetière clos, au nord de l'église, et son entrée. On aperçoit la coursive d'accès au beffroi et les marches d'escalier sur le toit de la nef. Cet édifice présente à l'évidence trois ensembles chronologiquement distincts: la partie de la nef à droite de l'image, la plus ancienne (voûte romane en berceau), et la partie à gauche, plus récente (voûtes d'arêtes), ces deux parties de la nef étant coupées par ce qui est probablement le reste d'un ancien clocher à peigne. Plus récemment, le beffroi faisant office de clocher fut accolé à la nef ; on accède encore de nos jours au "clocher" et à la terrasse uniquement par un escalier à vis qui "démarre" au niveau de la petite porte (*) que l'on aperçoit au bout de la coursive. ( Col. Jacques Pageix).

 

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Coupe de l'église de Notre-Dame de la Rivière (on l'appelait aussi l'Eglise Basse). L'une des trois vues de l'église, extraite de mon livre "Beaumont, histoire urbaine". À l'époque, ma main ne tremblait pas et je me souviens que ce genre de relevé fait avec Monsieur Michel (**) exigeait beaucoup d'agilité et un "zeste" de connaissances en... trigonométrie... (Jacques Pageix, 1979. Reproduction non autorisée):

 

(*): À partir de cette porte, un escalier à vis permettait d'accéder à la terrasse du beffroi. Il se peut aussi que le chemin d'accès ait été aménagé sur un ancien clocher à peigne qui se dressait autrefois au niveau de la séparation entre l'ancienne nef romane et son prolongement plus récent vers le chœur, formant deux ensembles gothiques contrastant avec la nef romane.

(**): MICHEL Baptiste, beaumontois, ancien pilote militaire, et auteur de nombreuses photographies aériennes de Beaumont prises vers 1930, membre de l'aéro-club d'Auvergne comme moi, propriétaire de la droguerie de la place Saint-Pierre. Dans les années 70, j'ai pour ma part pris beaucoup de photos aériennes, le manche coincé entre les genoux et l'appareil photo calé sur le bord de la verrière entrouverte! 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont
Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Voici les relevés de l'église abbatiale et paroissiale de Saint-Pierre de Beaumont faits à la même époque ("l'ancien clocher" rebâti sous Louis-Philippe n'avait pas encore été modifié).

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Voici le relevé du profil de l'église Saint-Pierre réalisé au lavis en 1978, alors que l'édifice avait encore son clocher Louis-Philippe. (fait sur papier millimétré pour assurer l'exactitude des proportions). (Jacques Pageix. reproduction réservée).

Ci-dessous:

-Vue en coupe de l'église;

-Plan de l'église. Les bâtiments et le cloître de l'abbaye ont également fait l'objet d'un plan précis que je ne reproduit pas ici; je me souviens que j'avais dû frapper à toutes les portes pour pénétrer dans les maisons qui bordent l'ancien cloître, afin de photographier et dessiner les pièces, les vestiges encore apparents et toutes les colonnes qui se trouvaient encore à l'intérieur de ces maisons qui, rappelons-le, sont le résultat d'un partage des bâtiments claustraux réalisé par les notaires Pierre Goughon et Antoine Costes qui s'en étaient rendus acquéreurs en 1792 . (Jacques Pageix. Reproduction réservée).   

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont
Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Enfin, voici en haut une coupe de l'église et en bas le plan de l'église (1978, Jacques Pageix, reproduction réservée).

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

J'avais relevé (1978) les pierres tombales qui étaient alors rassemblées dans le chœur. (Voir légende ci-après). (Jacques Pageix. Reproduction réservée).

Ci-dessous:

-Relevé des inscriptions sur les pierres tombales.

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont
Histoire d'un bourg viticole: Beaumont
Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Beaumont en 1426-Jacques Pageix-1979-reproduction non autorisée. Les noms des rues du Moyen Âge, également retrouvés, ne sont pas indiquées ici... 

 

Légende:

1: Église et abbaye de Saint-Pierre et abbaye de Beaumont;

2: Enclos et maison abbatiale de Beliegard;

3: Jardin de l'Abbesse;

PEN: Cimetière Del Peny;

SP: Cimetière clos de Saint-Pierre;

PI: Pilori;

BR: Quartier de Borchani;

BC: Basse-Cour;

SE: Quartier Daux Setis;

CO: Quartier et cimetière de La Conche;

CT: Lo Cortial;

L: Loge de l'Abbaye;

BB: Bancs de la boucherie;

P: Postela;

E : Entrée de la Basse-Cour;

FSP: Quartier de la Font Saint-Pierre;

OL: Quartier et cimetière de l'Olme;

LF: Quartier de la Fontete;

Pour le reste, consulter la légende du plan de 1543.

