Avant-propos
Mon beau-père, Jean Calmès (1921-1993), fut incorporé de novembre 1941 à juin 1942 dans les chantiers de jeunesse. On a conservé le petit carnet où il écrivit son journal, en style très sobre, au fil de ces "242 jours de bagne", selon ses propres mots inscrits au bas de la dernière page, au moment de la "quille"...
Je ne crois pas inutile de le publier, car il évoque un aspect peu connu de la guerre de 1939-1945 et de l'occupation allemande.
De plus, j'ajouterai ici le récit recueilli en 2013 de la bouche de son épouse, Marguerite Calmès, née Laumière, alors âgée de 93 ans, récit d'un épisode survenu plus tard, en 1944, peu après son mariage, pendant que son époux était au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).
La création des chantiers de jeunesse
Après l'armistice du 22 juin 1940 le service militaire, en vigueur jusque-là, fut remplacé dans la zone libre par les chantiers de jeunesse, créés le 30 juillet 1941 et dirigés par le général Joseph de La Porte du Theil (celui-ci fut arrêté en janvier 1944 et déporté). Il concernait tous les jeunes hommes de 20 ans, qui étaient incorporés pour une durée de six mois. Ils devaient vivre en camps près de la nature, et accomplir des travaux d'intérêt général, notamment forestiers, dans un cadre militaire, encadrés par des officiers d'active ou de réserve démobilisés. Toutefois, afin de ne pas passer aux yeux des allemands pour une organisation militaire, les chantiers furent placés sous la tutelle du Secrétariat d'État à l'Éducation Nationale et à la Jeunesse. Par la suite, et dans bien des cas, des mouvements résistants furent alimentés en hommes par ces chantiers.
L'organisation
Les chantiers de jeunesse était administré par un Commissariat Général basé à Chatel-Guyon au "Splendid Hôtel" (cette manie de loger les autorités dans des hôtels de luxe n'était donc pas propre à la ville de Vichy, dont les brillants hôtels accueillirent le siège et les services de l'État Français ...)
Ce Commissariat Général coordonnait les Commissariats Régionaux qui comptait une école de cadres et 8 à 10 Groupements assimilables à des régiments, de 1500 à 2200 hommes. Chaque groupement était composé de 6 à 12 Groupes assimilables à des compagnies de 150 à 200 hommes.
Jean relevait du Commissariat du Languedoc, et appartenait au Groupement 25, Groupe 11. Son numéro matricule était le 3335.
Le Commissariat du Languedoc, était basé à Montpellier. Sa devise était "Prendre parti hardiment" et son journal s'intitulait "itinéraires".
Le Groupement 25, appelé "Roland", est né le 20 août 1940 au Bousquet-d'Orb à l'époque petite ville minière de l'Hérault, située sur la ligne de chemin de fer Béziers-Paris par Neussargues, à 12 km de Bédarieux, le long de l'Orb, petit fleuve côtier qui rejoint la mer à Valras. Plus tard, le groupement alla s'installer à Lunas (même département), puis à Mauriac (Cantal). Sa devise était "Camaraderie, discipline" et son journal s'intitulait naturellement "l'Echo de Roland". Le groupe 11 était le groupe "Alsace-Lorraine". Chaque groupe comprenait une dizaine d'équipes d'une quinzaine d'hommes.
Pendant ses six mois de service, Jean fut donc basé au Bousquet d'Orb.
L'insigne du groupement 25 "Roland" des chantiers de jeunesse. Il était porté sur la poitrine.
Deux écussons également portée par les jeunes des Chantiers.
Le poignard des chantiers. Celui-ci appartenait à Jean.
Le Bousquet d'Orb - La Verrerie.
Le Bousquet d'Orb - La Gare.
Il n'était pas dans mon intention de faire ici l'historique des chantiers. Il me paraissait toutefois nécessaire de rappeler succintement leur création et leur organisation afin de mieux situer le petit journal de Jean Calmès dans le contexte de ces sombres années d'occupation. Je me contenterai de rappeler que les chantiers furent supprimés le 1er janvier 1943, peu après le débarquement allié en Afrique du Nord, qui provoqua comme on le sait l'envahissement par les allemands de la zone sud de la France, appelée jusque-là "zone libre"...
Le journal et les activités du camp
Au revers de la couverture de son petit carnet, Jean Calmès a collé un tableau aide-mémoire intéressant: il y a inscrit tous les insignes de fonction des chefs au sein des Commissariats et Groupements, insignes constitués par des étoiles et des barres. Ainsi, on voit sur le tableau que le Commissaire Général adjoint porte 4 étoiles et 2 barres, le chef de Groupement 3 étoiles, le chef de Groupe une étoile et 2 barres et le chef d'équipe 2 barres d'argent.
