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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 22:43

 

Avant-propos

 

 

Mon beau-père, Jean Calmès (1921-1993), fut incorporé de novembre 1941 à juin 1942 dans les chantiers de jeunesse. On a conservé le petit carnet où il écrivit son journal, en style très sobre, au fil de ces "242 jours de bagne", selon ses propres mots inscrits au bas de la dernière page, au moment de la "quille"...

Je ne crois pas inutile de le publier, car il évoque un aspect peu connu de la guerre de 1939-1945 et de l'occupation allemande.

De plus, j'ajouterai ici le récit recueilli en 2013 de la bouche de son épouse, Marguerite Calmès, née Laumière, alors âgée de 93 ans, récit d'un épisode survenu plus tard, en 1944, peu après son mariage, pendant que son époux était au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).   

 

 

La création des chantiers de jeunesse

 

 

Après l'armistice du 22 juin 1940 le service militaire, en vigueur jusque-là, fut remplacé dans la zone libre par les chantiers de jeunesse, créés le 30 juillet 1941 et dirigés par le général Joseph de La Porte du Theil (celui-ci fut arrêté en janvier 1944 et déporté). Il concernait tous les jeunes hommes de 20 ans, qui étaient incorporés pour une durée de six mois. Ils devaient vivre en camps près de la nature, et accomplir des travaux d'intérêt général, notamment forestiers, dans un cadre militaire, encadrés par des officiers d'active ou de réserve démobilisés. Toutefois, afin de ne pas passer aux yeux des allemands pour une organisation militaire, les chantiers furent placés sous la tutelle du Secrétariat d'État à l'Éducation Nationale et à la Jeunesse. Par la suite, et dans bien des cas, des mouvements résistants furent alimentés en hommes par ces chantiers.  

 

 

L'organisation

 

 

Les chantiers de jeunesse était administré par un Commissariat Général basé à Chatel-Guyon au "Splendid Hôtel" (cette manie de loger les autorités dans des hôtels de luxe n'était donc pas propre à la ville de Vichy, dont les brillants hôtels accueillirent le siège et les services de l'État Français ...)

Ce Commissariat Général coordonnait les Commissariats Régionaux qui comptait une école de cadres et 8 à 10 Groupements assimilables à des régiments, de 1500 à 2200 hommes. Chaque groupement était composé de 6 à 12 Groupes assimilables à des compagnies de 150 à 200 hommes.

Jean relevait du Commissariat du Languedoc, et appartenait au Groupement 25, Groupe 11. Son numéro matricule était le 3335.

Le Commissariat du Languedoc, était basé à Montpellier. Sa devise était "Prendre parti hardiment" et son journal s'intitulait "itinéraires".

Le Groupement 25, appelé "Roland", est né le 20 août 1940 au Bousquet-d'Orb à l'époque petite ville minière de l'Hérault, située sur la ligne de chemin de fer Béziers-Paris par Neussargues, à 12 km de Bédarieux, le long de l'Orb, petit fleuve côtier qui rejoint la mer à Valras. Plus tard, le groupement alla s'installer à Lunas (même département), puis à Mauriac (Cantal). Sa devise était "Camaraderie, discipline" et son journal s'intitulait naturellement "l'Echo de Roland". Le groupe 11 était le groupe "Alsace-Lorraine". Chaque groupe comprenait une dizaine d'équipes d'une quinzaine d'hommes.

Pendant ses six mois de service, Jean fut donc basé au Bousquet d'Orb.

 

 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

L'insigne du groupement 25 "Roland" des chantiers de jeunesse. Il était porté sur la poitrine.

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Deux écussons également portée par les jeunes des Chantiers.

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Le poignard des chantiers. Celui-ci appartenait à Jean.

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Le Bousquet d'Orb - La Verrerie. 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Le Bousquet d'Orb - La Gare.

 

Il n'était pas dans mon intention de faire ici l'historique des chantiers. Il me paraissait toutefois nécessaire de rappeler succintement leur création et leur organisation afin de mieux situer le petit journal de Jean Calmès dans le contexte de ces sombres années d'occupation. Je me contenterai de rappeler que les chantiers furent supprimés le 1er janvier 1943, peu après le débarquement allié en Afrique du Nord, qui provoqua comme on le sait l'envahissement par les allemands de la zone sud de la France, appelée jusque-là "zone libre"...

 

 

Le journal et les activités du camp

 

 

Au revers de la couverture de son petit carnet, Jean Calmès a collé un tableau aide-mémoire intéressant: il y a inscrit tous les insignes de fonction des chefs au sein des Commissariats et Groupements, insignes constitués par des étoiles et des barres. Ainsi, on voit sur le tableau que le Commissaire Général adjoint porte 4 étoiles et 2 barres, le chef de Groupement 3 étoiles, le chef de Groupe une étoile et 2 barres et le chef d'équipe 2 barres d'argent.    

 

 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Les grades au sein du Commissariat Général, des Commissariats régionaux et des Groupements et les galons correspondants. 

 

Le petit carnet tenu par Jean Calmès, bien que très succint, nous renseigne néanmoins sur ses activités au sein de son groupe.

Il indique à la première page datée du 7 novembre 1941 son appartenance au Groupe 11 du C.J.F.25, et son numéro matricule: 3335.

On ressent bien que Jean Calmès s'ennuie tout au long de ces 242 journées d'inaction; l'expression "pas de boulot, pas de chef" revient fréquemment comme un leitmotiv. Au risque de rendre la lecture un peu ennuyeuse, j'ai scrupuleusement restitué l'intégralité du texte, afin de reproduire fidèlement l'atmosphère de désœuvrement qui s'en dégage.  

Affecté aux transports, Jean Calmès devait probablement consacrer son temps à la gestion du parc des véhicules (voitures, camions et motos). Les équipes travaillaient essentiellement à la fabrication du charbon de bois pour produire le gazogène qui se substituait alors à l'essence pour faire fonctionner les moteurs.

Ces jeunes gens s'employaient aussi aux travaux d'essartage et d'écobuage dans les bois. Il pouvaient aussi intervenir sur les incendies de forêts.

 

 

 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

La première page du carnet qui commence le 7 novembre 1941...

 

Le récit du carnet:

"J'arrive le 9.11.1941 aux chantiers. Je suis incorporé au groupe 6 (Mont Caroux) le 10 au matin. Le 10 après midi, je pars pour le groupe 5 (Les Clares) où le 11 dans l'après-midi je passe la visite médicale et reçoit la 1ère piqûre (classé apte, fort).

"Je reste aux Clares jusqu'au dimanche 16 à 5 h du matin, départ pour le Mont Caroux. Il pleut et en arrivant on est trempés comme des soupes; les anciens sont très chics pour nous. Le soir incorporation en équipe, je suis à l'équipe 1.

'Le lundi 17, je reste couché (conséquence des intempéries subies la veille je suppose...). Je reste toute la semaine la-haut, il pleut, brouillard, froid (on est en novembre...) On place l'électricité. Le vendredi, on va chercher du bois. Le samedi 22, je suis partant et suis muté au groupe 11.

"J'arrive au coin des jeunes vers 19 h après 12 km de marche sous la pluie. Je suis affecté au matériel où je reste dimanche, lundi et mardi. Le mercredi 25, je suis muté aux transports. Le 27, je touche mon premier prêt, soit 10 f 50. Le 28, j'annonce à la maison ma nouvelle affectation. Le 29, je souhaite la fête à Andrée Fagegaltier, le soir, virage des bleus par les anciens; on s'endort à minuit et demi. Le dimanche 30, je pars à Bédarieux pour inventaire du garage à acheter par le groupement 25. Le soir, il pleut. J'écris à la maison.

"1er décembre pas trop de boulot, rien à signaler. Le 2, départ d'un copain qui me prend le réveil et aussi un écusson pour Andrée Fagegaltier. Le 3 au matin, retour du chef de Cardenal de tournée dans le Tarn et l'Aveyron. Gros boulot. Le 4, rien à faire. J'écris toute la journée à Guiguite, Suzanne, Paulette, Sarals, à Simone de Toulouse et chez Palous. Le soir je casse le bracelet-montre et le remontoir. Le soir, visite de Paul Cransac. Il est ajourné, il me prend la montre. Il a gelé la nuit. J'achète des cachets d'aspirine. Le 6, le chef de Cardenal arrive de Montpellier. Le soir à 16 h, 2 ème piqûre. Pas grand boulot, diète. Je ne suis pas piqué.

"Le 6, je pars pour l'infirmerie de la zone. Le 7, je reste à la zone. J'ai de l'albumine. On mange assez bien. Infirmières très gentilles. J'écris à Pierre et chez Fagegaltier. Le 8 pas piqué. Je copie des chansons. Papa me demande la carte de tabac. Le 10, je reviens au transport, pas de chef. Je téléphone à la maison. Je touche mon deuxième prêt, soit 18 f 30. J'écris à Guiguite; je compte les étoiles. Le 11, rien comme boulot, pas de chef. Le matin, j'écris au Viala du Tarn et chez Solier. Je reçois une lettre de Guiguite et je réponds aussitôt. Le 12, un peu de boulot le matin, je reçois une lettre de Paulette. Le 13 toujours pas trop de boulot. J'écris à Pierre. Je réponds à Paulette et je reçois une lettre de Mr Fagegaltier et de Suzanne à laquelle je réponds aussitôt. Le 14 beau dimanche, temps splendide j'écris à la maison, je vais à la douche à la mine.

"Le 15 rien à faire, traduction de "l'Écho de Roland". Je reçois une lettre de la maman. Puis, le soir, deux lettres (Pierrette, maman) et un colis. Le 16 pas de chef. J'écris à la maison, je reçois 200 f et deux lettres (Bonbon et Andrée Fagegaltier). Le soir je reçois un colis. Le 17 invitation d'André et de Pierre, j'achète un écusson métallique. Je reçois une lettre de Paul et de Guite je réponds aussitôt. Je touche mon troisième prêt soit 13 f 90 avec 5 paquets de tabac et trois de cigarettes. Le 18 rien à signaler; j'écris au Viala. Tantine de Montpellier passe au train, elle me l'écrit. Le 19, je touche 3 paquets de tabac et deux paquets de cigarettes. J'en envoie 4 au pépé, je demande le piot (?). Pierre et moi écrivons chez Fagegaltier. Tantine me donne 100 f. Le 20 assez de boulot; le soir 3e piqûre pas piqué, traces d'albumine. Le 21 je suis à la zone, pas piqué, on mange bien, on s'ennuie un peu. Je vois Foulquier. Andrée arrive aux transports. Le 22, je suis je suis piqué, pas de mal, je ne fais rien et je lis "Lyautey". Le soir on me donne mon billet de sortie. Le 22 je vais au train voir Guiguite. Je lui donne un écusson. Je sors de l'infirmerie à 7 h du matin. Je reçois une tettre de Jackie et de Robert. Guiguite m'apporte la dinde et la montre. Le 24, je vais chez le coiffeur, messe de minuit. Réveillon au coins des jeunes. Le 25 déconsigné, habillé en vert. On mange bien et le soir on mange la dinde, cinéma.

"Le 26 fatigué, pas trop de boulot, plaque d'identité. le 27 un peu de boulot rien à signaler. Le 28, je suis de garde au bureau, je vois Mr Artuve. Le 29 pas grand boulot. le matin il gèle, dur départ des camions. Le 30 rien à signaler il fait un froid de canard. Le 31, pas de boulot, j'écris à Lazar (pour la bande) Mme Bertrand et Bonbon. Mme Vergnes, Gély et maman descendent nous voir.

"Je souhaite la bonne année à:

Paulette, Yvette, Annie, Maguy, Riquou.

Roche, Palous, Solier, Fagegaltier, La Bande, Bertrand, Arnal, Fesquet, Bezombes, Foissac, Robert, Veyssettes.

 

"1942...

 

" 1er Janvier- Maman est ici avec Pierrette, mme Vergnes et Mme Gély. Mange en ville. Bon repas. Le soir cinéma, souper. Le 2 on mange en ville à midi, on va à la gare à 2 h. Passage de guiguite. Le 3 lettre et carte de Guiguite. Je lui réponds à Rodez. Pas grand boulot. Le 4 manger en ville et souper aussi. Le 5 pas grand boulot. Lettre de Sarah, Robert, Jackie et maman. J'écris à la maison. Le 6, je couche à la carrée, pas grand boulot, il pleut des cordes. Je reçois une carte de Suzanne de St Céré. Le 7, inventaire de l'E.T. Je reçois une lettre de maman Mme Bertrand et Yvette. Je téléphone à la maison. Arrivée d'une dinde le soir à 8 h 1/2 par Piffaut. Le 8 il fait un vent fou, le vestibule du bureau est emporté, froid de canard. J'écris à la maison pour les remercier du colis et je réponds à guiguite. Le 9 je reçois deux lettres Riquou et Solier, pas grand boulot, il neige beaucoup, elle ne tient pas. Nouveau bureau. Le 10, il fait froid, pas grand boulot, je téléphone à la maison, je reçois une lettre de Simone de Toulouse et un mot de Tantine. Je leur réponds. Le 11 visite de Mme Gély, repas à l'hôtel, le soir cinéma. Bon dimanche. Le 12 pas de boulot, lettre de Maurice, de S. Rudelle et de Melle Besombes. J'écris à la maison. Je touche une nouvelle paire de souliers neufs bicolores . Le 13 pas de boulot, pas de chef, pas de lettre. Il fait très froid. Le 14, il ne fait pas si froid, lettre de Suzanne et d'André Teulié; je leur réponds. Le 15 pas de lettre, verglas sur la route, un peu de boulot le soir, inventaire E.T. Je reçois un paquet de la maison. Félicitations à Maguy qui se marie avec Yvon Toureau à Nuices. Le 16 pas de lettre, un peu de boulot, il fait mauvais temps. Visite du chef régional. Le 17 pas de boulot, coiffeur, revue de paquetage, vaccination, pesée (72 Kg à poil). Le 18 manger en ville rien à signaler. Gr.11 bat G.25. (4-1). Le 19 visite du 8ème R.I. Le matin salut aux couleurs, le soir retraite aux flambeaux. Le 20, salut aux couleurs. Pas grand boulot. Gmt25. 8eR.I. (4-1). Le soir salut aux couleurs. Le 21 un peu de boulot, rien de particulier à signaler. Le 22 voyage au Mont Caroux, il fait un peu froid. Le 23 pas grand boulot, le soir je vais avec une équipe éteindre un feu de montagne. Le 24 lettre de Guite qui est à Perpignan, pas grand boulot. Le 25 triste dimanche, il pleut, café concert, cinéma. Le 26 un peu de boulot, il fait un temps de chien. Le 27 il fait meilleur un peu de soleil pas grand boulot. J'écris à la maison. Le 28 lettre de Suzanne, photo de Jackie, pas de boulot. Je réponds à Suzanne. Le 29 lettres de la maman de Guite, et des infirmières A. et J. Je pose ma 1ère permission. Pas grand boulot il pleut à torrent. Le 30 pas grand boulot je pars en permission à 14 h. Le 31 le 1er et le 2 février je suis en permission.

"1er février. Permission. Le 2 permission, je rentre à 20 h. 20 '. Le 3 pas grand boulot. Le 4 pas grands boulots. J'écris à Guite. Le 5 revue du Général. Le 6 j'écris à Guite, le soir, Lelé (?) m'apporte un paquet et une lettre. Le 7 pas de boulot pas de chef, toujours pas de lettre. Le 8 dimanche assez triste, cinéma "La Fille du Puisatier"le soir poulet chez Canac. Le 9 pas de boulot pas de Chef, lettre de Vergnes et de maman je lui réponds. Je prète 100 F à Cabanel. Le 10 pas grand boulot, visite du Cre (commissaire) Ral (Régional) pour les frippes, 1er jour de la libération des anciens. Le 11 pas de boulot, j'écris à Pierre, pas de lettre. Le 12 retour du chef un peu de boulot, examen des moniteurs E.T. Le 13 voyage à Montpellier. Je vais chez Tantine dîner à l'Hôtel de France avec Mme Rigou. Café au Grillon. Visite à Mme Cabanettes, je vois Arnal. Le soir souper à l'hôtel de Verdun. Retour à 1 h du matin. Le 14 pas grand boulot. Chef gueule un peu, quelques consignes, pas de lettres. Le 15 bon déjeuner, chocolat au lait. J'écris à Guiguite. Je reçois un paquet. Le soir repas des anciens. Le 16, chef Anguilé muté, pas de boulot. J'écris à la maison, à Guiguite et à Denise qui m'avait écrit. Rudelle m'apporte un paquet et me prend une lettre à la maison et une à Guite. Le 17 un peu de boulot, c'est la veille de la quille grande animation. Pas de lettre. Le 18 j'écris à Roche et aux Fagegaltier, pas de lettre. Départ des anciens, virage au plumaux je (me cache?) au bureau. Lettre à la maison et chez Foissac. Le 19 un peu de boulot le matin, pas de lettres. Visite du Cre Ral. Le 20 pas de lettres rien de neuf il fait très beau, je touche tabac et prêt. Le soir lettre de Guiguite, je lui réponds. Le 21 pas de chef pas de boulot douche à Lunas, pas de lettre, pas de linge, il pleut l'après-midi, nouveau P.45 (?). Le 22 il pleut à torrent, pas de boulot, pas de lettre. V(oiture) gazo neuve. Le 24 il pleut toujours Sudre m'apporte un paquet de la maison. Le 25 pas de chef, pas de lettre, pas de boulot, en somme rien à signaler.Le 26 baptême de la promotion des C.S. (?) "Bayard". Mort du cheval Octave. Inspection vétérinaire. Pas grand boulot. Le 27 pas grand boulot, il fait un froid de canard. Lettre de papa de Roanne. Le 28 pas de lettre, permis de conduire (essai). Chef Souliac à Avène. Arrivée de papa.