 

On est impressionné par le nombre et la dimension des cimetières et par cette proximité entre les vivants et les morts que l'on ensevelissait à la porte des maisons... Pour mémoire, entre 1379 et 1426, on était passé de 122 feux pour Belmont le Puy, 119 pour la Ribeyre et 64 Bassacors à 88 feux pour le Puy, 62 pour la Ribeyre et 78 Bassacors, soit de 241 (env. 964 habitants en comptant 4 habitants par feu) à 150 (env. 600)!...(*)

(*): Le décompte à 4 âmes par feu est selon moi une hypothèse basse.

 

Le terrier de 1426 indique le nom des rues comme confins et j'ai donc pu les indiquer sur le parcellaire que j'ai reconstitué. Voir le plan correspondant en fin d'article.

 

On découvre sur le parcellaire ainsi établi un jardin de l'abbaye situé à l'ouest de celle-ci, jardin qui sera urbanisé par la suite. Ce jardin était bordé de petites maisons qui pourraient bien avoir été d'anciennes loges d'une basse-cour primitive. On notera qu'en ce début du XVe siècle, le monastère, ses dépendances immédiates avec les cuisines, le four, les bancs de la boucherie et le jardin de l'abbaye à l'ouest s'inscrivaient dans un rectangle presque parfait, ce qui m'a permis de subodorer qu'il s'agit-là de l'enceinte monastique primitive. La présence d'un colombier de l'abbaye à l' extrémité ouest de ce rectangle semble conforter cette hypothèse. 

On pénétrait dans l'abbaye par une porte fortifiée, après avoir franchi un fossé sur un pont!

Une "postela" permettait à l'abbaye d'accéder à sa basse-cour et au four banal lorsque la porte du Terrail était fermée.

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Extrait de mon plan de 1426. Jacques Pageix, 1979.

 

J'ai pu situer aussi l'emplacement de la maison du Saint-Esprit ou maison commune, où officiaient les deux élus renouvelés comme on l'a dit tous les ans à la fête de Saint-Jean Baptiste et où se tenaient les assemblées des habitants et une autre maison du Saint-Esprit dite de la Rivière, avec ses deux Bailes (Guillaume Bossa et Guillaume Atger cette année-là). Cette dernière abritait la "frérie" ou "charité" chargée de gérer les revenus (assis sur des biens fonciers) destinés à secourir les pauvres et les malades.

 

Parmi les sujétions auxquelles les beaumontois étaient astreints pour servir l'abbaye (*), j'évoquerais ici l'obligation pour certains d'entre-eux d'enterrer les religieuses. En effet, les tenanciers de certaines maisons groupées dans le même quartier de "Belmont le Puy", devaient creuser les fosses des moniales défuntes. En retour, l'abbaye les gratifiait de pain et de vin et faisait retentir le glas lors de leur propre trépas (lire le passage plus détaillé ci-après)...

(*): voir "Beaumont au XVIe siècle, droits seigneuriaux et libertés municipales"Jacques Pageix, 1992.

 

À noter enfin deux quartiers au parcellaire régulier: Las Chambras au sud et Las Pedas au nord. Il s'agit de "villes neuves" ou allotissements créés par l'abbaye et voués à la construction selon des règles particulières (cf PF Fournier). Si le quartier de las Chambras fut rapidement urbanisé, il n'en fut pas de même pour Las Pedas.

 

Voici une partie de ma reconstitution du parcellaire urbain de 1426 qui montre l'emplacement de la maison d'un certain Durand Paghes et de sa fille Catherine, qui habitaient le quartier de la Conche. Leurs voisins étaient Jean et Pierre de la Porte alias Luquet (*), Pierre Juzilh, Jean Fanzel de la Veria, Antoine de Orto (de l'Ort) et Guillaume Serra.

(*): au fil des siècles suivants, seul subsistera le surnom de Luquet, famille qui compte parmi nos ancêtres avec un notaire beaumontois allié aux Savaron ! (cf archives familiales).

La maison d'en face était le presbytère de Saint-Pierre, habité par "Dominus Bertrandus Bompar, presbiter, rector eccclesie sancti Petri Bellimontis".

Plus à l'est, quelques maisons du quartier du Pla sont marquées d'une croix verte: ce sont-là les maisons habitées par ces beaumontois tenus d'accomplir une besogne quelque peu macabre: porter en terre les religieuses décédées après avoir creusé leur tombe. Précisons que le cimetière de l'abbaye, destiné aux religieuses et au personnel attaché au monastère qui ne pouvaient prétendre à une sépulture dans le chœur ou dans le cloître, se trouvait au nord du chœur, tandis que le cimetière paroissial voisin s'étendait au nord de la nef (positions logiques correspondant à l'intérieur de l'église à la nef paroissiale et au chœur abbatial séparés par un jubé et une grille.