Les grades au sein du Commissariat Général, des Commissariats régionaux et des Groupements et les galons correspondants.
Le petit carnet tenu par Jean Calmès, bien que très succint, nous renseigne néanmoins sur ses activités au sein de son groupe.
Il indique à la première page datée du 7 novembre 1941 son appartenance au Groupe 11 du C.J.F.25, et son numéro matricule: 3335.
On ressent bien que Jean Calmès s'ennuie tout au long de ces 242 journées d'inaction; l'expression "pas de boulot, pas de chef" revient fréquemment comme un leitmotiv. Au risque de rendre la lecture un peu ennuyeuse, j'ai scrupuleusement restitué l'intégralité du texte, afin de reproduire fidèlement l'atmosphère de désœuvrement qui s'en dégage.
Affecté aux transports, Jean Calmès devait probablement consacrer son temps à la gestion du parc des véhicules (voitures, camions et motos). Les équipes travaillaient essentiellement à la fabrication du charbon de bois pour produire le gazogène qui se substituait alors à l'essence pour faire fonctionner les moteurs.
Ces jeunes gens s'employaient aussi aux travaux d'essartage et d'écobuage dans les bois. Il pouvaient aussi intervenir sur les incendies de forêts.
La première page du carnet qui commence le 7 novembre 1941...
Le récit du carnet:
"J'arrive le 9.11.1941 aux chantiers. Je suis incorporé au groupe 6 (Mont Caroux) le 10 au matin. Le 10 après midi, je pars pour le groupe 5 (Les Clares) où le 11 dans l'après-midi je passe la visite médicale et reçoit la 1ère piqûre (classé apte, fort).
"Je reste aux Clares jusqu'au dimanche 16 à 5 h du matin, départ pour le Mont Caroux. Il pleut et en arrivant on est trempés comme des soupes; les anciens sont très chics pour nous. Le soir incorporation en équipe, je suis à l'équipe 1.
'Le lundi 17, je reste couché (conséquence des intempéries subies la veille je suppose...). Je reste toute la semaine la-haut, il pleut, brouillard, froid (on est en novembre...) On place l'électricité. Le vendredi, on va chercher du bois. Le samedi 22, je suis partant et suis muté au groupe 11.
"J'arrive au coin des jeunes vers 19 h après 12 km de marche sous la pluie. Je suis affecté au matériel où je reste dimanche, lundi et mardi. Le mercredi 25, je suis muté aux transports. Le 27, je touche mon premier prêt, soit 10 f 50. Le 28, j'annonce à la maison ma nouvelle affectation. Le 29, je souhaite la fête à Andrée Fagegaltier, le soir, virage des bleus par les anciens; on s'endort à minuit et demi. Le dimanche 30, je pars à Bédarieux pour inventaire du garage à acheter par le groupement 25. Le soir, il pleut. J'écris à la maison.
"1er décembre pas trop de boulot, rien à signaler. Le 2, départ d'un copain qui me prend le réveil et aussi un écusson pour Andrée Fagegaltier. Le 3 au matin, retour du chef de Cardenal de tournée dans le Tarn et l'Aveyron. Gros boulot. Le 4, rien à faire. J'écris toute la journée à Guiguite, Suzanne, Paulette, Sarals, à Simone de Toulouse et chez Palous. Le soir je casse le bracelet-montre et le remontoir. Le soir, visite de Paul Cransac. Il est ajourné, il me prend la montre. Il a gelé la nuit. J'achète des cachets d'aspirine. Le 6, le chef de Cardenal arrive de Montpellier. Le soir à 16 h, 2 ème piqûre. Pas grand boulot, diète. Je ne suis pas piqué.
"Le 6, je pars pour l'infirmerie de la zone. Le 7, je reste à la zone. J'ai de l'albumine. On mange assez bien. Infirmières très gentilles. J'écris à Pierre et chez Fagegaltier. Le 8 pas piqué. Je copie des chansons. Papa me demande la carte de tabac. Le 10, je reviens au transport, pas de chef. Je téléphone à la maison. Je touche mon deuxième prêt, soit 18 f 30. J'écris à Guiguite; je compte les étoiles. Le 11, rien comme boulot, pas de chef. Le matin, j'écris au Viala du Tarn et chez Solier. Je reçois une lettre de Guiguite et je réponds aussitôt. Le 12, un peu de boulot le matin, je reçois une lettre de Paulette. Le 13 toujours pas trop de boulot. J'écris à Pierre. Je réponds à Paulette et je reçois une lettre de Mr Fagegaltier et de Suzanne à laquelle je réponds aussitôt. Le 14 beau dimanche, temps splendide j'écris à la maison, je vais à la douche à la mine.
