Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 octobre 2014 6 25 /10 /octobre /2014 17:23

 

La Grande Guerre et ses morts pour la france (annexe 2)

 

8-Commentaires sur les raisons du repli des armées françaises :

 

8-1-La puissance de feu de l'armée allemande:

 

L'artillerie lourde de l'armée française était nettement inférieure en qualité et en quantité à celle des allemands: La dotation totale de l'armée française était d'environ 4000 canons de campagne de 75 et de 300 canons d'artillerie lourde attelée. La supériorité des allemands était énorme : ils disposaient de 5000 canons de 77, 1500 obusiers légers et 2000 obusiers lourds, mortiers et canons longs.

 

Dans ses souvenirs de 1914/1918, mon grand père Marcel Juillard, lieutenant au 5e Régiment d'Artillerie Lourde (5e RAL), se plaignait de la rareté et de la vétusté des canons de gros calibre. Ce n'est qu'en 1917 que l'armée fut dotés de canons récemment fabriqués : en particulier les 155 Grande Portée Filloux (155GPF), qui servaient toujours en 1939/1940 ! (cf souvenirs du même, au 185e, puis au 187e Régiment d'Artillerie Lourde Tractée). Certes, il constatait que la portée de ses canons, supérieure à celle des 75, permettait d'installer les batteries plus en arrière, mais cela ne les protégeait pas pour autant des coups de l'artillerie lourde allemande (voir mêmes souvenirs). Les 75 des régiments d'artillerie de campagne, plus mobiles mais de portée plus faible, était quant à eux exposés aux tirs des premières lignes allemandes et aux attaques de vagues de fantassins allemands.

 

 

L'un de nos 75 en action. Un canonnier charge la pièce qui vient de tirer.

(Photo Joseph Pageix).

 

 

 

Une de nos pièce de gros calibre (ici du 155, probablement un "Rimailho"),

lors d'un entraînement en 1913 au camp de Chambaran,

où Antony Pageix fit un séjour en 1899 (cf « lettres du service militaire »).

 

 

 

Pièce de gros calibre allemande.

Son aspect est à l'évidence plus moderne...

 

Cette carte postale a été envoyée par Joseph Pageix à Louisa le 10 avril 1915. Il lui écrit ceci : « Je ne suis pas encore allé voir Baffaleuf (Antony Baffaleuf, né à Olloix le 9 septembre 1889; ce nom est inscrit sur le monument aux morts, mais il ne s'agit pas du même homme. Notons que les Baffaleuf étaient nombreux à Olloix et le site de la Grande Guerre ne compte pas moins de 4 MPLF ). Il est venu lui-même hier mais je n'étais pas encore rentré. Je n'ai pas bien le temps non plus d'aller là-bas surtout que je ne peux pas y aller avec mon cheval parce qu'il est blanc (peut-être était-il trop visible?). Dis-moi quand tu iras voir sa femme (Il s'était marié à Angèle Ronzier le 1er février 1913). Je t'embrasse bien fort. Joseph.»

 

 

Plus précisément, les canons lourds et les mortiers allemands avaient une portée supérieure (environ 12 km) à celle du 75 qui était généralisé dans l'armée française (environ 7 km). De plus, les canons lourds allemands, souvent hors de portée des 75, pouvaient se positionner en arrière des troupes, en se plaçant derrière les crêtes, et tirer des projectiles en exécutant des tirs courbes qui passaient au dessus de leur ligne de front en venant presque verticalement retomber sur les lignes françaises, alors que le 75 tiraient à trajectoire tendue. Enfin, l'artillerie allemande pouvait se retrancher dans des positions reculée et bien défendue, alors que nos unités de 75 (dont une qualité était la mobilité et c'est pourquoi on les appelait des « canons de campagne ») était plus vulnérable en se plaçant au voisinage des crêtes. Étant en appui des troupes, l'artillerie de campagne devait se déplacer au gré des avancées et des replis de celle-ci.

 

Deux exemples de cette vulnérabilité et de l'obligation de mobilité relevés dans le JMO :

 

-Le 20 Août , « lors de la reprise de Sarrebourg par les allemands, les Batteries voient descendre vers 10 heures du plateau Saraltrof sur Riding et Eisch et Sarrebourg de grosses masses d'infanterie, les Batteries ouvrent un feu très violent contre cette infanterie sans pouvoir arrêter son élan ».

 

-Plus tard, le 26 Août, « alors que le combat prenait une tournure favorable il se produit vers 17h un mouvement de recul inexplicable dans nos lignes. Tout le monde reflue. On se ressaisit et l'infanterie réoccupe les positions ».

 

8-2-Le renseignement allemand :

 

Depuis l'annexion par l'Allemagne de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine à l'issue de la guerre de 1870/1871, de nombreux ressortissants allemands s'y étaient établis. Au début de la Grande Guerre, lorsque les troupes françaises pénétrèrent en territoire occupé par les allemands, jusqu'à Sarrebourg, beaucoup d'entre-eux ne manquèrent pas de renseigner l'ennemi sur les mouvements des troupes françaises.

 

Avec cela, les artilleurs allemands étaient renseignées par les observations aériennes qu'ils mirent en pratique très tôt, au moyen des Zeppelins pour ce qui concerne le début de la guerre, l'articulation entre l'aérien et le terrestre se généralisant très vite par la suite au moyen de l'aviation d'observation. Les ballons (Drachens allemands, ballons Caquots ou « saucisses » côté français, réliés au sol au moyen de liaison téléphonique, pouvaient monter jusqu'à 1500 mètres (cf souvenirs Marcel Juillard, descendu en flamme, mitraillé jusqu'au sol mais heureusement sauvé par son parachute).