Leurs maisons sont toutes désignées dans le terrier par le vocable "Fenal". Elles étaient tenues en fief de l'abbaye ("de feodo", stipule le terrier).   

Ce sont:

Pierre Hugo alias Verninas, Jacques de la Queulha, Jehan Chatard senior, Jehan Guibert (encore un ancêtre), et Guillaume Agne, maçon et charpentier.

L'article du terrier qui énumère les redevances dues par ces tenanciers pour leurs maisons stipule:

"Guillermus Agne lathonia et carpentator sponte confitetur fuit tenere a dicta domina Bellimontis presente ad hec dicto Domino Petro Atgerii presbitero (*) et huismodi confessionem etc. Quem etc. videlicet quodam hospicium vocatum fenal situm in carterio des Pla iuxta duas vias comunes a meridie et ab occidente et hospicium Johanis Guitbert Bonafe a borea et hospicium Catherine Melhmoze quodam eydi intermedia ab oriente absque censu sub hac conditione quod totiens contengerit migrare ab hoc seculo Religiosam seu Religiosas dicti monasterii et donatos etiam dicti monsterii quod illo tunc dictus tenementarius unacum aliis tenementariis aliorem hospiciorem de tali conditione tenentur facere fossas earumdem Religiosarum et eas portare et cepellire in dictis fossis et pro dictis servitucibus faciendis ipse tenementarii debent habere los clars consuietis pro ipsis et eorum familia nec non debent habere pro eorum pena et labore uniusque ipsorum tenementariorum unam librationem panis et vini sicut quelibet Religiosa et etiam totidem quando quelibet scolaris intrat Religioni et etiam die sacrationis monialis seu monialium" (terrier de Blauf, Arch. dép. du P.de D., Fds de Beaumont liasse 4b).

(*): Pierre Atger était alors curé de Notre-Dame de la rivière. Il habitait avec son frère Guillaume une maison située dans le bas du quartier du pla, à l'abri derrière la muraille du bourg, avec d'autres notabilités comme Michel Mège, Pierre Felup et Pierre Perset. Lorsqu'on pénètre dans ces petits hôtels bâtis en pierre de Volvic, une fois franchies leurs portes aux linteaux armoriés ouvrant sur des escaliers à vis desservant les étages, on devine encore aujourd'hui, que ce quartier, au Moyen Âge, devait être le plus prisé du bourg... 

 

Cette obligation réciproque ne fut pas maintenue en vigueur au delà de la fin du XVIe siècle, où l'on en retrouve mention dans le terrier de mège et Cros de 1543-1546 que j'ai également dépouillé et utilisé pour établir le plan du parcellaire cadastral de Beaumont à cette date (même source, liasse 8b 5-10).

Il rappelle que les tenanciers doivent:

"faire les fosses desdites relligieuses et dames et les porter ensepvelir ausdites fosses (...) et doibvent avoir pour leur sallaire et poyne (...) une livraison de pain et de vin (...) et aussy touteffoys qu'il y entre aulcune escolliere doibvent avoir pareille livrayson que dessus et aussy pareilhement quant elles sont sacrées pareilhe et semblable livraison".

"ils doibvent aussy avoir les clatz pour eulx et leur famille"

  

Ainsi, ces beaumontois étaient astreints, comme l'indique le terrier, à creuser les tombes des religieuses lorsqu'elles "migraient de ce siècle", si l'on traduit littéralement le latin, moyennant  du pain et du vin pour leur salaire et peine (*); ils recevaient la même gratification lorsqu'une religieuse prononçait ses vœux. En retour, lors de leur propre décès ou de celui d'un membre de leur famille, le monastère devait sonner le glas...

(*): cette obligation s'étendait aussi aux donateurs de l'abbaye lors de leurs décès.

La maison de Guillaume Serra, qui s'appuyait au bout de l'impasse du Plat contre la muraille du bourg, nous rappelle un meurtre épouvantable, survenu en janvier 1336, où une mère tua son enfant et se jeta par la fenêtre! (*)

(*): Les Serra, tenanciers de la Ribeyre, possédaient une autre maison (peut-être leur résidence principale) à La Ribeyre. Ce meurtre fut probablement perpétré dans cette demeure, car les principaux témoins interrogés dans le cadre du procès demeuraient à proximité. Ce crime a fait l'objet d'une thèse de Mr. Johan Picot, visible sur le site criminocorpus. Monsieur Picot m'a également appris qu'une beaumontoise, Jacmecte Perset, atteinte de la lèpre, fut jugée par le tribunal de la Purge de Montferrand le 20 août 1449; enfermée dans la léproserie d'Herbet, elle devait "pourter les claquetes que les ladres pourtent comme est de coustume"...   