 

 

 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Jean Calmès au volant du camion Latil, qui fonctionne - comme on le voit sur la photo - au gazogène (le gros cylindre vertical derrière la cabine). 

 

"1er Mars- Papa est de passage. Dîner à l'hôtel. Il repart à 14 h. Après on s'embête. Le 2 Mars un peu beaucoup de boulot, pas de lettre. J'écris à Riquou. Le 3 pas de lettre pas trop de boulot, 1ère arrivée des bleus par le train du soir. Le 4 pas grand boulot pas de lettre, autorisation pour (prime?) de détente. Le 5 pas trop boulot 2éme arrivée des bleus lettres de Janine et d'Andrée, je lui réponds aussitôt, essai de moto. Le 6 visite permis P(oids). L(ourd) refusé pour les yeux, pas de lettre, le matin beaucoup de boulot, le soir rien à faire. J'écris à Pierre. Le 7 pas de boulot, pas de lettre, le soir je pars pour Rodez avec le Latil; on couche à Albi. Le 8 tout le matin pour mettre le camion en route. On part à midi d'Albi Seguy et moi. Apéritif à Baraqueville. Dîner à 2 heures à la maison. Je gare le Latil. Le soir café chez les Fage(galtier). Le 9 travail à Rodez (Cabinal, Malzac) dîner à la maison avec le chef. On part à 4 h de l'après midi souper à Albi. On arrive au Bousquet à 3 h du matin. Le 10 lettre de Guite, je lui réponds, pas de boulot, il fait beau. Le 11 temps idéal, pas de boulot, inspection du G(énér)al et du R(égion)al (Transports, Organisation générale). J'écris à Mémé pour sa fête et chez Fagegaltier, mais je ne reçois pas de lettre. Arrivée des jeunes (militaires?). Le 12 rien à signaler, pas de boulot, pas de lettre, une chaleur accablante. J'apprends à conduire les motos. Le 13 rien à faire, pas de boulot, pas de lettre, j'écris à Guiguite, il pleut. Le 14 il pleut encore pas de boulot réception d'un poste de T.S.F. pas de lettre. J'écris à maman. Le 15 il pleut le matin, mais belle après midi on est consignés jusqu'à 16 h . Le soir je téléphone à maman. Je travaille. Le 16 pas grand boulot montage du poste T.S.F. lettre de Serres. Le 17 rien à faire pas de chef. J'écris à Suzanne, Jackie. Lettre de Guite. Je lui réponds. Le 18 il pleut le matin et fait (...) à partir de 10 h. Pas de boulot, pas de lettre. Je bûche la physique et j'écoute le poste; souvenir des 20 ans d'Huguette de Mado et de Simone. Le 19 il fait assez beau, pas de boulot, lettre de Guite et de maman, lettre de Fagegaltier. Le 21 il fait beau et il pleut à la fois, lettre de Guite, j'y réponds, et de Paul Cransac, pas trop de boulot douche. Le 22 sombre dimanche, il pleut à torrent toute la journée. J'écris à maman. Cinéma "Elle et lui". Consigné à cause méningite. Le 23 j'écris à Paul Cransac pas trop de boulot, lettre de maman, je lui réponds, j'écris à Suzanne; il pleut. Le 24 pas de boulot, pas de lettre, il fait beau. Le 25 pas de boulot, pas de lettre, il fait beau. Je travaille le soir. Visite du Préfet R(égion)al et du Vre (?) R(égion)al. Le 26 rien à faire pas de lettre, pas de chef. Arrivée de quatre bleus. Le 27 pas de chef, pas de boulot, deux lettres de la maison, une carte d'Annie, je lui réponds, un (?) me donne un paquet de tabac. Le 28 il fait un sale temps, pas de boulot, pas de chef, lettre de maman et de Suzanne je lui réponds. Le 29 sombre dimanche le matin je ne sors pas, l'après midi je vais à Avène avec un camion. Le 30 pas de boulot. Les copains sont déconsignés. J'écris à Guiguite et à Françoise. Le 31 pas de boulot, pas de chef, j'écris à Guite et à Jackie. Il fait beau, mais un vent fou.

 
Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

...et la dernière, le 18 juin 1942.

 

"1er Avril -  Pas grand boulot, pas de chef il fait beau, le soir Vergne passe il m'apporte un paquet et une lettre. Le 2 il fait beau rien à faire, pas de chef, j'écris à la maison passage de Mme Fric et ses filles. Le 3 pas de lettres, pas de boulot, le chef Picot va à Draguignan, il fait beau puis il pleut le soir. Le 4 il fait frais puis il fait beau, pas de boulot, lettre de Riquou, j'y réponds, carte de Jackie, douche. Le 5 PÂQUES, confesse et communion au Bousquet. A 4 heures on mange un poulet et salade. Le 6, férié on ne travaille pas; il fait beau. Le 7 pas de boulot, lettre de maman et de Guite, je lui réponds il ne fait pas bien beau. Le 8 le matin pas de boulot. Janine et Tantine passent au train. Je vais les voir 300 f  le soir un peu de boulot, pas de lettre réception du moto-pompe il fait beau. Le 10 pas trop de travail, il fait beau, je reçois une lettre de Suzanne et j'y réponds. André Teulié part en permission. Le 11 pas trop de boulot, arrivée de bleus, le soir je me fait enguirlander, lettre des petites sœurs et de Carradoir. Le 12 il fait beau et toujours pareil dimanche sans rien de sensationnel. Le 13 pas de boulot, rien à signaler, il fait beau pas de lettre. Le 14 pas de boulot le matin il ne fait pas très beau, lettre de guite, je lui réponds Janine repasse. Le 15 pas de boulot, pas de chef. J'écris à maman et à André Fagegaltier, permission supprimée pas de lettre. Le 16, pas de boulot, lever à 6 h, pas de lettre, j'écris à Vergnes et à Gély, il fait beau. Le 17 je vais à Montpellier belle journée, il fait beau, pas de lettre. Le 18 je reviens à Montpellier, il fait encore beau, (poussette?) du camion. Lettre de maman. Le 19, je me lève à 11 h. J'écris à maman. Cinéma. Orage. Le 20 pas de boulot, pas de chef, lettre de Gély, Guite et Suzanne, je réponds à Guite et à S(uzon?). Photo de Guite. Le 21 pas de boulot pas de chef pas de lettre. Le 21 il pleut le matin carte de papa et lettre de Jackie. J'y réponds. Le 22 j'écris à Guiguite pas de boulot il fait beau. Le 23 il fait beau pas de boulot pas de lettre. Le 24 pas de chef, pas de boulot, pas de lettre, il pleut. Je conduis la voiture du chef de Groupe. Gély me prend une lettre à la maison. Le 25 il pleut, papa arrive le soir, pas de boulot, pas de chef pas de lettre. Le 26 dimanche sans histoire, sombre dimanche comme d'habitude. Papa passe la matinée avec moi et part à 14 h. Le 27 il pleut à torrent, pas de boulot, lettre de Guite, j'y réponds, les copains sont déconsignés. Le 28 il pleut à torrent pas de boulot pas de lettre, j'écris à maman et à Suzon, le soir je vais à la gare voir passer Gély et porter les lettres. Le 29 toujours de la pluie, pas de boulot, lettre de Jackie, je fais la couturière et la racommodeuse de bas. le 30, pas de boulot, il fait beau, pas de lettre, pas de chef. Je pars en permission de détente.

 
Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Mon beau-père, Jean Calmès, aux chantiers de jeunesse. Il montre à cru un beau destrier blanc.

 

"Le 1er Mai - J'arrive à Rodez à 10 h. Permission du 1er au 15 mai.

Le 16 pas de boulot, il fait beau j'écris à Guite. Le 17 dimanche sans histoire, dîner à l'hôtel, il fait beau, je téléphone à la maison. Le 18 pas de boulot, il fait beau, pas de lettres, le soir Andrée et Jackie m'apportent un paquet. Le 19 pas de boulot, il fait beau, j'écris à la maison, tantine et Suzanne. Le 20, pas de boulot, pas de chef. Le 21 pas de boulot, lettre de Guite, je lui réponds, il fait beau, mais du vent. Le 22 il fait toujours du vent, temps gris, un peu de boulot. Le 23 il fait beau, pas de chef, lettre de Gély et de Tantine, pas de boulot. Le 24 dimanche san histoire, cinéma, grand messe, lettre au S(ervice?) aux Colonies , il fait beau, visite de la verrerie avec manger. Lettre de Guite, j'y réponds. Le 26 rien à signaler, il fait beau, pas de boulot, pas de chef, pas de lettre. Le 27, il fait beau pas de lettre, je réponds à Gély, pas trop de boulot, ma permission est refusée chef André. Le 28 et le 29 en permission pour la communion solennelle de Pierrette. Le 30 pas de boulot, j'écris à Guite et à Fagegaltier, le soir, je pars à Béziers avec le Latil. Le 31 je suis à Béziers et à Lieuran (Lieuran-les-Béziers), dimanche un peu gai, il fait beau.

 

1er Juin- Pas trop de boulot, il fait beau, pas de lettre, la journée passe très vite. Le 2 pas de lettre il fait beau pas trop de boulot. Le 3 pas de lettre, j'écris à la maison, pas de boulot, il fait beau. Le 4 pas de chef, il fait beau pas de boulot, fête des Adieux, aller et retour Lunas-Avène à pied soit à 35 km. Je n'ai rien et suis encore dispos le soir. Le 5 pas de fatigue, il fait beau un peu de boulot, lettre de Guite, je lui réponds et j'écris aussi à Simone. Le 6 il fait beau pas de travail pas de chef pas de lettre. Le 7 il fait beau, j'écris à la maison, le soir je vais à Bédarieux. Le 8 il fait beau, lettre de maman, pas trop de boulot, je téléphone à la maison. Le 9 pas trop de boulot, il fait pas trop chaud, le soir repas des anciens, lettre de Guite, je lui réponds et d'Andrée. Le 10 il pleut un peu, j'écris à Guite, pas de boulot. Le 21 il ne fait pas très beau pas de boulot, pas de chef lettre de Guite j'y réponds. Le 12 pas de boulot pas de chef il ne fait pas très beau j'écris à Guite. Le 13 pas de lettre, pas de chef, il fait beau le matin, mais pas le soir, pas trop de boulot, j'écris à Guite. Le 14 dimanche sans histoire, cinéma, dîner avec Pierre et Hauger, il fait beau dans la journée. Le 15 un peu de boulot, pas très beau, un peu frais le matin, lettre de Guite, je lui réponds. Le 16 il fait beau, pas trop de boulot pas de lettre, j'écris à Guite il fait beau un temps splendide.

Le 18 - LA QUILLE.

                              après 242 jours

                                             de bagne

                                                          JCalmès

                                                                 Secrétaire aux

                                                                       Transports

 

Le petit carnet contient quelques adresses d'amis et de parents, ainsi que le barêmes (numérotés de 1 à 10) des tickets d'alimentation pour du pain (400 g), du sucre (20 g), du café mélangé (10 g), des pâtes (20 g), du riz (20 g), du savon (4 g) de matières grasses (15 g), du fromage (10 g), de la viande (60 g) et des pommes de terre (suivant département).

Enfin, en dernière page, une note au crayon indique " Cabinet à la lutte contre le chômage, service de placement des jeunes libérés des chantiers de la jeunesse, bureau 109, Hôtel International".

A COMPLETER AVEC GUITE

 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Le chant du C.J.F. 25

 

Chant du Chantier de Jeunesse 25:

 

"1-Aux chantiers les jeunes sont partis

Pour obéir au grand chef qui commande

Nous voilà, dans nos regards hardis

La France croit, espère et nous sourit.

2-Dans le travail de tous les jours

Nous sommes ceux qui relèveront la France

Dans le travail et dans l'amour

Nous lui rendrons sa grandeur de toujours.

3-Comme jadis a retenti

Dans Roncevaux cet appel à Charlemagne

Dans le Val d'Orb a retenti

Du sang Gaulois les rudes chants, les vies."

 

En tête du carnet de chansons se trouve les dix commandements du jeune:

Connaissant son esprit rebelle à toute autorité, et vu l'humour qui s'en dégage, je me demande si Jean n'avais pas composé lui-même ces commandements:

 

"1-Le reveil tu entendras / Et te lèveras probablement.

2- Au jus ensuite tu iras / Et le distribuera correctement.

3- Au travail tu te rendras / Et obéira certainement;

4- A onze heures tu rentreras / Esquinté naturellement 

5- Au réfectoire tu iras / Pour faire ballon naturellement

6- Ton balot tu le feras / A la chambrée très sûrement

7- Revue de détail tu auras / Et de piole également

8- De garde au poste tu iras / Tous les dimanches forcément

9- Le sourire tu auras / Quand tu entendras "Rassemblement"

10- Et la quille arrivera / En attendant patiemment.

                                             Le 8 décembre 1941"

 

Ce carnet de chants contient pêle-mêle "La chanson du Mont-Carroux",  un autre "chant du C.J.F. 25", "Le cavalier de La Rochelle", "El Rancho Grande" , "Sérénade Portugaise", "Voulez-vous Lisette", "L'étoile où brille l'amour", "Le clocher de mon cœur", "Mon Ange" et "Toi que mon cœur appelle"... 

En juin 1942, en reconnaissance de ses services aux chantiers de jeunesse du 9 novembre 1941 au 30 juin 1941, Jean reçut le "Certificat de moralité et d'aptitude", délivré à Lunas le 30 juin 1942 par le commissariat à l'instruction. Ce certificat reconnaissait qu'il avait "servi avec vaillance, en esprit d'équipe, avec ses camarades pour l'honneur de la jeunesse française. Il s'est fait remarquer par son ardeur et sa bonne humeur au travail (imprimé). Il a fait preuve des aptitudes suivantes (ajouté à la main):

Idéal élevé Esprit d'initiative normal Loyauté bonne volonté normale Ascendant sur ses camarades Bonne influence. Aptitude professionnelles: conduite des motocyclettes Permis chantier Tourisme Bon..."

 

Le S.T.O (Service du Travail Obligatoire):

 

Le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) fut instauré etc

La fuite dans la grotte à Capdenac (remontée de la division Das Reich d'Oradour-sur-Glane...

Récit que me fit son épouse en 2010.

 

 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Jean Calmès "garde" la gare de Capdenac, nœud ferroviaire important.

 

Biographie succinte

 

-Les origines de sa famille:

Jean Calmès est issu d'une ancienne famille aveyronnaise. Le nom qui évoque une plaine ou un plateau aride (calmis=chaume), est présent dans la région depuis au moins le ...A COMPLETER  généalogie

 

-Sa Naissance:

 

-Son éducation et sa jeunesse:

Jean Calmès fit de très bonnes études au sein de l'école Sainte-Marie, à Rodez, tenue par des prêtres enseignants. Il y fit ses humanités, comme on le disait à l'époque, c'est à dire qu'il y apprit le latin et le grec, alors couramment enseigné comme une matière indispensable. Je me souviens qu'il avait conservé de cette éducation une solide culture générale, un raisonnement sain, et un esprit critique éveillé. On le voit sur deux photos de classe (seconde, et première). Dans sa jeunesse, il pratiqua le scoutisme et se passionna très tôt pour le rugby, ce sport régional très pratiqué au sein de sa famille: il restera fidèle à ce sport tout au long de sa vie.

 

 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Sa croix de scout, dite croix de poitrine ou promesse. 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Jean Calmès en 1ère classique, à Sainte-Marie, à Rodez., année scolaire 1938-1939 (assis au 1er rang, 3e à partir de la droite). Au centre, le père. Clamens. En seconde, c'était le père Bousquet.

 

-Son mariage avec Marguerite Laumière (Guitte):

 

 

-Sa vie militaire et professionnelle:

Nous avons évoqué précédemment le service militaire. Quant à la carrière professionnelle de Jean Calmès, elle peut se résumer ainsi:

Les années à la Direction Départementale de l'Équipement de l'Aveyron, rue Tarreyre. Curieusement, j'ai connu plus tard deux de ses anciens collaborateurs: Équille, et Latieule. Le premier était attaché à la DDE de l'Allier (Subdivision de Montluçon, subdivisionnaire Mr Verdier) alors que je me trouvais en poste en Auvergne (1973-1982) et le second fit une carrière dans l'aviation civile et devint chargé de communication à l'ENAC à Toulouse; je le rencontrais avec un égal plaisir à nos séminaires de communication (il m'avait indiqué qu'il "cousinait" avec les Laumière). Tous deux avaient gardé un excellent souvenir de Jean Calmès.

En Aveyron, Jean était passionné de rugby et occupait des fonction de secrétaire au sein de la fédération départementale. (photo insignes).