"Le 15 rien à faire, traduction de "l'Écho de Roland". Je reçois une lettre de la maman. Puis, le soir, deux lettres (Pierrette, maman) et un colis. Le 16 pas de chef. J'écris à la maison, je reçois 200 f et deux lettres (Bonbon et Andrée Fagegaltier). Le soir je reçois un colis. Le 17 invitation d'André et de Pierre, j'achète un écusson métallique. Je reçois une lettre de Paul et de Guite je réponds aussitôt. Je touche mon troisième prêt soit 13 f 90 avec 5 paquets de tabac et trois de cigarettes. Le 18 rien à signaler; j'écris au Viala. Tantine de Montpellier passe au train, elle me l'écrit. Le 19, je touche 3 paquets de tabac et deux paquets de cigarettes. J'en envoie 4 au pépé, je demande le piot (?). Pierre et moi écrivons chez Fagegaltier. Tantine me donne 100 f. Le 20 assez de boulot; le soir 3e piqûre pas piqué, traces d'albumine. Le 21 je suis à la zone, pas piqué, on mange bien, on s'ennuie un peu. Je vois Foulquier. Andrée arrive aux transports. Le 22, je suis je suis piqué, pas de mal, je ne fais rien et je lis "Lyautey". Le soir on me donne mon billet de sortie. Le 22 je vais au train voir Guiguite. Je lui donne un écusson. Je sors de l'infirmerie à 7 h du matin. Je reçois une tettre de Jackie et de Robert. Guiguite m'apporte la dinde et la montre. Le 24, je vais chez le coiffeur, messe de minuit. Réveillon au coins des jeunes. Le 25 déconsigné, habillé en vert. On mange bien et le soir on mange la dinde, cinéma.
"Le 26 fatigué, pas trop de boulot, plaque d'identité. le 27 un peu de boulot rien à signaler. Le 28, je suis de garde au bureau, je vois Mr Artuve. Le 29 pas grand boulot. le matin il gèle, dur départ des camions. Le 30 rien à signaler il fait un froid de canard. Le 31, pas de boulot, j'écris à Lazar (pour la bande) Mme Bertrand et Bonbon. Mme Vergnes, Gély et maman descendent nous voir.
"Je souhaite la bonne année à:
Paulette, Yvette, Annie, Maguy, Riquou.
Roche, Palous, Solier, Fagegaltier, La Bande, Bertrand, Arnal, Fesquet, Bezombes, Foissac, Robert, Veyssettes.
"1942...
" 1er Janvier- Maman est ici avec Pierrette, mme Vergnes et Mme Gély. Mange en ville. Bon repas. Le soir cinéma, souper. Le 2 on mange en ville à midi, on va à la gare à 2 h. Passage de guiguite. Le 3 lettre et carte de Guiguite. Je lui réponds à Rodez. Pas grand boulot. Le 4 manger en ville et souper aussi. Le 5 pas grand boulot. Lettre de Sarah, Robert, Jackie et maman. J'écris à la maison. Le 6, je couche à la carrée, pas grand boulot, il pleut des cordes. Je reçois une carte de Suzanne de St Céré. Le 7, inventaire de l'E.T. Je reçois une lettre de maman Mme Bertrand et Yvette. Je téléphone à la maison. Arrivée d'une dinde le soir à 8 h 1/2 par Piffaut. Le 8 il fait un vent fou, le vestibule du bureau est emporté, froid de canard. J'écris à la maison pour les remercier du colis et je réponds à guiguite. Le 9 je reçois deux lettres Riquou et Solier, pas grand boulot, il neige beaucoup, elle ne tient pas. Nouveau bureau. Le 10, il fait froid, pas grand boulot, je téléphone à la maison, je reçois une lettre de Simone de Toulouse et un mot de Tantine. Je leur réponds. Le 11 visite de Mme Gély, repas à l'hôtel, le soir cinéma. Bon dimanche. Le 12 pas de boulot, lettre de Maurice, de S. Rudelle et de Melle Besombes. J'écris à la maison. Je touche une nouvelle paire de souliers neufs bicolores . Le 13 pas de boulot, pas de chef, pas de lettre. Il fait très froid. Le 14, il ne fait pas si froid, lettre de Suzanne et d'André Teulié; je leur réponds. Le 15 pas de lettre, verglas sur la route, un peu de boulot le soir, inventaire E.T. Je reçois un paquet de la maison. Félicitations à Maguy qui se marie avec Yvon Toureau à Nuices. Le 16 pas de lettre, un peu de boulot, il fait mauvais temps. Visite du chef régional. Le 17 pas de boulot, coiffeur, revue de paquetage, vaccination, pesée (72 Kg à poil). Le 18 manger en ville rien à signaler. Gr.11 bat G.25. (4-1). Le 19 visite du 8ème R.I. Le matin salut aux couleurs, le soir retraite aux flambeaux. Le 20, salut aux couleurs. Pas grand boulot. Gmt25. 