 

On voit sur l'extrait du plan parcellaire (partie nord du bourg) l'emplacement de l'hôtel du Saint-Esprit ("salam sive aulam") où les beaumontois tenaient leurs assemblées sous l'égide des deux élus désignés chaque année à la fête de Saint-Jean Baptiste. On aperçois également en haut et à gauche, le pilori, ainsi localisé à droite de la Porte Réale. Ce pilori fut utilisé (*). En revanche, les fourches patibulaires, autre signe ostensible du droit de haute, moyenne et basse justice exercé par l'abbesse, demeura comme on l'a dit probablement symbolique, car on ne trouve pas trace de peine capitale dans les registres de justice, qui évoquent néanmoins les prisons de l'abbaye.

(*): J'ai trouvé cette gravure représentant le pilori des halles de Paris en 1707: il était composé d'une roue où le condamné passait sa tête et ses mains. La roue pouvait "accueillir" 6 individus. Les Parisiens leur jetaient au visage des fruits pourris  et des ordures...À mon avis, tout en ressemblant à celui-ci, le pilori de Beaumont devait être de dimensions plus modestes.

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont
Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Extrait de mon plan de Beaumont en 1426. Reproduction non autorisée-Jacques Pageix-1979.

 

Je présente ici d'autres extraits de mon plan:

Tout d'abord, le monastère et la partie du bourg située devant son accès principal fortifiée, avec son pont sur un fossé ("fossatum pontis dicte monasterii" et sa "postela" permettant de descendre vers la Basse-Cour fortifiée.

On distingue autour d'une petite place qui contient "l'ala ubi tenetur curia" (la halle où se tenait la cour de justice), le pressoir de l'abbaye (trolium), les cuisines de l'abbaye ("coquinam monasterii"), le four banal, et les bancs de la boucherie, décrits dans le terrier:

 

"Guillermus Saisat sponte confessus fuit se debere predicte domine bellimontis presente ad hec dicto domino Petro Atgerii presbitero et huiusmodi confessionem etc. Quem etc. Videlicet census qui sequentur census et reditur cum domino et vendis predictis et primo unam quartam frumenti et unam gallicam pro quodam hospicio sito ante portam deu claustra iuxta hospicium Bernardi Precirat a borea et hospicium Petri et Guillelmi Juquetz ab occidente et viam comunem a meridie et l' ala ubi tenetur curia et plateam ubi stant banna seu stagna pro vendendis carnes rescentes ab oriente et est sciendum quod penus situm subtus dictam ala et banna est pertinet dicto tenementaris".

Cette boucherie, dont les statuts étaient peut-être similaires à ceux des boucheries du chapitre cathédral de Clermont, décrits par Melle L. Welter (revue d'Auvergne, 1947), n'existaient plus au XVIe siècle comme l'atteste le terrier de Mège et Cros cité ci-après. D'ailleurs, au XVIIe siècle, mon ancêtre Jacques Pageix, "hoste et bouchier", était fournisseur exclusif de l'abbaye (cf "factures" relevées dans les archives de l'abbayes):

 

En 1543, François Achard possèdait "une chambre basse que soulloit estre les bancz de la boucherie audict confessant bailhe a cens nouveaulx par feue Madame Jehanne de Lupchat Dame Abbaisse de Beaulmont et par le couvent scitue dans la ville de beaulmont et au cartier dos bancz sive de devant la porte de la claustre".

 

Ceci me permit de découvrir l'origine, obscure pour moi jusque-là, du quartier Dau Ban, dont le nom se perpétua jusqu'au XIXè siècle: les vieux beaumontois, interrogés sur ce point (comme sur beaucoup d'autres sujets...), furent tous incapables de m'en fournir la signification. 

   

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Zoom sur le quartier de Belmont-le-Puy situé devant l'entrée principale de l'abbaye. Jacques Pageix. Reproduction non autorisée.1979.

 

Voici également un extrait du plan relatif à la Basse-Cour de l'abbaye. Les numéros renvoient aux nom des tenanciers titulaires d'une loge. Ces 74 loges exiguës (env 15 m2) étaient tenues, à peu d'exeptions près, par des tenanciers de Belmont la Ribeyre dont les quartiers n'étaient pas encore protégés par leur propre enceinte. 

Au cours de la guerre de Cent-Ans,  elle ne furent donc en principe occupées qu'en période d'insécurité. Au XVIe siècle, sa fonction initiale n'eut évidemment plus de raison d'être et des habitations banalisées remplacèrent peu à peu ces loges.