Photo

 

Son ami le dessinateur humoristique Jean Ferrieu ne manqua pas de le caricaturer. Jean Ferrieu publia de nombreux dessins dans des quotidiens, hebdomadaires et autres périodiques.

 

Sa mutation en 1971 à Clermont-Ferrand à la Direction Régionale de l'Équipement de l'Auvergne au service des transports (son Directeur était Mr Morel).  Il n'en continue pas moins a assurer des responsabilité au sein de l'ASM de Clermont au service e laquelle il met son expérience.

 

A COMPLETER

 

Jacques Pageix 2015

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Jean Calmès lors d'une promenade dominicale sur le Causse, en 1973. 

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Aéroport de Vichy-Charmeil,1975. Un petit saut de puce Clermont-Vichy en Morane Saulnier MS893 de l'Aéro-Club d'Auvergne.

Jean Calmès:  les chantiers de jeunesse (Novembre 1941-juin 1942) et le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Plus tard, en 1989, sur le tarmac de l'aéroport de Toussus-le-Noble: arrivée de l'équipe de rugby de Toulouse dans l'ATR 42 de l'Aérospatiale. Pour les accueillir, Jean à mis son survêtement...

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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 18:39

 

 

 

La peste menace

 

 

 

BEAUMONT

 

 

--o--

 

 

Une ordonnance abbatiale

 

(18 septembre 1502)

 

Autour d'un exercice de paléographie...

 

 

--o--

 

docteurpour les pestiférés

 

Docteur Schnabel de Rome, pendant la peste noire

Gravure de Paul Fürst 1656; tunique recouvrant tout le corps, 

gants, bésicles de protection portées sur un masque en forme

de bec, chapeau et baguette...

 

--o--

 

Jacques Pageix 2012

 

 

1-Le document (transcription Jacques Pageix)

 

En marge :

"Ordonnances

faictes concernant                         J(es)us maria

la peste (écriture du XVIIe)

Or oyes or oyes que l on vous fait /

assavoir de par madame

 

Par ordonnance de monsieur le Chastellain du d(it) /

beaumont Et a la Requeste du procureur fiscal /

du d(it) beaumont je Guill(aume) de la porte sergent ordinaire /

de la d(ite) Justice faicz Inhibicion et deffense a tous de /

quelqu estat et (con)dicion qu ilz soient demourans dans /

la justice du d(it) beaumont qu ilz n ayent entrer es /

ville de Clermont montferrand thyart bilhon villages /

de Chamaliere ceyrat clamensat Romaignat aubiere /

et autres lieuxInfectz ou suspectz de peste ne frequenter /

avec les habit(ants) es d(ite)z villes et villages Et ce sur /

peyne de esmende arbitreyre autrement estre /

pugnis corporellement ainsi que Raison vouldra.

 

 

Aussi en ensuyvent les Inhibiicions autrefoicz /

faictes ce faicz en mandement a Ja(c)ques Chivalier (Jacques Bernard chevalier, l'un des élus de 1500) ses fame /

famiylhiers et domestiques Jacques Ronzier ses fâme /

familhiers et domestiques pi(er)re bontemps ses fame /

familhiers et domestiques p(ier)re Saurel ses fame /

familhiers et domestiques Et la vefve de /

anthoine argellet et ses domestiques qu ilz ayent /

a vuyder et Incontinent et sans delay le lieu du d(it) beaumont /

Et ce sur peyne d esmende arbitraire Et Intimacion /

que s ilz ne obeyssent es p(rése)ns (com)ma(n)dement sera p(ro)cede /

a les fere vuyder Realement et de fait ains(i) q(ue) Raison /

vouldra.

 

 

Parelhement fait le (com)mandement a tous les susdits qu ilz /

ayent a mener au pourcher leurs pourceaulx /

et leur bailler garde en telle fasson qu ilz ne demeuroi(en)t /

de jour dans le d(it) lieu de beaumont et qu ilz ne portent /

preiudice es vignes et autres heritages du d(it) beaumont /

et ce sur poine (peine) de confiscacion des d(its) pourceaulx.

 

 

Oultre l on fait c(om)mandem(en)t es dessus d(its) qu ilz ayent /

a fermer et estacher leurs chevres et qu ilz ne les laissent/

aller hors sur payne d esmende et Intimacion que sy /

l on trouve les d(ites) chevres l on p(ro)mect aus d(its) habit(ant)z les tuer /

Et aussi que ung chacun ayt a nectoyer les femyers et Im /

mondices estant dans la d(ite) ville et sur poyne d esmende /

Et cella l a fait assavoir de p(ar) madame sur les d(ites) /

personnes fait et publiees cetz pre(sen)tes p(rese)ns les esleus /

du d(it) beaumont et plus(ieu)rs autres habit(ant)z le xviiie jour /

de septembre l an mil cinq cens et deux.

 

Bosse N(otaire) greff(ier)"

 



 

AD 63 Fds de Beaumont 50H3-4, F°287

 

La page de garde du registre dans lequel se trouve cet acte porte une belle lettrine :

 


regjust.JPG

 

 

      AD 63 Fds de Beaumont 50H3-4, F°4

Sa transcription est plus aisée :

 

 

 

« C'est Le papier

et Registre ordinaire

de la Justice temporelle de la ville de

beaumont , par Religieuses dames mes dames

abbeesse et couvent du dit beaumont estans

Religieuse dame dame marie de la Fourest

par la grace de dieu abbeesse dudit beaumont

venerable et Scientificque personne monseigneur

maistre pierre Usson Licencie en loix castellain

et Juge ordinaire du dict beaumont, maistres

Pierre acgier notaire Procureur Fiscal et hugues

bosse aussi notaire greffier de la dicte court Pour

mesdictes dames Lequel a este commance Le

Jeudi Sixiesme Jour de Jung L an mil Quatre

cens Quatre vingtz et dix neuf et finy le seze

fevrier Mil cinq centz et dix »

 

 

--o--

 

 

2-Contexte et commentaires

 

Située aux portes de la capitale auvergnate, Beaumont, ou « Beaumont lès Clermont » comme on l'appelait à cette époque, était une petite ville fortifiée, construite autour de son abbaye bénédictine de Saint-Pierre. Dans le fonds d'archives de ce monastère, on trouve des actes de toutes natures : lièves, terriers, registres de justice (où j'ai trouvé ce document), etc. En particulier, une liève, datée de 1543/46, utilisée pour restituer le parcellaire cadastral du bourg, a permis d'évaluer sa population à 1300 âmes (j'ai reconstitué les parcellaires cadastraux de 1790, 1543 et 1426). (1)

 

L'abbesse de Beaumont, Marie de la Forest, exerçait le droit de haute, moyenne et basse justice. Les signes tangibles de l'autorité seigneuriale, qui n'étaient pas seulement symboliques, se trouvaient d'ailleurs là pour le rappeler : le pilori, placé devant la porte Réale, et les fourches patibulaires, dressées à l'emplacement de l'actuelle clinique de la Châtaigneraie...

 

Beaumont avait un Corps Commun avec deux élus nommés pour une année à chaque fête de la Saint Jean-Baptiste (parfois à la Toussaints). Lorsqu'une nouvelle abbesse prenait possession de son monastère, les élus et les habitants l'accueillaient selon un cérémonial immuable : Il l'attendaient à l'entrée principale du bourg, la porte Réale, et lui présentaient les clés de la ville en lui jurant obéissance et fidélité. En retour, l'abbesse promettait de préserver leurs privilèges.

 

En 1502 Jacques Mège Lhonard (Léonard) et Anthoine Demezes (de Mezet ou de Mezeix) dit Grasset étaient ces deux élus, et Michel Chaptard était le collecteur chargé de prélever les impôts royaux, de même que les subsides nécessaires au financement des travaux, et la taille de la Toussaint, ou taille abonnée ; à Beaumont, cet impôt seigneurial, prélevé tous les ans à la Toussaint (d'où son nom), ne s'élevait qu'à 6 livres tournois (le montant variait notablement d'une localité à l'autre, pouvant aller jusqu'à 40 livres. Un montant peu élevé comme à Beaumont serait la marque d'ancienneté).

 

Beaumont ne fut manifestement pas doté d'une charte de franchise et cela peut être lié, à mon avis, au fait qu'il s'agissait d'une seigneurie ecclésiastique. Les circonstances et les conditions dans lesquelles les seigneurs laïques accordèrent généralement des libertés à leurs sujets, libertés notifiées dans une charte de franchise, étaient ici de nature différente. On retrouve toutefois à Beaumont la plupart des caractéristiques d'une telle charte, les obligations réciproques étant quasiment analogues. Les libertés municipales acquises étaient assurément un état de fait très ancien. Les habitants avaient comme on l'a dit la faculté d'avoir un corps commun avec deux élus, (à partir du XVIIe siècle, il y aura quatre consuls), et de se réunir en assemblée dans leur « maison du Saint-Esprit » pour délibérer. En revanche, certaines prérogatives seigneuriales, étaient jalousement revendiqués par l'abbesse, ce qui motiva de nombreux conflits et procès. L'une de celles-ci, le droit de noce, sur lequel on peut consulter la notice consacrée au mariage à Beaumont, provoqua parfois des situations pour le moins cocasses...(voir mon article "Le mariage à Beaumont, à propos d'une sentence abbatiale")

 

Beaumont était bien défendue derrière ses enceintes qui s'appuyaient sur les bâtiments de l'abbaye bénédictine de Saint-Pierre, eux-mêmes fortifiés. Aux élus ainsi qu'aux « commissaires aux réparations » désignés à cet effet, était confié le soin de les maintenir en bon état (2).

 

Une première enceinte, de forme oblongue, datée du début du XIIIe siècle, abritait le bourg de Beaumont le Puy avec sa paroisse de Saint-Pierre dont les habitant partageaient l'église avec les moniales qui se réservaient le choeur. Elle avait trois portes : la porte Réale déjà évoquée, la porte Basse et la porte du Terrail qui ouvrait sur les quartiers de La Rivière.

 

Une deuxième enceinte, de forme rectangulaire, construite probablement au XVe siècle, s'appuyait sur la précédente et protégeait les quartiers de Notre-Dame de la Rivière, qui avaient leur propre église paroissiale, flanquée d'un beffroi. Ses deux portes étaient la porte de l'Olme et la porte du Chaufour.

 

Au pied de la façade méridionale du monastère sur laquelle s'appuyait l'enceinte primitive, la vieille basse-cour de l'abbaye était toujours visible: au XVIe siècle, elle avait toutefois perdu sa fonction initiale pour les habitants de la Rivière, qui s'y réfugiaient avant la construction de leur propre enceinte. J'aime à croire que le Beffroi de Notre Dame de la Rivière leur servait alors de tour de guet et qu'ils couraient se réfugier dans les loges de la basse-cour au moindre danger signalé par le son du tocsin... (cf "Beaumont, essai d'histoire urbaine", Jacques Pageix, 1982, chapitre consacré au Moyen-Âge).

 

Ces enceintes servaient bien sûr à protéger les habitants des gens de guerre qui parcouraient alors la région et malheur aux villes et villages occupés par la soldatesque qui vivait de rapines au détriment de l'habitant..(cf "Nos ancêtres, le service militaire et les guerres").

 

Elles avait aussi, hélas, la triste fonction de faciliter l'expulsion des personnes infectés ou soupçonnés de l'être, tout en interdisant aux pestiférés extérieurs de s'introduire dans le bourg. Les suspects ou « infects » étaient relégués dans des cabanes ou dans des granges situées à la périphérie de la ville, véritables mouroirs où la plupart finissaient leurs jours...

 

Ces épidémies affectaient des populations déjà touchées par une mortalité élevée -notamment chez les enfants- et l'espérance de vie pour les survivant n'excédait pas une quarantaine d'années, à quelques exceptions près (par exemple, les témoins d'une enquête faite en 1494, choisis pour leur grand âge, avaient près de 80 ans...

 

Il n'y a donc pas lieu d'être surpris, lorsqu'on examine les plans parcellaires de Beaumont correspondant au terrier de 1426 et à la liève de 1543/46, par l'importance des cimetières qui s'étendaient bien au-delà de leurs enclos d'origine. Il en était ainsi du cimetière de Saint-Pierre, dont l'extension -le cimetière de la Conche- avait gagné la presque totalité d'un quartier. Il en était de même pour le cimetière de Notre-Dame de la Rivière, qui s'était considérablement étendu vers le sud, occupant toute la place de l'Olme dont il avait pris le nom. Il existait donc une véritable promiscuité entre les morts et les habitants, probablement résignés face à la précarité de la vie...

 

Ainsi, les vieux documents consultés pour cette période nous révèlent des mœurs cruelles, voire même sordides, où régnaient la mort et l'insalubrité ; de plus, la délation ne devait pas être absente des décisions d'expulsion des gens suspectés d'être atteints par le mal...Ceci n'est pas sans rappeler le film « le nom de la rose » de Jean-Jacques Annaud...

 

A tour de rôle, les habitants étaient tenus de faire le guet aux remparts et aux portes de la ville. Fait surprenant : j'ai pu noter que les élus et les commissaires parcouraient les remparts et les corps de garde, la nuit, pour vérifier si les guetteurs ne dormaient pas, et leur distribuaient du vin!... Lors de périodes de plus grande insécurité, la surveillance était renforcée et l'on faisait « grand guet », en disposant six hommes à chaque porte, dans les corps de garde.

 

À l'époque où l'abbesse faisait proclamer cette ordonnance, non seulement la région étaient marquée par les épidémies de peste, mais elle eut aussi à subir une série de tremblements de terre dont on retrouve la trace dans les archives de l'Abbaye, qui était toute « rapetassée », aux dires d'une abbesse, et qu'il fallut presque entièrement reconstruire à la fin du XVe siècle suite à la série des séismes de 1490 (voir l'article "La terre a tremblé à Beaumont en 1490 et en 1765"). 

 

Pour ce qui concerne la peste, le texte ici transcrit nous révèle par quels moyens l'abbesse et les élus luttaient contre la propagation du mal. En septembre 1502, l'épidémie sévissait dans plusieurs localités voisines, mais n'avait apparemment pas encore atteint Beaumont. L'attitude adoptée était l'isolement, et l'interdiction à tout un chacun d'entrer dans les villes infectées ou soupçonnées de l'être. La liste de beaumontois figurant dans l'ordonnance visait, semble-t-il, des individus qui avaient faillis à cette mesure collective et qui pouvaient donc être à priori suspectés d'être atteints par ce terrible mal.

 

--o--

 

3-L'action répressive ; les condamnations

 

Bien sûr, ceux qui n'appliquaient pas les ordonnances abbatiales étaient traduits devant la justice seigneuriale. L'abbesse présidait rarement elle-même ces assises qui se tenait le plus souvent sur la place du cloître (actuelle place Saint-Pierre). Là se trouvait la halle, qui abritait pour l'occasion les séances que son châtelain présidait.

 

Dans le même registre, on trouve une telle condamnation, en date du 14 septembre 1505, alors que la peste sévissait encore dans la région. L' affaire fut instruite par le Châtelain de Beaumont (peut-être à la suite d'une dénonciation?). Ainsi, le 14ème jour de septembre, « heure de soleilh couchant », Loys Vinhole fut condamné sur exploit (procès-verbal) de Hugon Agier, dit Ganoy, Sergent de ville, à ne plus « communiquer avec les siens ne entrer dans la ville de Beaumont pour ce qu'il avoit mys a sa maison une des filles de feu Bérauld Moly Cussat estant infecte (malade) de la peste ». Louis Vinhole (ou Vignole) se défendit en protestant «  qu'il avoit mis la dicte filhe a sa maison et icelle (celle-ci) coucher au soir cuydant (croyant) qu elle ne fust point infecte ne qu elle ne vind de lieu infecte » , car « depuis qu'il en a este adverty », précisa-t-il, « elle n a plus demeure a sa maison » (F°14).

 

Le 14 e jour d'août 1502, bien que les commissaires eussent commandé la garde des portes, Guillot Cosserant (Cousserand) fut « pris au cors et contreingt deffaire vuyder une chambrière venue de la ville de Clermont »... (F°284)

 

Face aux actes délictueux, L'abbesse ne badinait pas et sévissait par l'intermédiaire de son châtelain, son lieutenant ou le Sergent de ville, et ceci quel que fut le récalcitrant. Que l'on en juge plutôt par cet acte qui, même s'il ne concerne pas l'épidémie, n'est pas moins intéressant:

 

Le 20 janvier 1502, « honorable homme Maistre Martin Cousturier, Chanoine de l'esglise cathédrale de Clermont » de son bon gré dut payer l'amende dans les mains du Lieutenant de l'abbesse, Maître Hugues Bosse, car il y a « ung moys ou environ qu il a este trouve chassant au furon (furet) dans la justice de madame » ! Le chanoine-chasseur bénéficia toutefois d'une exemption pour cette amende sur intervention de « hault et puissant seigneur Artus de la Forest Chambellan du Roy nostre Sire, frere de la dite dame ! » (F° 285) Quand on peut faire jouer ses relations...

 

D'une manière générale, les actes de justice ne concernent le plus souvent que de menus larcins. On trouve toutefois pour la même époque un cas ou le coupable fut tout de même fouetté et banni de la justice de Beaumont !( F°12).