8eR.I. (4-1). Le soir salut aux couleurs. Le 21 un peu de boulot, rien de particulier à signaler. Le 22 voyage au Mont Caroux, il fait un peu froid. Le 23 pas grand boulot, le soir je vais avec une équipe éteindre un feu de montagne. Le 24 lettre de Guite qui est à Perpignan, pas grand boulot. Le 25 triste dimanche, il pleut, café concert, cinéma. Le 26 un peu de boulot, il fait un temps de chien. Le 27 il fait meilleur un peu de soleil pas grand boulot. J'écris à la maison. Le 28 lettre de Suzanne, photo de Jackie, pas de boulot. Je réponds à Suzanne. Le 29 lettres de la maman de Guite, et des infirmières A. et J. Je pose ma 1ère permission. Pas grand boulot il pleut à torrent. Le 30 pas grand boulot je pars en permission à 14 h. Le 31 le 1er et le 2 février je suis en permission.
"1er février. Permission. Le 2 permission, je rentre à 20 h. 20 '. Le 3 pas grand boulot. Le 4 pas grands boulots. J'écris à Guite. Le 5 revue du Général. Le 6 j'écris à Guite, le soir, Lelé (?) m'apporte un paquet et une lettre. Le 7 pas de boulot pas de chef, toujours pas de lettre. Le 8 dimanche assez triste, cinéma "La Fille du Puisatier"le soir poulet chez Canac. Le 9 pas de boulot pas de Chef, lettre de Vergnes et de maman je lui réponds. Je prète 100 F à Cabanel. Le 10 pas grand boulot, visite du Cre (commissaire) Ral (Régional) pour les frippes, 1er jour de la libération des anciens. Le 11 pas de boulot, j'écris à Pierre, pas de lettre. Le 12 retour du chef un peu de boulot, examen des moniteurs E.T. Le 13 voyage à Montpellier. Je vais chez Tantine dîner à l'Hôtel de France avec Mme Rigou. Café au Grillon. Visite à Mme Cabanettes, je vois Arnal. Le soir souper à l'hôtel de Verdun. Retour à 1 h du matin. Le 14 pas grand boulot. Chef gueule un peu, quelques consignes, pas de lettres. Le 15 bon déjeuner, chocolat au lait. J'écris à Guiguite. Je reçois un paquet. Le soir repas des anciens. Le 16, chef Anguilé muté, pas de boulot. J'écris à la maison, à Guiguite et à Denise qui m'avait écrit. Rudelle m'apporte un paquet et me prend une lettre à la maison et une à Guite. Le 17 un peu de boulot, c'est la veille de la quille grande animation. Pas de lettre. Le 18 j'écris à Roche et aux Fagegaltier, pas de lettre. Départ des anciens, virage au plumaux je (me cache?) au bureau. Lettre à la maison et chez Foissac. Le 19 un peu de boulot le matin, pas de lettres. Visite du Cre Ral. Le 20 pas de lettres rien de neuf il fait très beau, je touche tabac et prêt. Le soir lettre de Guiguite, je lui réponds. Le 21 pas de chef pas de boulot douche à Lunas, pas de lettre, pas de linge, il pleut l'après-midi, nouveau P.45 (?). Le 22 il pleut à torrent, pas de boulot, pas de lettre. V(oiture) gazo neuve. Le 24 il pleut toujours Sudre m'apporte un paquet de la maison. Le 25 pas de chef, pas de lettre, pas de boulot, en somme rien à signaler.Le 26 baptême de la promotion des C.S. (?) "Bayard". Mort du cheval Octave. Inspection vétérinaire. Pas grand boulot. Le 27 pas grand boulot, il fait un froid de canard. Lettre de papa de Roanne. Le 28 pas de lettre, permis de conduire (essai). Chef Souliac à Avène. Arrivée de papa.