Certains redevables, manifestement extérieurs à Beaumont, (on les appellera plus tard les "nobles forains": le substantif "forain" étant à rapprocher de l'anglais "foreign") possédaient toutefois une loge dans la basse-cour de Beaumont. Etait-ce pour la sous-louer ou pour l'occuper provisairement? C'était le cas de Noble Catherine de Ceyrat, qui ne possédait qu'une loge à Beaumont en 1426. En 1379, un certain Jehan de Mezeit (Mezel) possédait également une loge. En 1426, c'est Jacques de Mezeit qui possede une "locgia de novo investita in cimiterio del Peny", située entre le chœur de l'église Saint-Pierre et la maison abbatialle de Beliegart. 

Les redevances perçues par l'abbaye sur ces loges étaient en froment et en geline (poule) On peut faire le total des redevances que rapportait à l'abbaye l'attribution des loges:

En 1379, la basse cour rapportait à l'abbaye 43 quartes (1392 litres) de froment et 46 gelines pour un total de 65 loges;

En 1426, elle ne rapportait plus que  40 quarte (1252 litres), 23 gelines et 17 deniers pour un total de 78 Loges. Ce dernier résultat doit toutefois être légèrement majoré pour tenir compte de certaines loges qui, curieusement, ne sont signalées dans le terrier que comme confins.

Bien entendu, on voit mal le tenancier porter au monastère un quartier de poule (une aile, une cuisse?): probablement, la poule devait être "livrée" entière pour payer plusieurs années ou pouvait être "convertie" en numéraire (explication de Johan Picot).  

J'ai également remarqué que certaines habitations, situées à l'intérieur du bourg fortifié étaient elles-aussi désignées sous le nom de "loges", ce qui conforte mon hypothèse d'une enceinte monastique primitive de forme rectangulaire et comportant une basse-cour à l'Ouest du monastère (Ce "jardin de l'abbesse" entouré de petite maison (anciennes loges?) fut urbanisé peu après, et ce quartier s'appela d'ailleurs jusqu'au XIXe siècle le quartier d'Obaiss...). Cette ancienne basse-cour a très probablement précédé la construction de la première enceinte urbaine qui s'est appuyée sur ce quadrilatère. (cf paragraphe qui suit sur les phases de développement du bourg). 

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Zoom sur la Basse-Cour de l'abbaye-Jacques Pageix-1979-Reproduction non autorisée. Les numéros renvoient à la liste des noms des tenanciers.

 

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7-Hypothèses sur la formation du bourg

 

L'abbaye Saint Pierre de Beaumont, fondée en 665 selon la règle monastique qui exigeait un lieu désert, à l'écart des grands axes de circulation, attira une population probablement attachée à l'origine au service du monastère; placée sous sa protection, elle s'organisa peu à peu en agglomération relativement autonome.

 

À l'évidence, ce site ne fut pas choisi au hasard, si l'on considère ses nombreux attraits: les hauteurs bien exposées pour la vigne et le bassin de l'Artière propice aux vergers; il n'est donc pas surprenant qu'un important habitat gallo-romain, qui survivra jusqu'au Haut Moyen Âge, ait été récemment découvert lors des campagnes de fouilles de sauvetage du site du Champ de Madame, entreprises entre 1992 et 2000, préalablement à l'aménagement de la rocade routière.

Il est à souligner que ce site avait été abandonné depuis peu de temps au moment où l'abbaye fut fondée, en 665, cristallisant auprès d'elle un nouvel habitat... 

 

Cela ne m'a pas surpris, car j'avais entendu dire par mon grand père Pierre Pageix que le souvenir d'une vaste villa gallo-romaine persistait dans le nom du terroir de La Ville; des vestiges apparents ou mis au jour à l'occasion de travaux agricoles en apportaient presque quotidiennement la preuve (canalisations et poteries diverses). On peut d'ailleurs noter que la carte de Cassini de 1775 (voir l'extrait ci-après), où Beaumont est indiqué avec un contour ovale, indique un seul lieu-dit voisin, au sud du bourg, entre celui-ci et l'Artière: "La Ville". Ainsi, peut-être l'ensemble Gallo-Romain découvert au sud de l'Artière s'étendait-il aussi au nord de ce cours d'eau?

 

Deux ensembles urbains se sont peu à peu formés l'un près de l'autre sur le site de Beaumont, sans que l'on puisse évaluer leurs anciennetés relatives: l'un d'eux, Belmont le Puy, s'appuyant sur l'abbaye fortifiée, et l'autre, La Ribeyre, autour de l'église Notre-Dame de la Rivière.

 

Une première enceinte a été édifiée pour la protection du bourg de Belmont le Puy (peut-être vers le début du XIIIe siècle).