 

S'agissant des fortifications, on y trouve des condamnations pour défaut de garde des portes de la ville et quelques dégradation et usurpation du domaine public, comme l'on dirait aujourd'hui, certains habitants dont les maisons s'appuyaient sur les remparts n'hésitant pas à y pratiquer des ouvertures et des "ballets" (balcons) !

 

Ainsi, un acte de la justice abbatiale stipule qu'au cours de la même épidémie de peste, certains avaient « fait plusieurs pertuys (petites ouvertures) à la murailhe de la ville », à laquelle leurs maisons se trouvaient accolées, afin de les rendre leur habitat plus salubres (F°116).

 

Pour ce qui concerne la garde des portes, on voit dans un autre acte que le 27e jour d'août 1505, que deux beaumontois, Pierre Goujon et Antoine Delusse eurent maille à partir avec la justice abbatialle pour n'avoir pas "gardé la porte royale (la porte Réale) pour la conservation de la ville", tout comme Antoine De Mezet et Pierre Saurel, chargés de garder la porte de l'Olme, "parce qu'ils (ne) devoient pas boyre s'ils la gardoient" (F°5).

 

Pour certains gardiens, la tentation de sombrer dans un sommeil réparateur, ou d'aller vider un pichet au cabaret voisin, était parfois la plus forte...

Elle les détournait ainsi du devoir sacré de veiller aux portes et aux remparts pour assurer la sécurité de leurs concitoyens (ceci m'a bien étonné, au regard des distributions de vin faites aux gardes des portes évoquées plus haut!...)

 Notons qu'il existait une auberge, près de la porte Basse, tenue par Gaspard Auberoche ; elle sera reprise plus tard -vers 1605, par Pierre Pagheix, notre ancêtre beaumontois qui mourra lors de l'épidémie de peste de 1630/1631.

 

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4-Conclusion

 

 

Nous voyons au travers de tels documents que nos aïeux durent traverser de bien sombres périodes, affrontant quotidiennement les pestes, les famines, et les incessants passages de gens de guerre. Des bandes d'individus de toutes nationalités constituaient alors l'essentiel d'une armée jamais démobilisée (que ce soit lors des guerres d'Italie au début du siècle ou plus tard au cours des guerres de religion). Ces bandes armées parcouraient les campagnes et subsistaient, en temps de paix comme en temps de guerre, aux dépens des populations qui devait les héberger en garnison. Parfois, elles assaillaient les villages qui n'avaient pas redouté de leur fermer leurs portes; elles pillaient, rançonnaient, et ne laissaient derrière elles que ruines et désolation. A certains moments, les élus de Beaumont purent même craindre qu'elles vinssent incendier leur bourg... Elles ravivaient probablement pour eux le cruel souvenir des exactions commises par les Routiers au cours de la Guerre de Cent Ans. Pour couronner le tout, les impôts royaux collectés, déjà suffisamment lourds, comportaient chaque année des « crues » pour alimenter les dépenses liées aux guerres d'Italie (cf l'article "Nos ancêtres, le service militaire et les guerres" déjà cité, et en particulier le passage consacré aux frais nécessités par l'entretien de deux hommes d'arme...).

 

Pour terminer, nous ne devons pas oublier que la peste s'inscrivait dans un cortège de maladies comme la lèpre, également bien présente au Moyen Âge. Les malheureux lèpreux, après examen médical, étaient jugés par le Tribunal de la Purge de Montferrand qui les condamnait à l'isolement dans des Léproseries comme celle d'Herbet (3). Ce fut le cas en 1449 où une beaumontoise, Jacmecte Perset, fut reconnue lépreuse, à l'issue d'un examen par les experts en médecine et en chirurgie. Il lui fut interdit de "converser, boyre, menger entre les sains" et elle dut porter "les claquettes que les ladres pourtent comme est de coutume"!... 

 

On doit tout de même tempérer cette vision pour le moins sordide des mœurs en usage, en n'oubliant pas d'évoquer les mouvements de solidarité qui se manifestèrent au travers des confréries charitables. Ainsi, au XVe siècle, il existait à Beaumont une "charité" dont la maison du "Sainct Esprit" s'appuyait sur l'église de notre Dame de la Rivière (cf mon "cadastre" de 1426) et dont les bailes étaient Jehan Sobra, Guillaume Bossa et Guillaume Agers. Les élus de Beaumont levaient pour le compte de cette charité des cens en nature sur des biens situés à Aubière, Romaignhat, Boysegoulh. En 1514, ces revenus s'élevaient en froment à 8 setiers une quarte et 4 coupes (env. 1160 litres) et en pamoule à une quarte et 16 coupes (env. 96 litres).

 

En 1543, à l'emplacement de cette maison du Saint-Esprit, il n'existait "qu'un chaume que solloit estre la maison de Sainct Esprit de notre-Dame de la Rivière, dans la ville, quartier de l'Olme". les "bailles" de la charité du Sainct Esprit de Beaumont, quant à eux, existaient toujours et se nommaient Bertrand et Jehan Mathieu fils à feu Pierre, et Bertrand Villeneuve...

 

Notons que Beaumont avait une autre maison du Saint-Esprit au quartier du Plot (ou Plat), qui n'était autre que la maison commune où les élus et les habitants se réunissaient pour délibérer. Elle subsistera jusqu'au XIXe siècle en tant que mairie!

 

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  5-Notes

 

1) : Eléments tirés de l'étude « Beaumont, essai d'histoire urbaine », Jacques Pageix , Bulletin Historique et Scientifique de l'Auvergne T. 92, N° 684, Janvier-Mars 1985.

 

2) : Extrait de « Une communauté urbaine au XVI e siècle, Beaumont-Lès-Clermont-Droits seigneuriaux et libertés municipales », Jacques Pageix 1992, et de «  Beaumont Histoire de bourg des origines au XIXe siècle » non publié.

 

(3): Le Tribunal de la Purge de Montferrand était une juridiction très originale, exercée sous l'autorité des consuls de cette ville (voir les articles de M. Johan Picot, dans le BHSA et autres publications). 

 

L'image de l'en-tête représente un médecin pendant la peste noire (gravure de Paul Fürst 1656): tunique recouvrant tout le corps, gants, bésicles de protection portées sur un masque en forme de bec, chapeau et baguette.

 

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6-Bibliographie

 

Hippolyte Gomot: "Chroniques de Riom, la peste noire de 1631", à Riom, chez Ulysse Jouvet, imprimeur, 1874. 

 

Marc Dousse:"La peste de 1631 en Auvergne; l'épidémie à Orsonnette" in Revue d'Auvergne, T. 44 1930, p.94 à la fin, suivi du remède contre la peste: le vinaigre des quatre voleurs...

 

Edmond Morand : « La peste à Riom au Moyen Âge », in Revue d'Auvergne, T 77 1963, p 133 à 140.

 

Pierre Charbonnier : « La peste de 1631 à Clermont, même revue, T 79 1965, p 97 à 128.

 

Gabriel Audisio : la peste en Auvergne au XIV ème siècle, Revue d'Auvergne, T 82 1968, p 257 à 265.

 

Yves Morvan : « La peste noire à Jensat », même Revue, T 92 1984, p 89 à 110.

 

Sur les tremblements de terre, voir l'article "La terre a tremblé à Beaumont en 1490 et en 1765"; 

 

« Notes historiques sur les séismes en Auvergne », par Henri Pelletier, in Revue des Sciences Naturelles d'Auvergne, 1969, vol. 55, fasc. 1-4, page 23.

 

Sur la lèpre et sur le crime de 1336, voir la thèse de M. Johan Picot, et le site criminocorpus.

 

Jacques Pageix 2012

 

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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 18:34
Les vendanges à Beaumont

Entonnage du vin. Mosaïque, Saint-Denis.

 

 

 

Les vendanges

 

à

 

BEAUMONT

 

(du Moyen Âge au XIXe siècle)

 

--o--

 

Réglements, conflits, amendes et...

réjouissances.

 

 

 photo1-stverny.jpg

 

Statue de Saint-Verny,

église Saint-Pierre de Beaumont

 

--o--

                                                                                 

Jacques Pageix 2012

 

 

 

1-Avant-propos

 

On sut très tôt que pour obtenir un vin de qualité, le raisin devait être parvenu à sa complète maturité. Toutefois, le vigneron, craignant la grêle, les dégâts des oiseaux ou les maladies de la vigne (mildiou, oïdium, etc.), avait quelquefois tendance à anticiper sur le moment le plus approprié.

 

La nécessité de réglementer les vendanges se fit donc très vite sentir et l'on institua le "ban des vendanges".

 

Sous l'Ancien Régime, il consistait pour les seigneurs à proclamer le début des vendanges et a en fixer leur déroulement en désignant les terroirs devant être successivement vendangés, non sans avoir rappelé les amendes encourues par ceux qui ne les respecteraient pas...

 

Il ne faut pas non plus oublier que les seigneurs avaient tout intérêt à ce que les vendanges fussent concentrées successivement en des lieux désignés d'avance afin d'éviter une dispersion qui n'aurait pas facilité la perception de leurs dîmes (1). Ceci explique donc leur détermination à conserver cette prérogative.

 

A partir de 1790, le ban des vendanges fut proclamé par un arrêté de la municipalité, visé par le Préfet.

 

2-Le ban des vendanges au fil des siècles

 

Le plus ancien ban des vendanges que j'ai pu retrouver dans les archives de l'abbaye de Beaumont, date de 1499. On vendangeait alors par « pans », c'est à dire par secteurs regroupant plusieurs terroirs voisins. Voici ce document tiré des archives de l'abbaye de Beaumont et sa transcription (2).

 

photo2-1bans1499-copie-1

 

photo2-2bans1499-22

 

photo2-3bans1499-3

 

Le ban des vendanges de septembre 1499.

Montage et transcription Jacques Pageix

 

Une annotations manifestement portées plus tard (l' écriture est du XVIIe siècle), se trouve en marge du texte du XVe siècle; elle est retranscrite en italique:

 

« Limitations des pans et territoires des vignes pour L ouverture d Iceux pour les vendanges a l avenir suivant et en execu(ti)on de la transaction passee entre madame l abbesse Et les Eleus et habitans de beaumont".

 

La numérotation en gras ajoutée sur la transcription renvoie au plan présenté plus loin où j'ai indiqué par ces mêmes numéros les zones vendangées au fil des jours :

 

Voici ma transcription de ce texte :

 

(F°5v°):

 

« Les pans menciones et declares aux lectres de translacion ont ete limites ainsi que s ensuit

 

(1-2-3) « Premierem(en)t a este appoincte q(ue) le p(re)mier pan co(m)encera despuis la porte Real Jusques a la croix du masage Et de lad(ite) croix du masage au teroir de la volpilhera Suyvant le chemin Dauroiel (Les Rivaux) Jusques au pont eymery et de lad(ite) crois du masage Jusques a la Riviera d artiera dud(it) beaumont

« Cy sont les t(er)roirs quy sont (com)pris dans led(it) pan p(re)mier

 

(4-5-6) « Et p(re)mierem(en)t les t(er)roirs de las veyrias de las testas las mouretas bon Roche et tous les (comunaulx?)

 

(7-8-9) « L aut(re) pan comencera despuis lad(ite) porte Real Jusque a la croix des lundars (les Liondards) en allant a clermont

« cy sont les t(er)roirs dud(it) pan

« Les terroirs de la garde Soutrana et de P(ier)re Roye (Pierre Rouge)

 

(10-11-12) « L aut(re) pan acomencera a la font de fromage tirant au t(er)roir de las chaussades et tirant au telh de Sainct guille(aume)

« Cy sont les terroirs

« Les terroirs de las colonges de la penderia et tout g(ar)de velhe (Garde Vieille)

 

(13-14-15) « L aut(re) pan comencera au teyroir de las chaussades tirant le chemin du matarel Jusques au trevys (carrefour de chemin)

« Cy sont les t(er)roirs

« C est assavoir mo(n)tpouly la velse (la Verre ou Lavert)  montbayol

 

(16-17-18-19) « L autre pan comencera au teyroir de las chaussades Jusques a la Riviera dud(it) beaumont

« Les t(er)roirs sont

« C est assavoir le Matareau (le Matarel) la courbe la Roche et la lunginya (les Longines)

 

(20-21-22-23« L autre pan toutes les vignes que sont de la Riviera dud(it) beaumont

«Les t(er)roirs  sont

« C est assavoir les Rongieres les faisses (Las Fouessas, les Foisses) le Sout et prolhiat »

 

Ce vieux texte des bans de 1499 fut inséré manifestement à dessein dans les registres de justice du monastère. On souhaitait ainsi entériner une fois pour toute, à l'issue du long procès évoqué plus loin, une sorte d' «arrêté-type» constituant une référence en cas de nouveau litige entre l'abbaye et les habitants.

Il m'a permis, après identification et localisation des terroirs désignés, de suivre l'itinéraire des vendangeurs:

 

photo3.JPG

     

Reconstitution Jacques Pageix-Reproduction interdite.

 

J'ai représenté sur ce plan la répartition des cultures au XVIIIe siècle sur le territoire de Beaumont (pour plus de clarté, les bornes n'y ont pas été indiquées).

On y distingue les vignes (naturellement dominantes), les vergers le long de la rivière d'Artière, les champs et les communaux (à l'extrémité ouest).

La réserve seigneuriale comprenait les terroirs de Champ-Blanc, la Rongeyre, la Condamine, du Petit et du Grand Coin.

Après la vente des biens de l'abbaye dont certains beaumontois se portèrent acquéreurs, ces terroirs furent évidemment inclus dans les bans promulgués par la suite. Leurs noms furent changés entre-temps en Bernard-Maître et Champ de Madame...

 

Dans une étude non encore publiée, j'ai retracé la façon dont s'effectuait la proclamation du ban des vendanges et le déroulement de celles-ci au XVIe siècle. En voici un extrait (3):

 

Lorsque le raisin arrivait à maturité, les élus sollicitaient de l’abbesse ou de ses officiers la permission d’assembler les habitants pour fixer la date et le déroulement des vendanges.

 

Les beaumontois se réunissaient alors dans la maison du Saint-Esprit, et désignaient douze sages chargés d’inspecter les vignes. Afin, peut-être, de ne point susciter de jalousie entre les deux paroisses, on élisait six hommes de Saint-Pierre et six autres de Notre-Dame de la Rivière...

 

Après avoir prêté serment devant l’abbesse ou ses officiers de “ bien et loyalement visiter les vignes ”, ces douze experts s’acquittaient de leur mission en allant “ visiter les territoires et viniobles estans dans la dicte justice de beaumont pour veoir si les raisins estoient meurs pour le cullir et amasser ”. Ils faisaient ensuite leur rapport à l’abbesse, en lui proposant la date qui leur semblait la plus favorable.

 

Le monastère se ménageait un délai de deux ou trois jours avant la date fixée afin de préparer ses caves et son matériel, de prévoir des gardes en nombre suffisant pour surveiller les vignes, et de réunir les bêtes de somme nécessaires au transport des dîmes.

 

Une ordonnance abbatiale, criée par un sergent, proclamait ensuite le ban des vendanges, c’est à dire la liste des terroirs que l’on devait successivement vendanger. On disait alors que l’on vendangeait “ par pans ”.

 

Les gardes dépêchés par le monastère, que l’on appelait les “ dixmiers ”, veillaient tout particulièrement à ce que les “ pans ” fussent vendangés les uns après les autres, conformément à l’ordonnance.

 

Si un vigneron s’avisait de vendanger sans respecter l’ordre prévu, on disait qu’il “ enjambait les pans ”. Toute infraction à ces règlements était passible d’une amende.

 

Ces précautions permettaient à l’abbaye de porter tous ses moyens matériels et humains sur un espace restreint, fixé à l’avance, afin de collecter ses dîmes avec plus d’efficacité et à moindre frais.

 

Les témoins interrogés en 1494 fournirent d'ailleurs des explications claires à cet égard, qui furent consignées dans le registre d'enquête précité :

 

« Et dit le dict deposant que si les dictes vignes ne se vendangeoient pas par pans, les dictes demanderesses (les religieuses) (n') y auroient (pas) grand interest car il leur fauldroit avoir grand quantité de gardes pour garder les dixmes et quantité de bestes pour iceulx dixmes pourter à la dicte abbaye et avec ce perdroient beaucoup de leur dictes dixmes car elle ne leur dicts gardes ne y pourroient entendre et ne seroient que tout confusion et désordre »... Un autre témoin précise même qu’il « faulx tant que les vandanges dureroient, plus de cent gardes (pour préserver les dîmes) et plus de cent cheveaulx (pour les transporter) »...

 

Ces règlements relatifs aux vendanges eurent la vie dure, puisqu'on vendangea ainsi « par pans » jusqu'en 1852. Les vendanges se déroulèrent ensuite « en un seul pan pour tout le territoire communal », puis cette mesure fut définitivement supprimée avec la publication du dernier ban le 5 octobre 1866 (4).