Jean Calmès au volant du camion Latil, qui fonctionne - comme on le voit sur la photo - au gazogène (le gros cylindre vertical derrière la cabine).
"1er Mars- Papa est de passage. Dîner à l'hôtel. Il repart à 14 h. Après on s'embête. Le 2 Mars un peu beaucoup de boulot, pas de lettre. J'écris à Riquou. Le 3 pas de lettre pas trop de boulot, 1ère arrivée des bleus par le train du soir. Le 4 pas grand boulot pas de lettre, autorisation pour (prime?) de détente. Le 5 pas trop boulot 2éme arrivée des bleus lettres de Janine et d'Andrée, je lui réponds aussitôt, essai de moto. Le 6 visite permis P(oids). L(ourd) refusé pour les yeux, pas de lettre, le matin beaucoup de boulot, le soir rien à faire. J'écris à Pierre. Le 7 pas de boulot, pas de lettre, le soir je pars pour Rodez avec le Latil; on couche à Albi. Le 8 tout le matin pour mettre le camion en route. On part à midi d'Albi Seguy et moi. Apéritif à Baraqueville. Dîner à 2 heures à la maison. Je gare le Latil. Le soir café chez les Fage(galtier). Le 9 travail à Rodez (Cabinal, Malzac) dîner à la maison avec le chef. On part à 4 h de l'après midi souper à Albi. On arrive au Bousquet à 3 h du matin. Le 10 lettre de Guite, je lui réponds, pas de boulot, il fait beau. Le 11 temps idéal, pas de boulot, inspection du G(énér)al et du R(égion)al (Transports, Organisation générale). J'écris à Mémé pour sa fête et chez Fagegaltier, mais je ne reçois pas de lettre. Arrivée des jeunes (militaires?). Le 12 rien à signaler, pas de boulot, pas de lettre, une chaleur accablante. J'apprends à conduire les motos. Le 13 rien à faire, pas de boulot, pas de lettre, j'écris à Guiguite, il pleut. Le 14 il pleut encore pas de boulot réception d'un poste de T.S.F. pas de lettre. J'écris à maman. Le 15 il pleut le matin, mais belle après midi on est consignés jusqu'à 16 h . Le soir je téléphone à maman. Je travaille. Le 16 pas grand boulot montage du poste T.S.F. lettre de Serres. Le 17 rien à faire pas de chef. J'écris à Suzanne, Jackie. Lettre de Guite. Je lui réponds. Le 18 il pleut le matin et fait (...) à partir de 10 h. Pas de boulot, pas de lettre. Je bûche la physique et j'écoute le poste; souvenir des 20 ans d'Huguette de Mado et de Simone. Le 19 il fait assez beau, pas de boulot, lettre de Guite et de maman, lettre de Fagegaltier. Le 21 il fait beau et il pleut à la fois, lettre de Guite, j'y réponds, et de Paul Cransac, pas trop de boulot douche. Le 22 sombre dimanche, il pleut à torrent toute la journée. J'écris à maman. Cinéma "Elle et lui". Consigné à cause méningite. Le 23 j'écris à Paul Cransac pas trop de boulot, lettre de maman, je lui réponds, j'écris à Suzanne; il pleut. Le 24 pas de boulot, pas de lettre, il fait beau. Le 25 pas de boulot, pas de lettre, il fait beau. Je travaille le soir. Visite du Préfet R(égion)al et du Vre (?) R(égion)al. Le 26 rien à faire pas de lettre, pas de chef. Arrivée de quatre bleus. Le 27 pas de chef, pas de boulot, deux lettres de la maison, une carte d'Annie, je lui réponds, un (?) me donne un paquet de tabac. Le 28 il fait un sale temps, pas de boulot, pas de chef, lettre de maman et de Suzanne je lui réponds. Le 29 sombre dimanche le matin je ne sors pas, l'après midi je vais à Avène avec un camion. Le 30 pas de boulot. Les copains sont déconsignés. J'écris à Guiguite et à Françoise. Le 31 pas de boulot, pas de chef, j'écris à Guite et à Jackie. Il fait beau, mais un vent fou.
...et la dernière, le 18 juin 1942.