 

À une époque indéterminée, mais assurément avant le XIVe siècle, des terrains ont été allotis en parcelles régulières vouées à la construction: Las Pedas, ou Les Pèdes, au Nord du bourg, Las Chambras, au Sud. Contrairement au premier, dont l'urbanisation ne s'acheva qu'à a fin du XVIIIe siècle, le second se développa rapidement, constituant l'extension vers l'Est  de la Ribeyre. Il est très probable qu'il s'agisse là de deux "villes neuves", au sens que l'on accorde habituellement à ce terme (d'après Pierre-François Fournier, dont je salue ici la mémoire en reconnaissance de l'aide précieuse et bienveillante qu'il m'apporta pour des transcriptions ou des interprétations et, tout simplement, par ses encouragements).

 

Au cours du XIVe siècle, l'abbaye s'étendit vers l'est, avec l'aménagement de l'enclos de Béliégart (appelé plus tard Beauregard) bordé au sud par la muraille du Cour Barant (appelé plus tard le Corboran), et c'est peut-être au cours de cette phase d'extension de l'emprise de l'abbaye que la basse-Cour, au sud de l'abbaye, fut aménagée pour la sécurité des habitants de la Ribeyre. 

 

Enfin, probablement au début du XVe siècle, motivée sans doute par la reprise des troubles (deuxième phase de la Guerre de Cent Ans avec ses désordres intérieurs et les passages incessants de gens de guerre), l'édification d'une deuxième enceinte permit aux habitants de la Ribeyre d'être dotés d'une protection plus efficace que celle de la Basse-Cour, dont le rôle initial semble d'ailleurs avoir été très vite abandonné. Cette enceinte fut construite au prix de destruction de nombreuses maisons pour aménager le rempart et son fossé.

On peut noter qu'en 1426, cette deuxième enceinte n'existait pas ; le premier document trouvé qui la mentionne est un compte de 1526 (*), ce qui ne nous éclaire pas quant à la date précise de sa construction.

(*): Cette année-là, les Elus Georges Guybeart (Guybert) et Anthoine Vialleneuve (Villeneuve) et les Commissaires aux réparations Jacques Bosse Chaptard et Anthoine Annet Courton Bochier firent aménager les abords des murailles de la porte de l'Olme jusqu'à la porte Basse. La même année, par crainte d'une bande armée, on ferma les quatre portes et l'on ordonna le guet.  (cf Beaumont au XVIe siècle, JP).

Les portes étaient également fermées lors des périodes d'épidémie de peste (1502, 1526, etc.: voir mon article "La peste à Beaumont") et lorsque les Elus et les collecteurs particuliers levaient les impôts (taille royale, crues, équivalent ou quittance du sel, taille de la Toussaint de Madame, cens dus à la Charité, etc.) 

 

 

Extrait de la carte de Cassini: carte générale de la France, Clermont-Ferrand, N° 52, feuille 110 établie en 1775-1776 sous la direction de César-François Cassini de Thury, (1714-1784, petit-fils du grand astronome). Noter que le seul terroir indiqué, au sud de Beaumont, est "La Ville"...

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

 

Évolution du bourg du XIe au XVIe siècle. Jacques Pageix 1979-Reproduction non autorisée.

 

Ces étapes d'évolution du bourg sont regroupées sur la figure ci-dessus.

 

 

 

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8-Quelques énigmes et frustrations en guise de conclusion provisoire...

 

-Une énigme...

 

Au Moyen Âge, l'abbaye et les habitants se partageaient l'église Saint-Pierre: le chœur était dévolu à abbaye et la nef aux habitants. J'ignore malheureusement l'origine et la raison de cette situation. Dans une lettre du 14 janvier 1702, adressée au Révérend Père Dom Jean Mabillon, de l'abbaye de Saint-Germain des Prés à Paris, Dom Pierre Laurent, moine bénédictin de l'abbaye de Saint-Alyre à Clermont, faisait allusion à un transfert des religieuses, ordonnée en 1123 par le Pape Calixte II : "J'ay vû un petit memoire ou il est (dit) que les Religieuses de cette Abbaye furent transferees d'une autre Eglise qui n'y est pas nommee dans celle de St Pierre par l'autorite (du) Pape Calixte 2 l'an 1123". Cette lettre épaissit le mystère et la solution dort peut-être dans les caves du Vatican...(*)

(*): Bibliothèque Nationale, Manuscrit latin 12691, lettre insérée dans Monasticon benedictum, F°s 301/302).