 

Pour mon grand-oncle Joseph Pageix, cette réglementation présentait à la fois des inconvénients et des avantages. Voici ce qu'il écrivait à ce sujet (5):

 

« Cette mesure pleine de bon sens a été supprimée en 1865. Elle avait pour but de parer à l’imprévoyance des gens. On voit aujourd'hui des vignerons, affolés par la moindre fraîcheur matinale, se ruer sur leur récolte, la cueillir à moitié mûre, tirer leur vin quand d’autres songent à peine à « imbiber » cuves et bacholles. Ainsi, la même année, deux voisins de cuvage trouvent le moyen d’obtenir l’un du vin léger comme piquette, l’autre de celui dont les vieux disaient « zi ni mô do vi de mourâs » (il est noir comme du vin de mûre).

 

Les bans de vendanges mettaient un peu plus d’ordre dans cet état de choses en réglementant la cueillette des grappes. Certes, cette mesure avait des avantages incontestables. D’abord de permettre au village entier de faire une seule qualité de vin : la meilleure ; celle qui faisait dire à nos anciens en vidant une tasse d’argent : « coui de boünô büvento » (c’est de la bonne boisson). Ensuite de faire nettoyer les rues, car si les odorats subtils hésitent aujourd'hui à traverser certains de nos quartiers, qu’eussent-ils fait, il y a cent ans, alors que le traditionnel tas d’ordure montait sa garde invariable à la porte de chaque maison ? Enfin de faire réparer les chemins de culture, ou du moins d’en donner l’illusion, car chacune s’appliquait surtout à réparer devant sa propriété l’emplacement destiné aux bacholles, afin de pouvoir plus aisément ramasser les grains et les grappes que laissait tomber le bertier. Les mottes étaient jetées dans les ornières, et cela faisait très bien pour le coup d’œil sinon pour la solidité.

 

Mais tout n’allait pas sans quelques petits inconvénients, dont le principal était de porter tous les vendangeurs du pays sur le même point le même jour. Il en résultait quelques embarras, car on ne trouvait pas comme aujourd'hui une chaume tous les cent pas pour tourner ou garer les voitures ».

3-Les conflits qu'ils souleva

 

Le ban des vendanges fut mal supporté par nos ancêtres, que ce soit à Beaumont ou à Aubière. À Beaumont, au fil des siècles, les élus, puis les consuls, firent de nombreux procès à l'abbaye. Ce fut le cas notamment à partir de 1495, où les habitants intentèrent un procès au sujet des droits seigneuriaux qui incluait notamment le ban des vendanges...

 

Dans un mémoire tiré du fonds de l'abbaye de Beaumont , établi pour l'abbesse Marie de la Forest, on lit que « les habitants, sans qu'aucuns griefs ne leur ait été faits par les religieuses, se portèrent appelants car il voulaient que les pans (bans) ne fussent ordonnez a leur volonté", "droictz que lesdits habitans malicieusement s'estoient efforcez rendre litigieux", alors "qu'elles (les religieuses) avoient accoustumé bailler et decerner jour de vendanges et ordonner quelz pans et quartiers se vendangeoient au dit lieu ne quant ne comment et ce sur le rapport de douze preudhommes dudit beaumont. » (6).

 

 

Le préambule du mémoire en réponse que fit rédiger Marie de la Forest soulignait que « Les religieuses sont dames en toute justice haulte moyenne et basse dudit lieu de beaumont et est ladite abbaye de beaumont une belle ancienne et notable abbaye de fondation royale en laquelle y a costidiennement grand nombre de notables religieuses faisans et continuans nuyt et jour divin service pour la sustentation desquelles et support des charges de ladite abbaye il y a bien petite fondation et encores tendent lesdits habitans appellans qui sont leurs subjectz par force de contradictions formelles et voyes indirectes mectre a mendicité lesdites povres religieuses et leur faire perdre les droictz de leur dite abbaye dont elles ont accoustumé journellement avoir et tirer leur povre vie » (…) « Voyant lesdites Religieuses que soubz couleur dudit appel s'il estoit différé de passer oultre à ladite provision elles estoient destituées de tous leurs droitz et en voye de mendicité et mourir de faim » !...

 

 

Il faut ajouter que ce mémoire fut rédigé à l'issue d'une enquête diligentée par la Sénéchaussée qui dépêcha des commissaires à Beaumont, au cours du mois de mars 1494. Une dizaine de beaumontois jugés suffisamment sages, « aigés et de bonne mémoire » furent ainsi interrogés sur les droits seigneuriaux en vigueur à Beaumont, afin d'établir l'ancienneté de ces privilèges et de confirmer qui devait en bénéficier... L’un de ces témoins avait tout de même 80 ans, ce qui devait probablement constituer une exception à cette époque où l'on atteignait difficilement la quarantaine, pourvu que l'on eût échappé à la mortalité infantile et aux épidémies (la peste, que l'on trouve bien présente notamment autour de 1500, et qui est mentionnée de manière récurrente dans les archives, décimait les populations). Il est émouvant de lire les témoignages de ces vieux beaumontois nés à l'époque des chevauchées de Jeanne d'Arc !

 

Certes, l'existence de nos ancêtres était peu enviable puisqu'ils durent affronter les guerres, les disettes et les épidémies. Pour couronner le tout, ajoutons que cette sombre période fut marquée par des tremblements de terre assez violents (l'abbaye fut en partie détruite). Mais nous reviendrons une autre fois sur ce sujet...

 

Si l'on peut comprendre que la nature un peu vexatoire pour eux de cette prérogative abbatiale ait pu justifier leur attitude hostile, on peut penser néanmoins que les habitants exagéraient quelque peu quand ils voulaient s'approprier le ban des vendanges, car à l'époque, l'abbesse ne faisait décréter les bans par ses officiers qu'après avoir consulté les habitants par l'intermédiaire de douze "personnaiges idoynes et saiges" évoqués plus haut, qu'elle convoquait auparavant en son parloir...

 

En fait, cette contestation des habitants à l'égard du ban des vendanges s'inscrivait dans un ensemble de revendications touchant tous les droits seigneuriaux, tels que le fournage, le chevrotage, le courtage et le droit de noce... Il existe d'ailleurs dans les archives abbatiales un document au contenu assez savoureux sur un litige survenu entre un beaumontois, fraîchement marié, et l'abbesse qui voulait naturellement faire respecter son droit de noce; le marié avança pour sa part des arguments (ma fois assez convaincants) pour éviter de s'en acquitter (voir l'article sur le mariage à Beaumont).

 

Ces litiges étaient similaires à ceux que l'on retrouve pour les droits seigneuriaux à Aubière à la même époque (7).

 

4- Les sanctions 

 

Au Moyen-Âge, la justice abbatiale jugeait pêle-mêle lors de ses assises des infractions au ban des vendanges, des grapillages, ou l'absence de propreté lors des vendanges, les chemins et leurs abords n'étant pas correctement remis en état après le passage des chars, etc.

 

Voici quelques jugements relevés dans ces registres (8):

 

En septembre 1383, une amende de 3 sous est infligée à la femme de Hugues Daylhs pour avoir pris des grappes de raisins aux temps des vendanges nonobstant les défenses de la cour "grapetare in vineis temporem vindemiarem".

 

En septembre 1396, une amende est infligée à Jehan Gaury senior pour avoir pris une moycelle de raisins "infra suam vineam".

 

Le 5 octobre 1469, une amende est infligée à Jehane Renoux, femme de Bernard Renoux pour avoir emporté une saulme de vendange d'une vigne qui est à la percière de Madame au terroir du Ventadour (une saume était la charge pouvant être portée par un âne ou un mulet!).

 

Au même moment, une amende est infligée à Jehan Vitalis alias Richardi pour avoir fouetté un ébruiteur chargé de garder la dixme et les percières de Madame!

 

geo-fourrier

 

Vigneron de Chamalières vers 1920.

L'une des belles cartes postales de Géo Fourrier (coll. Jacques Pageix)

 

 

Faisons un bond en avant dans le temps et voyons comment réagissait l'autorité au XIXe siècle:

 

Sur le site de la BNF, Gallica, mon cousin d'Aubièren Pierre Bourcheix, a trouvé par hasard un arrêt de cassation prononcé en faveur de vignerons beaumontois qui avait été verbalisé lors des vendanges de 1832 pour non respect des bans publiés.

 

En lisant cet arrêt, daté du 31 janvier 1833, on ne peut douter que les vignerons du XIXe siècle considéraient toujours le ban des vendanges comme une contrainte, tout comme leurs ancêtres du XVe siècle...

Cet arrêt (voir le texte ci-après) concernait manifestement des viticulteurs dont les vignes vendangées étaient situées sur le territoire de la commune de Clermont, et qui furent donc verbalisés par les autorités de police de cette ville...

 

 

« BULLETIN

 

DES ARRÊTS

 

DE LA COUR DE CASSATION ,

 

RENDUS EN MATIERE CRIMINELLE

 

Année 1833,

 

PARIS

DE L'IMPRIMERIE ROYALE,

 

M DCCC XXXIV

 

BULLETIN DES ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION

MATIERE CRIMNELLE, N°1

 

 

(N°25.) ANNULATION, sur le pourvoi du Commissaire de police remplissant les fonctions du ministère public près le Tribunal de simple police de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, d'un jugement rendu par ce Tribunal , le 25 octobre dernier, en faveur des nommés Faye, Bernard, Cohendy, Pageix et autres.

 

Du 31 Janvier 1833

 

Les faits de la cause ; et les motifs qui ont déterminé la Cour à prononcer cette annulation sont suffisamment expliqués dans l'arrêt dont la teneur suit :

 

Ouï le rapport fait par M. de Crouseilhes, conseiller, et les conclusions de M. Parant, avocat général ;

Vu l'arrêté du maire de Clermont-Ferrand, portant règlement pour les bans de vendange, à la date du 3 octobre 1832 ;

Vu l'article 475 du Code pénal, paragraphe 1er ;

Attendu que le règlement dont il s'agit dans l'espèce portait à l'un des objets confiés à l'autorité municipale, et formellement rappelé par l'article 475, paragraphe 1er du Code pénal ;

Attendu que d'après les termes de l'arrêté et la délibération du conseil municipal qui lui sert de base, il est facultatif de vendanger la veille des jours indiqués pour chaque territoire, et que le samedi est considéré comme la veille du lundi ;

Attendu que c'est seulement relativement au lundi que l'on dispose dans cet arrêté que l'avant-veille sera considérée comme la veille ; que cette disposition tout exceptionnelle ne peut être étendue au-delà de ces termes ; en telle sorte que pour les autres jours de la semaine l'avant-veille soit considérée comme la veille ; et attendu qu'il est reconnu et constaté que les inculpés avaient vendangé le dimanche dans un territoire qui, d'après le règlement, devait être vendangé le mardi ;

Attendu que lesdits inculpés ont été renvoyés de la plainte, sur le motif qu'ils avaient pu vendanger le dimanche avant-veille du mardi ; par la même raison qui avait fait permettre de considérer le samedi comme veille du lundi ;

Et attendu, dès lors, que ce jugement a méconnu les dispositions du règlement du 3 octobre ; qu'en ne prononçant point contre les contrevenants la peine portée par l'article 475, paragraphe 1er, du Code pénal, il a violé cet article ;

Par ces motifs, LA COUR casse le jugement du tribunal de police de Clermont-Ferrand, en date du 25 octobre 1832 ;

Et pour être statué, conformément à la loi, sur les faits résultant du procès-verbal du 14 octobre dernier, renvoie la cause et les inculpés, Michel Faye, Jean Bernard, Guillaume Cohendy, Jean Cohendy, Jacques Pageix vieux, Jacques Pageix jeune et Costes par devant le tribunal de police de Montferrand :

Ordonne, &c. – Fait et prononcé, &c. --Chambre criminelle.

 

Nota. LA COUR a rendu a la même audience, et sur le pourvoi du même commissaire de police, un second arrêt qui casse par les mêmes motifs, le jugement rendu le même jour, 25 octobre 1832, par le tribunal de simple police de Clermont-Ferrand, en faveur des nommés Daury, Tartarat, Jargaille, Renard, Bayse, Bayeron, Bonnefoy, Rabassy et Falateux (Falateuf).

5- Les festivités liées à la vigne

 

Dans son ouvrage déjà cité, mon grand oncle Joseph Pageix regrettait la disparition à Beaumont de la coutume des processions, « cet acte de foi solennel de tout un village » qui mobilisait les habitants des deux anciennes paroisses (Saint Pierre et Notre Dame de la rivière, qui avaient conservé leurs rites propres). Ces processions étaient l'objet de minutieux préparatifs qui impliquaient les bailes des confréries visées et les fabriciens (autrefois luminiers) des deux églises. Joseph Pageix évoquait notamment la procession de Saint Verny en ces termes (9) :

 

"Processions de Saint Verny, patron des vignerons, le dimanche suivant immédiatement le 20 Mai, date à laquelle tout bon disciple du Saint ne devait plus avoir un lien d'osier à faire à ses vignes. Il n'était pas toujours facile d'être exact à ce terme, surtout quand la saison avait été rude, à cette époque où pas un seul échalas ne passait l'hiver planté dans la terre. Nos pères l'arrachaient quand les premières gelées avaient dépouillé la vigne de ses feuilles. Ils le rassemblaient soigneusement en baues (10), où il serait à l'abri de l'humidité et de la pourriture, et le replanteraient au printemps. Et il était de coutume de dire que, de la croix qui lui était dédiée au terroir de la Penderie*, où l'on portait sa statue enguirlandée de magnifiques pampres verts, Saint Verny embrassant d'un coup d'œil tout son domaine voyait toutes les baues encore debout des retardataires, et ne manquait pas de mettre ceux-ci à l'amende.

 

Mais, comme il était bon Saint, et qu'il connaissait fort bien les choses de la terre - car la légende locale nous apprend qu'avant que le bon Dieu l'appelât au rang qu'il occupe dans son Paradis, Saint Verny était tout simplement un brave homme de vigneron qui avait saintement accompli sa tâche journalière tout au long de sa vie - donc, comme il connaissait bien les choses de la terre, comme il avait sans doute lui-même senti se réveiller ses douleurs quand, le fesoul pointu à la main, le dos courbé vers la terre, il recevait sans broncher les giboulées de Mars et d'Avril; comme il avait éprouvé aussi que, ayant planté l'échalas des semaines durant, alors que n'existait pas le sabot à crochet, ses mains calleuses garnies d'échardes et striées de crevasses saignantes n'étaient guère agiles à tourner les liens d'osier; comme il savait tout cela, il paraît qu'il accordait sans trop se faire prier un délai de huit jours aux retardataires.

 

"Ne croyez-vous pas, bon Saint Verny, qu'il est préférable pour vous de ne plus sortir de votre église Saint Pierre où vous parviennent à peine les bruits et le langage du dehors que vous ne reconnaîtriez plus pour ceux qui vous étaient familiers? Que diriez-vous si l'on vous promenait à nouveau sur les sentiers de votre jeunesse? Arrivant au sommet de votre coteau de la Penderie*, quel coup recevriez-vous au cœur en ne voyant plus votre croix! Lorsque revenu de cette émotion, vous ouvririez les yeux pour inspecter comme autrefois votre apanage:

 

"Ciel, diriez-vous, pas une seule baue! Tout est échalassé alentour; c'est bien, mais, là-bas, que manque-t-il que j'avais coutume de voir? Ah! mes noyers, mes grands arbres, mes vergers fleuris! Et plus loin qu'est-ce donc? On dirait des blés murs! Des blés! À la cime de la côte des Cheix de Chaumontel et de Champblanc**! Et des blés murs en cette saison! Et les vignes alors que sont-elles devenues? C'est impossible: ce doit être quelque nouvelle culture d'invention diabolique! Vite, rentrons, je ne reconnais plus mon horizon". Oui, rentrons, bon Saint Verny, car si quelqu'un vous chuchotait à l'oreille que maintenant on taille aussi bien en Novembre qu'en Mars avec un outil appelé sécateur qui ne ressemble point du tout à votre serpe; que la joie que vous avez ressentie tout à l'heure en ne voyant pas une baue à l'horizon était due non pas à ce que le vigneron  est plus vaillant qu'en votre temps, mais bien à ce qu'il ne déchalasse plus en hiver, et se contente au printemps d'enfoncer un peu plus chaque année l'échalas dans la terre jusqu'à ce qu'il disparaisse presque en entier; que l'on promène à travers les vignes des chevaux traînant quelque infernale machine de fer en jurant et sacrant à chaque échalas brisé; que l'on peint les vignes en vert pendant l'été ***; qu'on les arrache pour ne plus les replanter; que, ce que votre vue devenue basse vous donnait l'illusion d'être du blé mur au mois de Mai, est tout simplement du vigoureux chiendent dont les pousses successives sèchent là depuis des années; que les caves où vous aimiez sans doute à aller boire la tassée chez tel ou tel de vos vieux camarades, sont en partie vides de leurs jolies rangées de pièces sur lesquelles, en passant, vous ne manquiez pas de frapper deux petits coups avec le doigt replié, pour juger de leur état intérieur, comme fait le médecin qui ausculte un malade; que dans quelques années, vous n'aurez plus de raison d'être, car il n'y aura plus ni vignes ni vignerons dans votre cher Beaumont devenu faubourg d'une grande ville industrielle; si l'on vous disait tout cela et bien d'autres choses encore, vous mourriez à nouveau, mais de chagrin cette fois".