"1er Avril - Pas grand boulot, pas de chef il fait beau, le soir Vergne passe il m'apporte un paquet et une lettre. Le 2 il fait beau rien à faire, pas de chef, j'écris à la maison passage de Mme Fric et ses filles. Le 3 pas de lettres, pas de boulot, le chef Picot va à Draguignan, il fait beau puis il pleut le soir. Le 4 il fait frais puis il fait beau, pas de boulot, lettre de Riquou, j'y réponds, carte de Jackie, douche. Le 5 PÂQUES, confesse et communion au Bousquet. A 4 heures on mange un poulet et salade. Le 6, férié on ne travaille pas; il fait beau. Le 7 pas de boulot, lettre de maman et de Guite, je lui réponds il ne fait pas bien beau. Le 8 le matin pas de boulot. Janine et Tantine passent au train. Je vais les voir 300 f le soir un peu de boulot, pas de lettre réception du moto-pompe il fait beau. Le 10 pas trop de travail, il fait beau, je reçois une lettre de Suzanne et j'y réponds. André Teulié part en permission. Le 11 pas trop de boulot, arrivée de bleus, le soir je me fait enguirlander, lettre des petites sœurs et de Carradoir. Le 12 il fait beau et toujours pareil dimanche sans rien de sensationnel. Le 13 pas de boulot, rien à signaler, il fait beau pas de lettre. Le 14 pas de boulot le matin il ne fait pas très beau, lettre de guite, je lui réponds Janine repasse. Le 15 pas de boulot, pas de chef. J'écris à maman et à André Fagegaltier, permission supprimée pas de lettre. Le 16, pas de boulot, lever à 6 h, pas de lettre, j'écris à Vergnes et à Gély, il fait beau. Le 17 je vais à Montpellier belle journée, il fait beau, pas de lettre. Le 18 je reviens à Montpellier, il fait encore beau, (poussette?) du camion. Lettre de maman. Le 19, je me lève à 11 h. J'écris à maman. Cinéma. Orage. Le 20 pas de boulot, pas de chef, lettre de Gély, Guite et Suzanne, je réponds à Guite et à S(uzon?). Photo de Guite. Le 21 pas de boulot pas de chef pas de lettre. Le 21 il pleut le matin carte de papa et lettre de Jackie. J'y réponds. Le 22 j'écris à Guiguite pas de boulot il fait beau. Le 23 il fait beau pas de boulot pas de lettre. Le 24 pas de chef, pas de boulot, pas de lettre, il pleut. Je conduis la voiture du chef de Groupe. Gély me prend une lettre à la maison. Le 25 il pleut, papa arrive le soir, pas de boulot, pas de chef pas de lettre. Le 26 dimanche sans histoire, sombre dimanche comme d'habitude. Papa passe la matinée avec moi et part à 14 h. Le 27 il pleut à torrent, pas de boulot, lettre de Guite, j'y réponds, les copains sont déconsignés. Le 28 il pleut à torrent pas de boulot pas de lettre, j'écris à maman et à Suzon, le soir je vais à la gare voir passer Gély et porter les lettres. Le 29 toujours de la pluie, pas de boulot, lettre de Jackie, je fais la couturière et la racommodeuse de bas. le 30, pas de boulot, il fait beau, pas de lettre, pas de chef. Je pars en permission de détente.
Mon beau-père, Jean Calmès, aux chantiers de jeunesse. Il montre à cru un beau destrier blanc.
"Le 1er Mai - J'arrive à Rodez à 10 h. Permission du 1er au 15 mai.
Le 16 pas de boulot, il fait beau j'écris à Guite. Le 17 dimanche sans histoire, dîner à l'hôtel, il fait beau, je téléphone à la maison. Le 18 pas de boulot, il fait beau, pas de lettres, le soir Andrée et Jackie m'apportent un paquet. Le 19 pas de boulot, il fait beau, j'écris à la maison, tantine et Suzanne. Le 20, pas de boulot, pas de chef. Le 21 pas de boulot, lettre de Guite, je lui réponds, il fait beau, mais du vent. Le 22 il fait toujours du vent, temps gris, un peu de boulot. Le 23 il fait beau, pas de chef, lettre de Gély et de Tantine, pas de boulot. Le 24 dimanche san histoire, cinéma, grand messe, lettre au S(ervice?) aux Colonies , il fait beau, visite de la verrerie avec manger. Lettre de Guite, j'y réponds. Le 26 rien à signaler, il fait beau, pas de boulot, pas de chef, pas de lettre. Le 27, il fait beau pas de lettre, je réponds à Gély, pas trop de boulot, ma permission est refusée chef André. Le 28 et le 29 en permission pour la communion solennelle de Pierrette. Le 30 pas de boulot, j'écris à Guite et à Fagegaltier, le soir, je pars à Béziers avec le Latil. Le 31 je suis à Béziers et à Lieuran (Lieuran-les-Béziers), dimanche un peu gai, il fait beau.