 

Pierre Audigier (+ en 1744), qui, semble-t-il, s'en est probablement inspiré, ajoutait encore à ce mystère, même s'il nomme "l'autre église" qui serait selon lui Chantoin. Il écrivait dans son histoire des villes et localités de la Limagne (Manuscrit français N° 11478, Tome 4, P. 124):

" Ce lieu est un gros village environné de murailles placé sur une éminence à un quart de lieue de Clermont du costé de midy. Son nom luy convient à merveille puisqu'il jouit d'une veüe incomparable, et se trouve au milieu d'un païs charmant, et qui produit de tout en abondance. Il y a deux paroisses l'une dédiée à Saint-Pierre et l'autre à Notre-Dame.

"Le plus grand ornement de ce lieu est un monastère de filles qui sont gouvernées par une abbesse; on n'en connaît guère en Auvergne de plus ancien. Elles sont de l'ordre de Saint Benoît, et quelques uns croyent que ce pourroit bien estre les religieuses qui estoient dans l'abbaye de Chantoen près de Clermont dont il est parlé dans la vie de Saint Prix Evesque de Clermont. On croit qu'on les tranfera de Clermont à Pauliac près du Pont du Chasteau et de Pauliac à Beaumont (...) On ignore le temps qu'elles quittèrent Pauliac pour aller faire leur séjour à Beaumont".

 

-Et quelques frustrations...

 

-Dans le terrier de 1426, les biens allodiaux sont rares; de ce fait, le parcellaire a pu être reconstitué en quasi totalité, à l'exception toutefois de l'extrémité ouest du bourg qui devra être confirmée. Peut-être échappait-elle à la censive seigneuriale?

 

-En l'absence de terrier pour le XIVe siècle, il n'a pas été possible d'entreprendre une reconstitution du parcellaire. Une liève de 1379, simple énumération des biens sans description des confins, a simplement permis de supposer que le bourg n'avait guère changé entre-temps puisque l'enceinte primitive et la basse-cour y sont évoqués. On a pu néanmoins esquisser un plan de Beaumont donnant la répartition des habitations au sein de chacun des quartiers et terroirs lorsqu'ils sont désignés dans la liève (extérieurs et intérieurs au bourg). Cette ébauche a montré que, contrairement à ce qui apparaît en 1426, il existait en 1379 un habitat éloigné et dispersé à l'extérieur du bourg. 

 

-Reste à déterminer la date de construction de l'enceinte primitive, de même que celles de certains allotissements concédés par l'abbaye (Las Pedas au nord et Las Chambras au sud), qui furent voués à la construction selon des règles précises (obligation de construire dans un délai d'un an notamment). 

                                                                            

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9-Epilogue...

Pour expliquer comment ce vieux bourg s'est bâti au fil des siècles, j'ai délibérément opté pour une présentation qui ne suit pas une chronologie normale, mais qui permet de remonter par bonds successifs dans le passé; j'y tenais absolument car cela restitue fidèlement ma méthode de travail: prenant appui sur la trame tangible du parcellaire de 1831, et muni de toutes les connaissances acquises par un dépouillement quasi exhaustif des fonds d'archives publics et privés, je suis parvenu à fixer peu à peu la physionomie de ce cher Beaumont à chaque étape significative de son histoire.   

Je reprends ici à mon compte cette mention apposée par Jacques Pageix, mon arrière...arrière grand oncle, sur la dernière page de la matrice cadastrale qu'il rédigea en 1791:

 "Finis honorificus grande opus coronat".

 

                                                                              Jacques Pageix 1979...

 

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10-Quelques illustration tirées de "Beaumont, histoire urbaine"

 

"Beaumont

"Ce lieu est un gros village environné de murailles placé sur une éminence à un quart de lieue de Clermont du costé du Midy.

"Son nom luy convient à merveille, puisqu'il jouit d'une vue incomparable, et se trouve au milieu d'un puis charmant et qui produit de tout en abondance. Il y a deux paroisses l'une dédiée à Saint Pierre et l'autre à Nostre Dame (de la Rivière) avec un monastère de filles de l'ordre de Saint Benoist".   

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Chanoine Pierre Audigier (+ en 1744), Histoire de l'Auvergne, Bibliothèque Nationale, Manuscrit français N°s 11477 à 11486, Ms 11479, T5, P. 162 et Ms 11478,T4, P. 124.

 

Les plans présentés ici sont tirés de mon ouvrage écrit en 1979-81:

Il s'agit des reconstitutions des "plans cadastraux" de 1543 et de 1426. J'ai ajouté le plan des quartiers et des rues en 1426, qui sont désignés, eux-aussi, comme confins dans le terrier. 

 

1-Plans de 1543:

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Plan parcellaire de Beaumont en 1543 - Jacques Pageix - 1980 - Reproduction non autorisée. Les chiffres renvoient aux noms des tenanciers (cf ouvrage supra-cité)

 

2-Plans de 1426 (aspect physique):

 

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Plan parcellaire de Beaumont en 1426-Jacques Pageix-1979-Reproduction non autorisée. Pour des raisons évidentes, les noms des tenanciers n' y ont pas été indiqués. 