    

(*) Terroir le plus élevé de la commune situé à l’extrémité ouest de la rue Nationale. L’origine de ce terme est une appendaria, petite exploitation avec bâtiments, jardin et parcelles de culture (cf G.Fournier « Le peuplement rural en Basse-Auvergne durant le Haut Moyen Âge) .

(**)Terroir situé au sud de la commune, sur les premières pentes de montrognon.

(***) Le sulfatage.

 

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 Procession de la Saint Verny. L'une des nombreuses vignettes dessinées par Marcelle Russias pour illustrer le récit de Joseph Pageix. Marcelle Marguerite Jeanne Baptistine Russias naquit à Beaumont en 1902. Elle était la fille de Pierre Russias, épicier à Beaumont et de Marie Fauverteix.

 

Joseph Pageix évoquait aussi, avec la même nostalgie, les banquets de la Saint Verny:

 

"Quand  le gros travail de printemps était terminé, les vignes échalassées, le sol écorché, d'abord au fesoul pointu-que le progrès devait remplacer plus tard par le fesoul à cornes-puis nettoyé pour de bon au fesoul plat, les prés bien abreuvés, toutes les semences en terre nos vieux vignerons avaient l'habitude de fêter leur saint patron, non seulement en une solennité religieuse pieusement célébrée, mais encore en de formidables banquets: les banqquets de la Saint Verny. Au jour convenu, ils se réunissaient par quartiers et dressaient de longues files de tables de fortune en plain air, à même la rue.

 

Certes, ces festins n'avaient rien de commun avec nos cérémonieux dîners modernes: On ne connaissaient point l'étiquette, cette belle invention qui met comme un carcan sur les épaules des gens de laterre, quand d'aventure une circonstance les oblige à aller à quelque cérémonie dans le monde, eux, habitués à se mettre à l'aise dans le travail, et n'ayant jamais su faire des corbettes que le fesoul en mains devant leurs ceps de vigne. L'étiquette, qui veut que vous vous teniez à table les coudes au corps comme à la parade; que vous avaliez votre soupe - non, votre consommé - en évitant soigneusement la bruyante aspiration pourtant si commode que l'on entend à la table du paysan, que vous vous gardiez bien surtout de faire un "chabrot", ce régal du vigneron, qui consiste à arroser largement de bon vin son bouillon. L'étiquette qui vous oblige à parler bas à votre voisin que l'on impose sous prétexte de faire connaissance, et que n'intéressent point les choses de la terre; à sourire entre vos dents, car le rire est défendu; à boire à petites gorgées, sous peine de passer pour un goujat, le vin dont on a parcimonieusement couvert le fond de votre verre, pour laisser sans doute la place à l'eau qu'il est de bon ton d'y ajouter, etc, etc...L'étiquette qui en un mot vous coupe radicalement l'appétit et la gaîté. Ah non! Elle n'avait pas cours au banquet de la Saint Verny! Le verre était plein et large était la rasade, et les langues déliées, et le rire franc, et robuste l'appétit. En guise de cavalière, chaque convive s'approchait de la table en donnant le bras à un énorme bousset; un autre à un panier de vieilles bouteilles semblables en leur robe de bourre à de vénérables douairières en costume de velours. En guise de révérence, c'étaient de solides poignées de mains à faire évanouir de douleur nos pâles mondains d'aujourd'hui, et de formidables tapes d'amitié sur les épaules; et l'on se plaçait à la bonne franquette: on se connaissait tous si bien! Et l'on se comprenait de même. On trinquait à tout propos, et le choc des verres, le claquement des langues indispensable pour bien apprécier le vin, le bruit des fourchettes, celui des conversations et des rires vous faisaient une joyeuse musique traduisant la bonne humeur de tous.

 

Et quand chacun avait vidé pas mal de ces vieux pichets de bois cerclés de cuivre qui marquaient aussi bien que les carafes de cristal; quand de puissantes voix avaient longuement fait trembler les vitres voisines avec de gaillardes chansons, quand tous avaient consciencieusement avalé, en guise de liqueur de marque, un "canard" tiré de quelque vieille bouteille d'eau de vie ayant peut-être vingt ans de grenier - témoins ses nombreuses brisques de toiles d'araignée - alors on songeait à se séparer, le corps bien lesté, prêt pour le rudes coups de collier du lendemain, et l'âme toute ensoleillée par cette soirée de franche amitié"

           

« Si un convive, un peu moins résistant, éprouvait quelque difficulté à se lever de son banc, et après avoir réfléchi un moment sur la direction à prendre, tachait de regagner sa demeure en cherchant quelque peu l’appui des murailles, personne ne songeait à s’en offusquer, pas même le bon Saint Verny qui du haut du ciel devait plutôt considérer d’un œil attendri ce fidèle conservateur des antiques traditions ; pas même le Bon Dieu contre qui on aurait pu invoquer le grief d’avoir créé si bon le vin de Beaumont, et le vigneron si amoureux de sa vigne et de son produit. Du reste, je ne sache pas qu’en aucun des quatre saints Evangiles, il se puisse découvrir le moindre passage dans lequel Notre Seigneur ordonne de « baptiser » le jus de la vigne. On l’y voit changer l’eau claire en vin bel et bon, mais de vin bel et bon en faire de l’eau rougie : jamais ! Ce qui prouve amplement que si tel il l’a créé c’est pour que tel il soit bu ; et c’était bien ainsi que le comprenaient nos aïeux. Le dernier banquet de la Saint Verny eut lieu en 1869. Celui de 1870 dont les préparatifs étaient faits fut empêché par la déclaration de guerre (*)".

 

 

Menu du banquet de la Saint Verny du 10 juin 1906 écrit et illustré par mon grand père Pierre Pageix. 

 

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                            ( Coll. J. Pageix)

Menu du banquet de la Saint-Verny du 10 juin 1906

écrit et illustré par mon grand père Pierre Pageix-Cromarias. 

(*): Je pense que les banquets de la Saint Verny se perpétuèrent, peut-être sous une forme plus modeste. Le menu du 10 juin 1906 dessiné par mon grand père Pierre Pageix (le frère de Joseph et d'Antony) l'atteste.

 

 

La visite de Napoléon III le 29 juin 1862.

 

On ne peut passer ici sous silence les festivités, brèves, mais fastueuses pour une petite ville comme Beaumont, que suscita le passage de Napoléon III, le 29 juin 1862, lors de son voyage en Auvergne. Il se rendait à Gergovie par Romagnat. Les préparatifs furent ordonnés par la mairie, après délibération municipale, pour la construction d'un arc de triomphe orné de pampres et de tonneaux, et une animation avec des danseurs de bourrée.

 

Sa calèche passa sous l'arc de triomphe et le maire, Antoine Faye, avec son adjoint Vignol, lui offrirent du vin dans un tassou en argent, cadeau de la commune de Beaumont.  Celui-ci laissera une somme de 500 francs pour les pauvres. Il y eut de nombreuses relations imprimées de ce voyage impérial (Cormier, Dousse, etc.). Je conserve le récit de cet événement, fait par mon arrière grand mère Bonnette Bardin, épouse de Jean-Baptiste Pageix, alors qu'elle était à l'école des sœurs de Gerzat.

 

 

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L'Empereur, en uniforme, dans sa calèche, reçoit le tassou d'argent

que lui remplit le Maire.

On reconnaîtra à ses côtés son Ministre Rouher, auvergnat comme on le sait, et le Duc de Morny, qui avait des intérêts en Auvergne (sucrerie de Bourdon, etc.)

6-Un peu d'humour en guise de conclusion...Du bandier au garde champêtre

 

Au Moyen Âge et au XVIe siècle, pour les assister dans leurs fonctions, les élus étaient entourés d'agents rémunérés. Celui qui semble avoir tenu un rôle d'homme à tout faire -au moins à leurs yeux- était le bandier, ou gastier. Au moment des vendanges, sa tâche essentielle était de garder les vignes afin d'en éloigner les prédateurs de toutes plumes et ... de tous poils...

 

Ainsi, les élus de 1502, Jacques Mège dit Lhonard et Anthoine de Mezes dit Grasset recrutèrent un tel bandier ou gastier pour surveiller les blés, vignes et arbres fruitier. Le choix se porta sur Jehan Marsent (ou Marsant), dont les gages furent fixés pour l'année à 6 livres tournois.

 

Ce bandier, qui peut être comparé au garde champêtre de nos villages, était désigné comme "le serviteur des élus"; c'est peut-être pour cela que ceux-ci lui octroyaient des gratifications supplémentaires, comme ce fut le cas en 1502 où il reçut vingt sous de plus pour ses services de l'année, car il avait œuvré "pour le bien commun et pour la cause des maulx que l'on fesoit pour la pardicion des blés, vignes et des fruictz". Le bandier veillait aussi au bon déroulement des vendanges et, lorsque les élus estimaient qu'il convenait de renforcer la surveillance des pampres arrivés à maturité, ils allaient recruter d'autres bandiers dans les paroisses voisines. Ainsi, en 1527, alors que les vendanges "acommensarent par pans, le lundi 21 octobre", les élus allèrent chercher les "bandiers de Chamalhere et les trouvarent dans le treulh et cuvaige du Chappitre". Ils leurs demandèrent leurs tarifs, et il s'ensuivit un marchandage quelque peu sordide: 10 livres, 5 livres, puis 50 sous, et enfin 35, qu'ils déclarèrent être leur dernier prix! Finalement, les élus ne voulant pas leur donner plus de 30 sous, chacun se cantonna sur ses positions! Rentrés bredouilles à Beaumont, les élus firent leur rapport aux habitants. Ceux-ci les dépêchèrent aussitôt "devers Romaignihat pour les avoir". Heureusement, pour les élus, les bandiers de Romagnat, qu'ils trouvèrent derrière Montrognon, se firent moins prier et acceptèrent d'être recrutés pour 20 sous seulement!

 

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Les registres des délibérations municipales tenues à l'époque de la Révolution, que j'ai entièrement transcrits, contiennent eux-aussi des passages assez cocasses à propos des gardes champêtres:

 

==>Le 7 mars 1790, le conseil général se réunit à la réquisition du procureur de la commune "qui a dit que plusieurs particuliers de ce lieu lui ont porté des plaintes sur le dommage causé par les troupeaux de mouton tant dans les vergers que dans les vignes, qu'il seroit en conséquence nécessaire qu'il fut interdit aux propriétaires de ne plus les y mener en quelque saison de l'année que ce soit même les bœufs et les vaches dans les vergers clos; et qu'il soit nommé un garde qui soit autorisé à prendre les dits bestiaux trouvés dans les dits vergers et vignes, auquel garde il soit payé un gage.

"Le procureur de la commune (Pierre Goughon, notaire), a aussi requis qu'il soit fait défense à tout particulier de ce lieu de laver dans le bac de la fontaine de la place aucun linge, choux, ni autres choses et d'autoriser un particulier à y veiller.

"Sur quoi le conseil général intimement convaincu de la vérité de l'exposé ci-dessus a unanimement nommé pour veiller à la conservation des héritages, et pour qu'aucun particulier n'y mène des moutons, brebis, chèvres et autres bêtes en aucune saison de l'année, la personne d'Antoine Georget huissier de l'endroit, y habitant, lequel sera tenu d'y veiller soigneusement, de saisir ou dresser procès-verbal des contraventions qui pourront être commises à cet égard.

"Et pour tenir lieu de salaire au dit Georget, il lui sera payé sur les revenus communaux de ce lieu la somme de huit livres par mois à compter du jour qu'il entrera en fonction, indépendamment des amendes qui pourront être prononcées pour raison de prises de bestiaux qu'il fera et qui lui appartiendront.

"Il a été aussi d'une voix unanime décidé que le dit Georget sera suivi et accompagné dans ses tournées ordinaires par deux habitants chaque jour et à cet effet sera remis au dit Georget un tableau contenant les noms et le nombre des particuliers qui devront l'assister et qu'il sera tenu de prévenir la veille du jour que deux de chacun des dits particuliers devront garder".

Antoine Georget, convoqué dans l'instant, a prêté serment, tout en réclamant les salaires qui lui sont dus car il assure ces fonctions depuis déjà six semaines.

Sur le deuxième point évoqué par le procureur, il fut arrêté "qu'aucun particulier ne pourra laver aucune espèce de linge ni herbage dans le bac de la fontaine de ce lieu et pour veiller tant à cela qu'à la propreté de l'eau du dit bac et de l'entour de la fontaine, le corps municipal a nommé la personne de Jean Vergnette voisin de la dite fontaine auquel il sera payé la somme de quinze livres annuellement qui sera également prise sur les deniers communs de ce lieu"

Jean Vergnette, également convoqué, "a déclaré qu'il veilleroit avec la plus grande attention à la propreté du dit bac et à ce qu'aucune femme fille ni autre personne n'y aille laver"!...

==>Ce "dispositif" un peu trop sophistiqué ne semble pas avoir persisté, car le 30 décembre 1792, le conseil général de la commune, sous la présidence du maire Étienne Pageix, se réunit à la requête du procureur Pierre Goughon qui rapporte qu'en l'absence du garde champêtre, "un grand nombre de particuliers mènent indifféremment dans les héritages des uns et des autres des brebis, chèvres et vaches dans les prés vergers et dans les vignes; que les animaux y causent un dégât irréparable, en broutant l'écorce des jeunes arbres et en cassant les échalas et font un tort considérable. Ces abus encore tolérés deviendroient d'autant plus abusifs qu'il seroit difficile de les contenir et d'arrêter leur progrès".

Le citoyen Truchaud, citoyen habitant de la ville de Clermont, se présentant pour remplir les fonctions de garde "fonctions qu'il a rempli sans reproches", le conseil l'a nommé garde messier avec appointements annuel de 220 livres. De plus, "il sera logé dans une petite chambre à plein pied de la cour de la cy devant abbaye à droite en entrant". Le montant des amendes encourues fut ensuite fixé par un arrêté de police: 20 sous pour tout particulier qui aura fait paître ses animaux dans les prés vergers terres semées et vignes; pour toute bête trouvée et saisie dans tout autre héritage que celui des propriétaire des bêtes, pour les vaches 10 sous par tête, pour les chèvres 20 sous, et pour les brebis et moutons 5 sous aussi par tête et le double en cas de récidive, le tout indépendamment des dédommagements dus aux propriétaires.

Ainsi, on pourrait penser que de nombreux beaumontois, dans l'enthousiasme des libertés nouvelles apportées par la Révolution, se crurent autorisés à commettre de tels actes d'incivisme...

 

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Au XIXe siècle, la commune embaucha un garde champêtre (11). La loi ne pesait pas toujours uniquement sur nos vignerons, si l'on en juge par cette situation pour le moins cocasse où le garde-champêtre de Beaumont fut lui-même pris en défaut: c'était bien sûr pour une toute autre raison, bien expliquée dans le compte rendu de la séance du conseil municipal du 31 mars 1871 où il est indiqué qu' «à la suite des vendanges (donc celles de 1870), le garde-champêtre a fait une quête de vin à son profit. Cette manœuvre constitue un abus immoral entravant la liberté de ses fonctions». Du coup, que fit-on pour prévenir de futurs abus? On augmenta son traitement "qui passa de 450 à 550 francs, payables le 31 décembre de chaque année"! On peut comprendre la clémence du conseil municipal, car la faute était somme-toute assez vénielle et l'on remarquera que la date coïncidait à quelque chose près avec la fin de cette malheureuse guerre franco-prussienne...

 

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Vignerons de Chamalières au début du XIXe siècle.

Noter la berte, le fessou, le bousset ou barlet et le chapeau...

(lithographie de Bour pub. Par Talbot à Clermont-Fd. coll. Pers.)

 

On ne peut clore cette évocation du vignoble beaumontois, qui constitua durant des siècles la source de revenu principale de nos ancêtres vignerons, sans dire un mot du phylloxéra. Ce maudit parasite, en provenance des États-Unis, débarqua en France vers 1870 et ne fut bien présent en Auvergne qu'à partir de 1890. Pour le combattre, après arrachage des ceps atteints, il fallu les remplacer par des plans...américains, sur lesquels on greffa des cepages résistants.

On créa un comité départemental du Puy-de-Dôme d'Études de Vigilance contre le Phylloxéra qui organisa dans les communes viticoles des écoles de greffage, et un diplôme de greffeur était délivré à l'issue d'un examen.

Voici le diplôme de greffeur décerné le 3 avril 1892 à Alexandre Bouchet (le futur général de division aérienne...), cousin de mon grand père Pierre Pageix, par le "Comité départemental du Puy-de-Dôme d'Étude de Vigilance contre le Phylloxéra". Le Directeur de l'école était Bertrandon et le Maire Bayeron.

 

 

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Photo du document communiquée par son petit fils le colonel Antoine Bouchet.

 

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Mon grand oncle, Joseph Pageix, évoquait dans son ouvrage déjà cité la préparation des vendanges, qui commençait avec les bouviers de la montagne, qui venaient avec leurs attelages pour transporter la vendange. Chacun d'eux avait à Beaumont son vigneron attitré, son "maître" ou "chalonge", à qui il offrait chaque année ses services.