1er Juin- Pas trop de boulot, il fait beau, pas de lettre, la journée passe très vite. Le 2 pas de lettre il fait beau pas trop de boulot. Le 3 pas de lettre, j'écris à la maison, pas de boulot, il fait beau. Le 4 pas de chef, il fait beau pas de boulot, fête des Adieux, aller et retour Lunas-Avène à pied soit à 35 km. Je n'ai rien et suis encore dispos le soir. Le 5 pas de fatigue, il fait beau un peu de boulot, lettre de Guite, je lui réponds et j'écris aussi à Simone. Le 6 il fait beau pas de travail pas de chef pas de lettre. Le 7 il fait beau, j'écris à la maison, le soir je vais à Bédarieux. Le 8 il fait beau, lettre de maman, pas trop de boulot, je téléphone à la maison. Le 9 pas trop de boulot, il fait pas trop chaud, le soir repas des anciens, lettre de Guite, je lui réponds et d'Andrée. Le 10 il pleut un peu, j'écris à Guite, pas de boulot. Le 21 il ne fait pas très beau pas de boulot, pas de chef lettre de Guite j'y réponds. Le 12 pas de boulot pas de chef il ne fait pas très beau j'écris à Guite. Le 13 pas de lettre, pas de chef, il fait beau le matin, mais pas le soir, pas trop de boulot, j'écris à Guite. Le 14 dimanche sans histoire, cinéma, dîner avec Pierre et Hauger, il fait beau dans la journée. Le 15 un peu de boulot, pas très beau, un peu frais le matin, lettre de Guite, je lui réponds. Le 16 il fait beau, pas trop de boulot pas de lettre, j'écris à Guite il fait beau un temps splendide.
Le 18 - LA QUILLE.
après 242 jours
de bagne
JCalmès
Secrétaire aux
Transports
Le petit carnet contient quelques adresses d'amis et de parents, ainsi que le barêmes (numérotés de 1 à 10) des tickets d'alimentation pour du pain (400 g), du sucre (20 g), du café mélangé (10 g), des pâtes (20 g), du riz (20 g), du savon (4 g) de matières grasses (15 g), du fromage (10 g), de la viande (60 g) et des pommes de terre (suivant département).
Enfin, en dernière page, une note au crayon indique " Cabinet à la lutte contre le chômage, service de placement des jeunes libérés des chantiers de la jeunesse, bureau 109, Hôtel International".
A COMPLETER AVEC GUITE
Le chant du C.J.F. 25
Chant du Chantier de Jeunesse 25:
"1-Aux chantiers les jeunes sont partis
Pour obéir au grand chef qui commande
Nous voilà, dans nos regards hardis
La France croit, espère et nous sourit.
2-Dans le travail de tous les jours
Nous sommes ceux qui relèveront la France
Dans le travail et dans l'amour
Nous lui rendrons sa grandeur de toujours.
3-Comme jadis a retenti
Dans Roncevaux cet appel à Charlemagne
Dans le Val d'Orb a retenti
Du sang Gaulois les rudes chants, les vies."
En tête du carnet de chansons se trouve les dix commandements du jeune:
Connaissant son esprit rebelle à toute autorité, et vu l'humour qui s'en dégage, je me demande si Jean n'avais pas composé lui-même ces commandements:
"1-Le reveil tu entendras / Et te lèveras probablement.
2- Au jus ensuite tu iras / Et le distribuera correctement.
3- Au travail tu te rendras / Et obéira certainement;
4- A onze heures tu rentreras / Esquinté naturellement
5- Au réfectoire tu iras / Pour faire ballon naturellement
6- Ton balot tu le feras / A la chambrée très sûrement
7- Revue de détail tu auras / Et de piole également
8- De garde au poste tu iras / Tous les dimanches forcément
9- Le sourire tu auras / Quand tu entendras "Rassemblement"
10- Et la quille arrivera / En attendant patiemment.
Le 8 décembre 1941"
Ce carnet de chants contient pêle-mêle "La chanson du Mont-Carroux", un autre "chant du C.J.F. 25", "Le cavalier de La Rochelle", "El Rancho Grande" , "Sérénade Portugaise", "Voulez-vous Lisette", "L'étoile où brille l'amour", "Le clocher de mon cœur", "Mon Ange" et "Toi que mon cœur appelle"...