Le 22 septembre, le journal de marche signale: "Dans la nuit nous sommes survolés par un Zeppelin, ce qui avance l'heure de départ".

 

 

 

Ballon captif (photo Joseph Pageix)

 

 

Avion Voisin d'observation. Le pilote se concentre avant sa mission,

tandis que les mécanos préparent son avion. J'aime beaucoup cette photo

de mon grand oncle Joseph Pageix.

Noter le moulin visible derrière l'hélice, entre les haubans...

 

8-3-La tactique allemande :

 

En très peu de temps (entre 14 août et le 19 août ), les français ne rencontrèrent pas de résistance farouche; ils avancèrent vers le nord jusqu'à Sarrebourg, qu'ils occupèrent un court moment.

 

C'était un piège tendu par les allemand: "les habitants que nos troupes rencontrèrent ne leur cachèrent pas leur appréhension: La retraite des Allemands n'est qu'une feinte pour vous amener sur les emplacements de combat choisis par eux. Ils sont plus nombreux que vous; ils ont dix fois plus de canons. Prenez garde!".

 

Cette tactique visait à attirer nos armées jusqu'à Sarrebourg où les allemands, après un repli en bon ordre, s'étaient retranchés dans des positions avantageuses. Cela leur permit de décimer les avancées françaises et de se renforcer pour une contre-attaque qui fit refluer les français, après plusieurs marches et contre-marches, jusqu'à la rive gauche de la Mortagne.

 

8-4-La fatigue de nos artilleurs, toujours en alerte:

 

Une remarque du rédacteur du journal de marche du 1er Régiment d'artillerie de campagne résume à elle-seule l'état de fatigue des hommes et … des chevaux (*): « Dans toute cette période du 24 au 31 Août, les batteries ne quittent leurs positions qu'à la tombée de la nuit, arrivent au cantonnement vers 23 heures, en repartent à 2 heures pour être en position avant le lever du jour. Les hommes qui doivent assurer les distributions n'ont aucun repos. Les chevaux sont dans un état de fatigue tel que beaucoup meurent d'épuisement ».

(*): On le constate souvent à la lecture des journaux de marche des régiments: l'état des chevaux était presque aussi vital que celui des hommes, car ces derniers ne pouvaient compter que sur eux pour le déplacement des pièces. Par ailleurs, il peut paraître étonnant de lire que les pièces étaient la plupart du temps déplacées quotidiennement de leurs positions occupées pendant la journée vers le lieu de cantonnement et inversement. Ceci tient certainement au fait qu'il fallait se ménager la possibilité de les transporter directement, le lendemain matin, vers d'autres positions.

 

9-Commentaires sur les pertes et les erreurs de commandement:

Extrait d'un article du journal "Le Monde" du 23 août 2014:

"Du 20 au 26 août, au cours de la phase terminale de la bataille des frontières, qui se déroule le long des frontières franco-belge et franco-allemande, les Français sont chassés de la vallée de la Sambre, de la forêt des Ardennes et du bassin Lorrain au prix de pertes effroyables: le mois d'août, avec septembre 1914, sera le mois le plus meurtrier de la première guerre mondiale.

 

"Ces tragiques journées marqueront l'échec de la bataille des frontières, sur les trois grands champs de bataille: Charleroi, Rossignol dans les Ardennes belges, et Morhange/Sarrebourg où périrons en masse les soldats venus de l'Auvergne.

 

"L'erreur stratégique et d'appréciation de Joffre, la croyance de l'état-major français dans l'offensive à outrance par les fantassins, les équipements plus modernes et performants des Allemands ont conduit à ce désastre".

 

10-Sources: livres et archives

 

-"La guerre racontée par les généraux", tome 1, librairie Schwartz, Paris, 1920;

-"La Grande Guerre racontée par les combattants", tome 1, Librairie Quillet, 1922;

-"L'album de la guerre  1914-1919", l'Illustration, Paris, 1926 (2 tomes);

-"La Grande Guerre", tome 9 de l'Histoire de France contemporaine, E. Lavisse, Hachette, 1922;

-"Historique du 1er régiment d'Artillerie de campagne", anonyme, lib A. Depouilly, Bourges, numérisé par Antony Vérove;

-"Les enfants de la patrie", Pierre Miquel (tome 1: Les pantalons rouges), Fayard, 2002;

-"Les soldats de la revanche", 1880-1914, publié par les Archives Départementales du Puy-de-Dôme. Clermont-Fd, 2010;

-"Olloix...d'autrefois", publié par l'association l'Essor d'Olloix, 1982;

-Archives familiales, Archives Départementales du Puy-de-Dôme, Archives de la Défense;

-"Nos familles dans la Grande Guerre _ Destins héroïques et foudroyés", par Jean-Louis Beaucarnot, JC Lattès, 2013;

-JO en ligne: le JO du 13 décembre 1919 (arrêté du 18 octobre 1919) indique les cinq autres canonniers tués ce jour-là 2 septembre sur le champ de bataille de Clézentaine, en même temps que Marcel: Paul Rosselot, Jean Monet, Pierre Moussy, canonniers, Jean Guimard, canonnier conduisant une pièce à la position de batterie, Eugène Hervé, brancardier mortellement atteint en soignant des blessés de sa batterie.

 

Remarque: la loi sur la mention "Mort pour la France" fut promulguée le 2 juillet 1915, avec effet rétroactif depuis le début du conflit, afin d'honorer la mémoire des combattants et des victimes de la guerre. Elle s'appliquait à tout soldat décédé entre le 2 août 1914 et le 24 octobre1919 susceptible de le mériter, après avis du ministère de la guerre.

 

ooo

 

Jacques Marcel Pageix, janvier 2014    

Partager cet article
Repost0

commentaires