On appréciera au passage la verve et l'humour de Joseph Pageix, qui décrivait ainsi la rencontre entre l'un de ces voituriers et son employeur:

 

"Ils prolongeaient volontiers cette petite station chez chacun de leurs chalonges, car, tout le monde sait bien qu'autrefois le vin était de luxe à la montagne, la boisson habituelle étant le « petit lait ». Il ne leur déplaisait pas de venir ainsi de temps en temps se rougir un peu la conscience avec le contenu d'un pichet cerclé de cuivre, qui ne faisait que gravir et descendre les degrés de la cave en leur honneur. « Buva nin, nin büri beïo pas demô » (buvez-en, vous n'en boirez peut être pas demain), disait le chalonge en versant à ras bords.

"Eux, en riant, se laissait faire. Ils détournaient à demi la tête quand leur hôte saisissait le pichet, et tout à coup, - quand le verre était plein, - levant la main, ils faisaient mine de protester : « Tche tche tche ! Certas frère ! Rassas ! Veze be que voüli me fère fiurlà ; ène ô lô voutrô » (Certes, frère, assez ! Vous voyez que vous me faite soûler ; à la vôtre), disaient-ils d'un air résigné.

"Ils buvaient sec, tant et si bien que certains, le soir venu, songeant malgré tout à regagner leur village, mais voyant trente-six têtes à leur cheval, étaient incapables de trouver la bonne pour lui passer la bride, et s'obstinaient à présenter le mors aux barreaux du râtelier. Les bras levés, se pointant sur leurs sabots, balançant, soufflant, ils se fatiguaient vite à cette fausse manœuvre, et, de guerre lasse, se laissant doucement couler sur la paille de l'étable, ronflant bientôt à poings fermés, ils s'en remettaient à cette sagesse de la Providence pour la question de leur retour".

 

Plus loin, il évoque "la loue": ainsi désignait-on l'embauche de la main d'œuvre nécessaire aux vendanges. Bien avant jour, les vignerons se rassemblaient sur la place du village où se pressaient déjà tous les bouviers venus de la montagne pour se louer:

 

"Dès trois heures du matin, l'Angélus, suivi de la sonnerie de la grosse cloche à toute volée, se chargeait de réveiller les dormeurs les plus endurcis en annonçant la « loue ». C'est à ce signal que se rassemblait sur la place de l'église une foule de montagnards venus de tous les coins du département, et même des départements voisins. Ils étaient partis, la veille ou l'avant-veille, à pied, par bandes joyeuses, vidant les hameaux, n'y laissant que le personnel indispensable aux soins du bétail.

"Leurs sabots ferraillant sur les cailloux du chemin, marquaient la cadence des chansons qui les entraînaient dans leur marche, leur faisant oublier la distance et la fatigue. Ils portaient dans le panier un léger bagage, tout juste de quoi se changer quand ils rentreraient trempés par la pluie. Et ce qui les attirait ainsi dans le pays vignoble, c'était moins l'appât des quelques pièces d'argent qu'ils serreraient au retour dans le « bas de laine » que la gourmandise du raisin, eux privés de fruits en toute saison.

"Beaucoup avaient, comme les bouviers, leurs maisons attitrées et retrouvaient dans un coin de la « fenière » leur lit de l'année précédente.

"Quelques maisons hospitalières ouvraient aux autres les portes de leurs granges. Mais un grand nombre – les hommes surtout – n'attendaient pas, pour se rendre sur la place, que sonnât l'Angelus. Ils étaient là, dans le noir de la nuit, serrés contre les murs à l'abri du vent, formant des petits groupes où se discutaient les prix qu'ils allaient demander, s'interrompant parfois pour « battre une semelle » endiablée afin de vaincre le froid qui les engourdissait. Quand la place commençait à se peupler et que paraissait un vigneron muni de sa lanterne, il était aussitôt entouré.

"S'adressant à la première personne qu'éclairait son rayon de lumière:

- « Combe voulez-vous gagna drolô ? » (Combien voulez-vous gagner, drole?);

- « Trentô sus, mas seis pas tôt surlô, seins quatre do mémô violadze...Che voulez nous pregne tutas nus arrandzôrins beyo be ! » (Trente sous, mais je ne suis pas tout seul, nous sommes quatre du même village...Si vous voulez nous prendre tous, nous nous arrangerons bien);

"Lui, tout en discutant, promenait sans façon son falot sous le nez de chacune afin de juger de leur mine.

- « Seis be in pô veillô vous ! »(Vous ne seriez pas un peu vieille, vous?);

- « Et vous, seis pas vieux grand chimple ! » (Et vous, n'êtes vous pas un vieux grand simple?);

- « Sabez vindegna au moins ? » (Savez-vous vendanger au moins?);

- « Pregna me ô l'issayô, zu virez be. » (Prenez-moi à l'essai, vous verrez bien);

- « Té ! Tï nin nô dzunô que me convèndiôt be ! (Tiens, voilà une jeune qui me conviendrait bien);

- « Eh be, pregna me, ma seis môridadô, faut pregne me n'homme pô pourta l'hotô. » (Eh bien, prenez-moi, je suis mariée, il faut prendre mon homme pour porter la hotte);

- « Certas ! - disait l'homme en question, - ma que me bouéyez bure de bounnô tizanô, foré be voutrô bezugnô. » (Certes, pourvu que vous donniez à boire du bon vin, je ferai bien votre besogne);

- « Seis be in pau n'haut pô vuida lus pôners ! » (Vous êtes bien un peu grand pour vider les paniers);

- « Ma, me côtôrai be in peti pau. » (Mais je me baisserai bien un petit peu);

- « Eh ne ! Bouèye viengt'ô chinq sus mi las fennas et trentô sus mi le bôrtère, che cou vous convait segua me. » (Et je donne vingt-cinq sous aux femmes et trente aux bertiers, si cela vous convient suivez-moi);

- « Eh be ! Coui n'ôffouère tssobôdô. » (Eh bien, c'est une affaire finie);

"Et ils suivaient la lanterne jusqu'à la maison où, par précaution, ouvrant la porte du cuvage, le maître leur disait, sans paraître le moins du monde y attacher de l'importance, - mais il avait son idée - : « Eh be ! In pitant lô soupô posa tï voutri pôners » (En attendant la soupe, posez là vos paniers) , et il donnait un tour de clef. Car, il lui était arrivé plus d'une fois de se trouver bien attrapé pour avoir négligé cette simple mesure de prudence. Certains, en effet, que n'embarassaient pas précisément les scrupules, à qui l'on n'avait pas eu l'idée de faire laisser là leur bagage, se dépêchaient de retourner sur la place offrir à nouveau leurs services, et n'hésitaient pas à planter là leur premier maître pour suivre celui qui leur offrait seulement deux sous de plus.

"Et allez donc les reconnaître, quand vous avez à peine vu le bout de leur nez sous le rayon fumeux d'une lanterne !

 

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7-Notes

 

(1) : Dîmes : à Beaumont, la grange des dîmes était située à l'extrémité Est de la rue du 11 novembre (ancienne rue des Granges) . Toutefois, les vendanges faites sur les territoires relevant directement de l'abbaye devait être convoyées vers les vastes cuvages du monastère (la réserve seigneuriale, pour ce qui concerne les vignes, était située sur les terroirs de Chamblanc, etc figurant sur le plan ).

 

(2): Fonds de l'abbaye de Beaumont, 50H3, registre de justice de 1499 à 1510, F°5v° et 6 r°.  

 

(3) : Extrait de "Une communauté urbaine au XVIe siècle, Beaumont-lès-Clermont-Droits seigneuriaux et libertés municipales", Jacques Pageix, 1992.

 

(4): Registres des délibérations municipales, Mairie de Beaumont.

 

(5) : «Beaumont », par Joseph Pageix, paru à partir de 1925 dans le bulletin paroissial et relié par ses soins en un ouvrage de 75 pages. J'ai entrepris sa réédition en y ajoutant un chapitre resté manuscrit (consacré à la culture et au traitement du chanvre) en l'illustrant de ses propres photos et des croquis de Marcelle Russias. Beaucoup de chapitres sont consacrés à la vigne et aux activités qui lui étaient liées (la loue, les vendanges, la vinification, le vin de paille, le marc, etc.)

 

(6) : Fonds de l'abbaye de Beaumont, registre d’enquête de 1494, 50H38.

 

(7) : Voir les transactions entre le seigneur d'Aubière et les habitants.Pierre-F. Fournier et Antoine Vergnette. Les droits seigneuriaux à Aubière in Revue d'Auvergne Tome 42-N°1, 1928.

 

(8):Fonds de l'abbaye de Beaumont, 50H1 et 2, registre de justice de 1383 à 1474.

 

(9): Voir: "Saint Verny patron des vignerons en Auvergne" par Pierre-François Aleil, in Mémoires de l'Académie de Clermont-Fd, tome XLVIII, 1982, et "Le culte de Sant-Verny en Auvergne" par Gwenaëlle Gayet, 2008.

 

(10): Les baues: J'ignore l'origine étymologique de ce terme; toutefois, sa signification est claire: on la trouve dans l'ouvrage intitulé "Sur la viticulture et la vinification du département du Puy-de-Dôme. Rapport à son excellence M. Rouher, ministre de l'agriculture du commerce et des travaux publics", par le docteur Jules Guyot (in 8 broché de 88 pages A, à Paris, à l'imprimerie Impériale, 1863).

 

Extrait de la page 42: "Dans les grands vignobles du Puy-de-Dôme, on emploie, par hectare, au moins 20 000 échalas de 2m à 2 m, 35 de longueur, en saule, peuplier et sapin. Ces échalas coûtent de 30 à 50 francs le mille, en moyenne 40 francs; ce qui constitue une avance de 800 francs et un entretien  d'au moins 1/8, c'est à dire de 100 francs par an et par hectare. L'arrachage annuel des échalas et leur mise en meule, le renouvellement de leur pointe chaque année, leur mise en place à chaque printemps et leur assemblage par un lien d'osier à leur sommet, constituent des dépenses et un emploi du temps considérables".

 

(11) : Au début des années 50, la commune de Beaumont disposait encore d'un garde champêtre qui exerçait aussi les fonctions de crieur public. Je me souviens de ce grand type à moustaches coiffé d'un képi aux armes de la ville: ses "avisse à la population!" étaient ponctués par de formidables roulements de tambour !

 

8 Quelques vieilles photos:

Paysages et objets...

 

8-1 Les vignes des Rivaux.

 

On aperçoit une tonne et un cheval près de sa charette. On distingue les Côtes de Clermont en arrière-plan à gauche de la photo.

 

photo7lesrivaux

 

Tirage papier et montage photographique de Joseph Pageix (vers 1895).On appréciera le charme bucolique de cette photo prise probablement en été; on y respire le calme et la sérénité. Admirons ces rangés de ceps parfaitement alignés, avec ici et là quelques arbres fruitiers (pêcher, cerisiers, amandiers, etc)

 

8-2 Panorama des Liondards.

 

 

 photo8liondars1.JPG    

 

 

 

 photo9liondars2.JPG

                  

 

 

 photo10liondars3

 

 

 

  photo11liondars4-copie-1.JPG

 

 

Le chemin de fer serpente entre les vignes qui couvrent toute la pente jusqu'aux portes de Clermont. Au premier plan: des vignes appartenant à mon arrière grand père Jean-Baptiste Pageix-Bardin.

 

Ces quatre photos sont des tirages sur papier réalisés par contact direct des négatifs (plaques de verre) des photos prises vers 1900 par mon grand oncle Joseph Pageix. On reconnaît d'ouest en est : Montaudou, le Puy de Dôme, les Côtes de Clermont. On aperçoit un groupe d'ouvriers maçons affairés à la construction d'une première maison...qui en annonce bien d'autres.

 

8-3 Photos Joseph Pageix

 

photo12vendanges

 

Un bel alignement de bacholles...Les vendanges d'Antony Pageix-Gay (vers 1920).

 

      photo13greffe

 

Préparation des greffons en 1901.

A gauche, en cravate, mon grand père Pierre Pageix-Cromarias.

Au fond à droite : son père Jean-Baptiste Pageix-Bardin.

 

photo14greffe2-copie-1.JPG

 

Les mêmes personnages...

 

                          photo15alambic

 

Après les vendanges, on distillait le marc de raisin. Voici l'alambic qui se trouvait dans la descente du cuvage de la Place d'Armes, chez mon arrière grand père Jean-Baptiste Pageix Bardin. Il aurait été réquisitionné pour l'utilisation du cuivre propre à la fabrication des douilles lors de la guerre de 1914-1918. La qualité de bouilleur de cru s'éteignit avec mon grand père.

 

9-Quelques vieux objets:

 

 

                              photo16.JPG

 

9-1 Ces vieux outils et autres ustensiles viticoles sont pieusement conservés: Un pot en bois de châtaignier cerclé (un pot équivalait à 15 litres). Coll. Jacques Pageix.

 

                   photo17pldarm1.jpg

 

Sur cette vieille photo (prise vers 1899 à la Place d'Armes par Joseph Pageix),

Antony Pageix, alors au service militaire, converse avec le docteur Bataille.

On peut voir le même type de pichet d'un litre, en bois cerclé en cuivre.

 

 

9-2 Deux serpes:

 

      photo18.JPG      

       

 "Blanchard à Boisséjour" (serpe à talon)         

 

 

           photo19.JPG 

       

... "Toutel à Issoire".

 

 

 

              photo20.JPG                      

 

9-3 et 4 Le tassou du pauvre et...

 

photo21-copie-1.JPG

 

                                                       le tassou du riche...                                                                         

                                           Coll. J.Pageix

 

A vrai dire, ces deux taste-vin appartenaient l'un à mon arrière grand père Jean-Baptiste (P B = Pageix-Bardin, 1898) et l'autre à mon grand père Pierre Pageix-Cromarias. Pour les vignerons politiquement un peu à droite, le fond de leur tassou était fait d'un écu d'argent de 6 livres (ici à l'effigie de Louis XVI), alors que pour ceux qui étaient un peu à gauche, le fond était une pièce de 5 franc à l'emblème républicain...C'est du moins ce que me racontait mon grand père...

 

9-5 Une épiarle (en buis): ce petit robinet primitif était enfoncé dans le flanc du tonneau pour goûter le vin sans avoir à placer un robinet.

 

 photo23epiarle3.JPG     

 

 

photo22epiarle1.JPG

Coll.J.Pageix

 

9-6 et 7 Un bousset (monoxyle) très ancien et un bousset plus récent:

 

  photo24.JPG     

 

photo25.JPG

 

(Coll. J. Pageix)

 

9-8 Un fer à marquer les tonneaux, portant les initiales I . P (Iacques Pageix) inscrites dans un cœur, datant probablement du XVIIe siècle. On rapprochera ces initiales dans ce cœur de la figure gravée dans le manteau en bois d'une cheminée de l'ancienne mairie de Beaumont, rue Barnier...Je pense qu'un manche en bois (qui a disparu) devait isoler de la chaleur!

 

  photo26.JPG

 

9-9 et 9-10 Une tarière pour percer les bondes et un outil pour enfoncer les cercles des tonneaux:

 

 photo27-copie-1.JPG

 

 

photos28.JPG

 

Coll. J. Pageix

 

9-11 On retrouve le dessin d'une serpe à talon tranchant sur une pierre tombale située à l'entrée de l'église de Notre-Dame de la Rivière. Il s'agit de celle des Védry, famille de viticulteurs beaumontois.

 

 tombeauvedry

 

 

 

Védry

 

 

Voici une photo prise en 1972 et un relevé fait par mes soins à la même époque. 

 

 

Cet acte de décès relevé dans les registres d'état-civil de Beaumont montre que cette pierre tombale se trouvait initialement dans l'église (comme c'est le cas à Chamalières où l'on en trouve quelques unes dans la nef de l'église) et non à l'extérieur où elle fut placée plus tard.

 

DecesAntoineVedry1745.PNG

 

"L'an mil sept cents quarante cinq le cinq du mois de décembre Antoine vedry vigneron habitant de ce lieu agé de cinquante huit ans muni des sacrements de penitence  decedé le jour précedent a été inhumé dans l'église de notre Dame et dans le Tombeau de ses predecesseurs en présence de fiacre vedry et Paul Bayeron vignerons habitans de ce lieu qui ont declaré ne scavoir signer de ce enquis Artaud curé"

 

 

Jacques Pageix mai 2012 

 

Ci-dessous: "Le travail dans la cave", eau-forte de 1790 de Jean-Jacques de Boissieu (1736-1810). Coll.pers.

 

Les vendanges à Beaumont
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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 20:05

Qui sont ces personnes?

 

Dans les albums de photos de famille, la plupart des personnages photographiés sont bien identifiés et beaucoup de ces clichés viennent enrichir les articles de ce blogs.

En revanche, d'autres personnes photographiées ne le sont pas, en l'absence de légende et faute pour moi d'avoir pris autrefois la précaution de questionner mes parents à ce sujet.

Je publie donc ces photos en espérant que quelqu'un les reconnaîtra...

 

1-Les trois premières sont des photos prises probablement (mais ce n'est pas sûr) dans le Puy-de-Dôme, (ou en Lorraine : Vosges??) mon père semble avoir 19 ou 20 ans et on est en 1930:

Qui sont ces personnes? Et "À propos d'une enquête familiale"
Qui sont ces personnes? Et "À propos d'une enquête familiale"
Qui sont ces personnes? Et "À propos d'une enquête familiale"

Photo du haut: à droite mon père Paul Pageix, env. 18 ans, vers 1930. 