En juin 1942, en reconnaissance de ses services aux chantiers de jeunesse du 9 novembre 1941 au 30 juin 1941, Jean reçut le "Certificat de moralité et d'aptitude", délivré à Lunas le 30 juin 1942 par le commissariat à l'instruction. Ce certificat reconnaissait qu'il avait "servi avec vaillance, en esprit d'équipe, avec ses camarades pour l'honneur de la jeunesse française. Il s'est fait remarquer par son ardeur et sa bonne humeur au travail (imprimé). Il a fait preuve des aptitudes suivantes (ajouté à la main):
Idéal élevé Esprit d'initiative normal Loyauté bonne volonté normale Ascendant sur ses camarades Bonne influence. Aptitude professionnelles: conduite des motocyclettes Permis chantier Tourisme Bon..."
Le S.T.O (Service du Travail Obligatoire):
Le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) fut instauré etc
La fuite dans la grotte à Capdenac (remontée de la division Das Reich d'Oradour-sur-Glane...
Récit que me fit son épouse en 2010.
Jean Calmès "garde" la gare de Capdenac, nœud ferroviaire important.
Biographie succinte
-Les origines de sa famille:
Jean Calmès est issu d'une ancienne famille aveyronnaise. Le nom qui évoque une plaine ou un plateau aride (calmis=chaume), est présent dans la région depuis au moins le ...A COMPLETER généalogie
-Sa Naissance:
-Son éducation et sa jeunesse:
Jean Calmès fit de très bonnes études au sein de l'école Sainte-Marie, à Rodez, tenue par des prêtres enseignants. Il y fit ses humanités, comme on le disait à l'époque, c'est à dire qu'il y apprit le latin et le grec, alors couramment enseigné comme une matière indispensable. Je me souviens qu'il avait conservé de cette éducation une solide culture générale, un raisonnement sain, et un esprit critique éveillé. On le voit sur deux photos de classe (seconde, et première). Dans sa jeunesse, il pratiqua le scoutisme et se passionna très tôt pour le rugby, ce sport régional très pratiqué au sein de sa famille: il restera fidèle à ce sport tout au long de sa vie.
Sa croix de scout, dite croix de poitrine ou promesse.
Jean Calmès en 1ère classique, à Sainte-Marie, à Rodez., année scolaire 1938-1939 (assis au 1er rang, 3e à partir de la droite). Au centre, le père. Clamens. En seconde, c'était le père Bousquet.
-Son mariage avec Marguerite Laumière (Guitte):
-Sa vie militaire et professionnelle:
Nous avons évoqué précédemment le service militaire. Quant à la carrière professionnelle de Jean Calmès, elle peut se résumer ainsi:
Les années à la Direction Départementale de l'Équipement de l'Aveyron, rue Tarreyre. Curieusement, j'ai connu plus tard deux de ses anciens collaborateurs: Équille, et Latieule. Le premier était attaché à la DDE de l'Allier (Subdivision de Montluçon, subdivisionnaire Mr Verdier) alors que je me trouvais en poste en Auvergne (1973-1982) et le second fit une carrière dans l'aviation civile et devint chargé de communication à l'ENAC à Toulouse; je le rencontrais avec un égal plaisir à nos séminaires de communication (il m'avait indiqué qu'il "cousinait" avec les Laumière). Tous deux avaient gardé un excellent souvenir de Jean Calmès.
En Aveyron, Jean était passionné de rugby et occupait des fonction de secrétaire au sein de la fédération départementale. (photo insignes).
Photo
Son ami le dessinateur humoristique Jean Ferrieu ne manqua pas de le caricaturer. Jean Ferrieu publia de nombreux dessins dans des quotidiens, hebdomadaires et autres périodiques.
Sa mutation en 1971 à Clermont-Ferrand à la Direction Régionale de l'Équipement de l'Auvergne au service des transports (son Directeur était Mr Morel). Il n'en continue pas moins a assurer des responsabilité au sein de l'ASM de Clermont au service e laquelle il met son expérience.
A COMPLETER
Jacques Pageix 2015
Jean Calmès lors d'une promenade dominicale sur le Causse, en 1973.
Aéroport de Vichy-Charmeil,1975. Un petit saut de puce Clermont-Vichy en Morane Saulnier MS893 de l'Aéro-Club d'Auvergne.
Plus tard, en 1989, sur le tarmac de l'aéroport de Toussus-le-Noble: arrivée de l'équipe de rugby de Toulouse dans l'ATR 42 de l'Aérospatiale. Pour les accueillir, Jean à mis son survêtement...