 

Légende du "cadastre" de 1426 (complément):

Tour sur la façade sud du monastère: "Turrim (tour) de la Chambra Croya contiguis au parlador".

On aperçoit au-dessous "ung conduyt de las chambras dicte domine Bellimontis"... qui n'était ni plus ni moins que l'égout de l'abbaye (à ciel ouvert);

En rouge: les constructions couvertes;

En bleu: les bâtiments remarquables: Églises, Abbaye, loges abbatiales, bancs de la boucherie, pressoir, cuisines, Four banal, colombiers, chapelles, Maisons du Saint-Esprit, cures.

Noter le pont-levis sur le fossé le long de la façade ouest de l'abbaye et la poterne permettant de descendre dans la Basse-Cour;

En violet: loges de la Basse-Cour;

En vert hachuré: jardins;

En vert pointillé: jardin abbatial du Pla, cloître, enclos de Béliégart;

vvvvv: vignes.

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Beaumont en 1426. Noms des rues et des quartiers. Reconstitution Jacques Pageix-1979-Reproduction non autorisée.

 

Légende pour le plan de 1426 (noms des quartiers et des rues):

 

1-Les quartiers:

 

-Au nord:

 

Las Pedas; Las Veyrias; Borchani; Daux Sétis.

 

-Au sud:

 

Le Peschier; La Fonteta; L'Olme, Le Terailh; Daux Gauris; Las Chambras; Le Chaufour.

 

-Dans le bourg:

 

La Porte Réale; La Conche; Le Pla; La Porte Basse; Le Cortial; La Basse-Cour.

 

2-Les rues:

 

Au nord:

 

Charreyre de Las Pedas; charreyre de La Porte Réale; Charreyre Dau Sétis ou Du Ventadour; charreyre de La Fontaine Del Breulh.

 

Au Sud:

 

Charreyre Beate Marie de Ripperie; charreyre du Terailh; charreyre Dau Bossa ou de l'Olme; charreyre du Saint-Esprit; charreyre Dau Gauris, charreyre de Las Chambras; charreyre Dau Chaufour.

 

Dans le bourg:

 

Charreyre de La Conche; charreyre Del Pla; charreyre de La Porte Basse; charreyre de La Porte de Claustre.

 

Voici quelques reconstitutions 3D également tirée de mon ouvrage:

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

La Porte Basse. Son ravelin et sa bretèche.Jacques Pageix-1979-Reproduction non autorisée. 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

La vieille Porte du Terrail, flanquée, à sa droite, de son corps de garde et à sa gauche, d'une tour dont la trace subsiste malgré sa démolition (on notera le ré-emploi judicieux en contreforts) Jacques Pageix-1979-Reproduction non autorisée.  

 

Voici enfin un relevé fait en 1978 avec mon ami Baptiste Michel dans sa vieille maison du quartier du Plat, où il stockait ses peintures... et dans laquelle nous fîmes quelques trouvailles...

 

Le manteau de la cheminée en chêne, une fois décapé, révéla les inscriptions suivantes:

 

-Un cœur stylisé surmonté d'une croix avec les initiales I.P. (probablement Iacques Pageix; voir la photo du fer à marquer les tonneaux dans l'article sur le ban des vendanges);

 

-L'insription "A(mable) Laveyrie": il fut le Syndic de la commune au cours des dernières années de l'Ancien Régime;

 

-Les armoiries stylisées de Beaumont. Remarquer la vigne stylisée sur les flancs de la butte et la crosse abbatiale au sommet (voir l'ouvrage de P.F. Fournier sur les armoiries municipales-Revue d'Auvergne).

 

 

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Relevé fait en 1978 avec Monsieur Michel, dans une maison lui appartenant. Jacques Pageix. Reproduction non autorisée.

Histoire d'un bourg viticole: Beaumont

Le plan parcellaire de 1426 que j'ai établi en un an-Vue d'ensemble du plan (100x80cm) -Jacques Pageix fecit-1980-Reproduction non autorisée.

 

                                                                         Jacques Pageix

 

 

  

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commentaires

M
Bravo! et quel travail! <br /> Reconstituer le plan de votre village en 1426, véritable puzzle réalisé à partir du texte latin d'un terrier. Ce n'est pas étonnant que ce jeu de patience vous ait pris un an! Cela a permis de restituer en détail la physionomie du bourg que personne avant vous n'avait révélée.<br /> On peut s'étonner que certain l'ait repris sans vergogne dans la publication d'une plaquette. Cela leur a pris cinq minutes! Un historien honnête devait désigner celui qui a fait le travail avant lui.
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