À gauche, peut-être Charles Bureau (oreilles collées) ? né en 1891, qui aurait donc 40 ans ce qui est plausible et Germaine née Cromarias???(Peu probable).                            

Photo du milieu: à gauche, mon père. 

Photo du bas: à droite, mon père.

 

2-Les deux autres sont prises à Metz en 1935 (avenue Foch?). Je pense qu'il s'agit de la famille Bureau-Cromarias qui habitaient au 1 rue Pasteur. Germaine exerçait peut-être toujours la profession de tailleur-plisseur dans son entreprise créée avec son père Eugène en 1931, peu avant qu'il ne décède en 1932, et Charles xerçait quant à lui celle d'ingénieur à la SALEC (Société Alsacienne et Lorraine d'Electricité à Metz) jusqu'en 1937. 

Qui sont ces personnes? Et "À propos d'une enquête familiale"
Qui sont ces personnes? Et "À propos d'une enquête familiale"

Photo du haut: X, Germaine Cromarias épouse Charles Bureau, le petit Claude Bureau (né en 1925) et Georges (né en 1918).

Je ne puis identifier le personnage à gauche. Germaine tient l'étuis de l'appareil photo. Peut-être est-ce Charles Bureau son mari qui prend la photo?

 

Photo du bas: Eugénie Labourier (+ en 1936) épouse Eugène Cromarias (+ en 1932) le petit Claude Bureau et Germaine Cromarias, épouse de Charles Bureau. Vers 1932, peut-être Avenue Foch à Metz?

 

 

 

 

J'ai réalisé ce montage à partir de plusieurs photos supposée être de Germaine Cromarias, épouse Charles Bureau, prise à 13 ans, 25 ans, 40 et 43 ans; à l'évidence, il s'agit bien de la même personne. 

 

 

3-Enfin, les autres ont été prises au Maroc.

Les clichés de cette première série (1 à 7) ont été pris à Marrakech: On y voit un couple d'une quarantaine d'années; la dame, mince, bien mise, porte curieusement des gants. Le garçon en béret semble avoir une quinzaine d'années. Elles ont été prises en hiver (1er février 1942).

1-Écrit au verso par ma mère (qui monte sur son vélo): "En route vers la piscine à (...)"

1-Écrit au verso par ma mère (qui monte sur son vélo): "En route vers la piscine à (...)"

2-"Route de Casablanca près de Marrakech" La dame inconnue qui porte curieusement des gants, Mon père et ma mère

2-"Route de Casablanca près de Marrakech" La dame inconnue qui porte curieusement des gants, Mon père et ma mère

3-"Jardin où se trouve la piscine. Au repos!" La dame, ma mère, mon père et au premier plan le jeune homme.

3-"Jardin où se trouve la piscine. Au repos!" La dame, ma mère, mon père et au premier plan le jeune homme.

4-Les mêmes.

4-Les mêmes.

5-Encore le mêmes. "La palmeraie en plein Sud".

5-Encore le mêmes. "La palmeraie en plein Sud".

6-"Devant l'hôtel à Marrakech-1er février" (l'hôtel affiche complet)...

6-"Devant l'hôtel à Marrakech-1er février" (l'hôtel affiche complet)...

7-Devant le même hôtel: de droite à gauche: la dame, son mari, le jeune homme (leur fils) et ma mère.

7-Devant le même hôtel: de droite à gauche: la dame, son mari, le jeune homme (leur fils) et ma mère.

Les  autres photos ont été prises dans un endroit noté "Beaulieu" par ma mère sur son album. Mon père se trouve en compagnie d'un homme avec des lunettes à montures épaisses, portant chapeau, et paraissant avoir environ 45 ans. 

 

 

 

1Mon père sur une chaise-longue dans une palmeraie...-

1Mon père sur une chaise-longue dans une palmeraie...-

2-Mon père (à gauche) en compagnie de ce personnage inconnu.

2-Mon père (à gauche) en compagnie de ce personnage inconnu.

3-les mêmes...

3-les mêmes...

Au moment où je publie ces clichés, je termine la lecture d'un livre passionnant, intitulé "Eux sur la photo", d'Hélène Gerstern (Éd. arléa diffusion Seuil).

Face aux zones d'ombre de son passé et ne possédant qu'une photo de personnages qu'elle ne connaît pas, Hélène publie une petite annonce dans un journal en espérant faire la vérité sur son passé. Un lecteur ayant reconnu son père sur cette photo, une correspondance va se nouer aussitôt. Les recherches entreprises ensemble vont peu à peu démêler l'écheveau des mystères ayant entouré leur secret de famille et rapprocher des cousins jusque-là éloignés et qui s'ignoraient. 

 

--o--

 

Le travail de recherche préalable à la rédaction d'une biographie est souvent très compliqué, mais toujours passionnant; il s'apparente à une enquête policière dont j'ai retracé ici les péripéties, enquête menée avec ténacité durant quelques années pour parvenir à faire éclore quelques vérité...

 

 

À propos d'une enquête familiale...

 

(Genèse d'une biographie).

 

ou: de la Combraille au Maroc

 

Lorsque sonna pour moi l'heure de la retraite, en octobre 2010, je pris enfin le temps de rassembler tous mes souvenirs de famille, précieux héritages contenus dans des cartons, ou témoignages recueillis au cours de ma vie.

 

À ce moment-là, je disposais:

 

-de photos (certaines hélas non identifiées, faute de légende);

 

- d'archives personnelles (je possède notamment une série de contrats de mariages qui remonte jusqu'en 1650);

 

-de documents divers accumulés au fil des années (archives publiques et privées, etc.);

 

-enfin, de ma mémoire, pour faire le lien entre tous ces vestiges du passé.

 

Dans le double souci de préserver ces souvenirs et de les diffuser, je créais en 2012 un site internet à l'intention de ma famille, de mes amis, et largement consultable par tout les visiteur intéressé par l'aspect historique qui en constitue la toile de fond.

 

Comme c'est souvent le cas au moment de notre existence où l'on décide de rassembler tous les matériaux nécessaires pour entreprendre une biographie familiale ou un récit d'histoire locale, on regrette amèrement de n'avoir pas suffisamment interrogé nos prédécesseurs sur tel ou tel événement dont les détails avaient disparus, ou sur telle ou telle photo de l'album familial, malheureusement non identifiées...

Très vite, pour mener à bien certaines biographies, je me suis trouvé face à d'importantes zones d'ombres, que je ne suis parvenu à dissiper qu'au terme de véritables enquêtes de détective privé!...

 

--o--

 

Pour illustrer ce propos, je prendrais comme exemple la biographie de mon arrière-grand oncle Eugène Cromarias, Ingénieur des mines de Paris, né en 1857 à Gouttières, commune du canton de Saint-Gervais en Combrailles (Puy-de-Dôme).

Je ne savais rien de lui, en dehors de quelques propos aujourd'hui très confus dans ma mémoire, formulés par ma grand mère Jeanne Cromarias, épouse de mon grand père Pierre Pageix de Beaumont: son oncle aurait placé (et perdu) la presque totalité de sa fortune dans des mines au Maroc ou en Algérie.

Je possédais plusieurs portraits de lui, de sa femme et de ses deux enfants.

Eugène Cromarias vers 18 ans

 

Eugène et Eugénie

 

1ère étape (Eugène et son épouse):

 

Après avoir reconstitué son ascendance familiale pour le situer dans l'arbre généalogique des Cromarias et par rapport à ma propre branche, il ne fut pas compliqué pour moi dans un premier temps de retrouver l'acte de naissance d'Antoine Eugène Cromarias dans l'état civil en ligne de Gouttières, berceau des Cromarias dits "du Fraisse":

 

La Mairie de Gouttières me l'avait d'ailleurs adressé:

Antoine Eugène Cromarias (dit Eugène) est né le 12 septembre 1857Malheureusement, les actes ne comportaient pas à cette époque de mention marginale indiquant le mariage et le décès.

 

J'ai donc recherché, assez longtemps je l'avoue, la date et le lieu de leur mariage, ne disposant que des portraits de son épouse sur mes photos, seule ou avec lui. J'ai fini par trouver dans l'état civil en ligne l'acte de leur mariage, célébré à Pontgibaud le 7 novembre 1892. Il épousa une gibaldipontaine, Anaïs Eugénie Labourier qu'il avait probablement rencontrée au cours de l'un de ses stages, effectué en 1882 au cours de sa scolarité à l'École des Mines, à l'usine d'extraction et de traitement du plomb argentifère de Pontgibaud.

 

Entre-temps, en 2008, je fis plusieurs visites fructueuses à l'École des Mines de Paris, où les responsables des archives et de la bibliothèque me reçurent et me permirent de prendre connaissance de son dossier scolaire, tout en me communiquant des photos de classe, des tableaux de notes et en m'ouvrant ses journaux de stage rédigés de sa main (Commentry, Bessèges et Bilbao); s'ajoutaient à cela les comptes rendus de voyages dans le Gard et l'Aveyron, également rédigés par Eugène au cours de sa scolarité d'ingénieur (années 1880-1883), scolarité accomplie après trois années de "prépa intégrée" (1877-1880). Notons que la bibliothèque de l'école publie les biographies des Ingénieurs des mines depuis que l'école existe (1783). Toutefois, les biographies des ingénieurs civils (cas d'Eugène) ne le sont pas systématiquement et la sienne n'y figure pas. Il faisait partie du bureau des élèves et on le trouve dans l'annuaire de l'école jusqu'en 1934.

 

La fin de vie d'Eugène et d'Eugénie, ainsi que leurs décès étaient pour moi tout aussi énigmatiques. Les recensements consultés m'ont démontré qu'il habitaient à Chamalières de 1908 à 1931, 27 avenue de Royat .

 

Un document trouvé par hasard sur le site de la BNF (Gallica) m'apprit qu'Eugène, alors probablement en retraite, s'était associé avec sa fille pour créer une entreprise de tailleur-plisseur (confections pour la haute-couture), à Metz, à partir de novembre 1929 au N° 19 rue des Clercs.

Son décès me fut confirmé par la mairie de Chamalières: Eugène est décédé le 6 avril 1932 au N° 1 rue Pasteur, à 74 ans, face à la célèbre gare de chemin de fer de style prussien. L'acte établi par la mairie de Metz me fut communiqué peu après. À l'évidence, Eugène effectuait probablement souvent le trajet Chamalières-Metz puisqu'il s'était associé à l'entreprise créée avec sa fille. Les soucis et la mort de son fils Antoine peu de temps auparavant, en 1931, avaient probablement dû contribuer à altérer la santé d'Eugène.

Peu après, la mairie de Chamalières me communiqua l'acte de décès de sa veuve, Eugénie, survenue 4 ans plus tard, le 17 janvier 1936.

2ème étape (les enfants d'Eugène):

 

Je savais que le couple Eugène-Eugénie avait eu deux enfants, Germaine et Antoine, qui figurent sur des photos où j'avais pu les identifier avec certitude. Cependant j'ignorais tous de ceux-ci.

 

 

Germaine et Antoine, enfants d’Eugène et d’Eugénie Cromarias.

 

Commençons pour simplifier par le cadet: Antoine.

La mairie de Chamalières pas plus que celle de Gouttières, n'ayant retrouvé sa trace, je me suis tourné vers celle de Saint-Gervais d'Auvergne qui m'a répondu positivement:

Antoine Jean Alexis Cromarias est né le 3 mars 1899 à Saint-Gervais d'Auvergne et y est décédé très jeune, célibataire et sans postérité, le 10 octobre 1931. Il était clerc de notaire à Saint-Gervais qu'il n'a manifestement pas quitté au cours de sa courte vie, excepté un cours passage au sein de l'usine Bergougnan, manufacture de pneumatiques concurrente de Michelin, où mon père Paul Pageix travailla lui aussi avant de s'engager dans l'armée de l'Air.

 

J'ignorais également la date et le lieu de naissance de sa sœur aînée, Germaine, dont j'avais retrouvé la trace à Metz. C'est la mairie de Chamalières qui me la communiqua:

 

Germaine Marie Eugénie est née le 19 novembre 1893 à Chamalières. Heureusement, l'acte comportait des mentions marginale. Toutefois, autant la mention du mariage était claire: "a contracté mariage à Ronchamp (Haute-Saône) le 2 avril 1917 avec Charles Bureau", autant la mention du décès était peu lisible sur la photocopie (je lisais Mazage, ce qui me mit sur une fausse piste). Je finis par téléphoner à la mairie de Chamalières et la responsable de l'état civil me lit: "décédée le 1-3-1953 à Mazagan, Casablanca, Maroc"!

 

J’ai réalisé ce montage à partir de plusieurs photos supposées être de Germaine Cromarias, épouse Charles Bureau, prise à 13 ans, 25 ans, 40 et 43 ans ; à l’évidence, il s’agit bien de la même personne.

 

 

Entre-temps, j'obtenais auprès de la mairie de Ronchamp l'acte de mariage de Germaine et de Charles:

Charles Auguste Bureau, né le 26 septembre 1891, était étudiant, élève ingénieur de l'école supérieure d'électricité de Grenoble, "actuellement sous-lieutenant au 140e Régiment d'Infanterie". Il était né comme son père, Achille Marie Joseph Bureau à Bruay Pas-de-Calais. Son père, sous-directeur des Houillères de Ronchamp, était ingénieur des mines tout comme Eugène et l'on comprend que les enfants du même monde de l'industrie minière aient eu l'opportunité de se rencontrer...

La mère de Charles, Augustine Claudine Adeline Hardorff appartenait quant à elle au monde viticole, sa famille étant propriétaire à Puligny-Montrachet...Ces Hardorff étaient originaires d'Hambourg et s'étaient installés en France vers 1900 (j'ai retrouvé un Hermann Hardorff, né à Hambourg en 1829...) En dénouant ultérieurement le fil de cette "autre histoire", on apporterait certainement un complément pittoresque à cette "saga viticole"!...Elle reste à raconter!

À ce stade, revenant à mes "moutons", je me suis intéressé à ce Charles Bureau, qui combattit au front (et même au-delà des lignes ennemies), avec une baraka hors normes puisqu'il fut blessé 4 fois; il était spécialisé dans les coups de main derrière les lignes du front allemand, afin de rapporter des renseignement sur leurs positions et leurs défenses!... J'ai consulté son dossier militaire à Vincennes et sa fiche matricule en ligne ...dans les archives du Gard, car il y habitait avec ses parents, alors qu'il était étudiant, son père étant affecté à l'exploitation des mines de charbon à Saint-Martin de Valgalgues, canton d'Alès-Est.

Dès que Charles fut rendu à la vie civile, le couple habita à Nancy, puis à Metz. Probablement au titre des emplois réservés aux blessés de guerre, Charles avait obtenu le poste d'Ingénieur adjoint à la SALEC à Metz (Société Alsacienne et Lorraine d'Électricité), au département Forces électriques. En 1938, le contrat de Charles venant probablement à échéance, le couple s'installa à Saint-Gervais d'Auvergne, où Charles, mobilisé le 4 septembre 1939, fut affecté à la défense du point sensible des Ancizes (aciéries Aubert et Duval qui travaillait pour l'Armée de l'Air).

En fin 1940, après la défaite, il franchit avec son épouse la Méditerranée et s'installa à Mazagan au Maroc, à la "Ferme Santa Maria, kilomètre quatre, route de Mazagan" non loin de Casablanca comme exploitants maraîchers. Mon père, qui s'y replia lui aussi en juin 1940 avec son groupe de chasse, avec ma mère venu le rejoindre à Rabat en 1941 après leur mariage, fréquentèrent Germaine et Charles Bureau. (Pour mémoire, le groupe de mon père quitta le Maroc en août 1944 pour participer à la reconquête jusqu'à l'occupation en Allemagne).

Ceci me fut révélé par l'acte de décès de Germaine que j'obtenais auprès des services du ministère des affaires étrangères: elle mourut le 1er mars 1953 rue Louis Pasteur à Mazagan (probablement à l'hôpital).

Charles Bureau revint probablement en France au moment de l'indépendance du Maroc, en mars 1956.

Je consultais son acte de naissance dans l'état civil en ligne de Bruay (Pas-de-Calais): celui-ci comportait en mention marginale seulement un deuxième mariage à Saint-Germain-en-Laye le 15 décembre 1960 avec une certaine..Claudine Boulot, et son décès survenu à Paris 9ème arrondissement le 21 mars 1962. L'acte de mariage (acte intégral en photocopie cette fois) me fut communiqué par la mairie de Saint-Germain-en-Laye. Cet acte m'apporta les précisions suivantes:

-Charles Bureau résida à Saint-Gervais d'Auvergne à son retour du Maroc;

-Lors de son remariage, il habitait St-Germain-en-Laye chez sa deuxième épouse qui était divorcée (née le 7 février 1893 à Grury, Saône-et-Loire; elle avait 67 ans et lui 69);

-Aucun membre de la famille Bureau ne fut témoins à son mariage et seuls, les deux enfants du premier lit de Mme Boulot étaient présents!...

J'avais consulté la base internet "Leonore" des décorés de la Légion d'Honneur où figurait la mention du décès de Charles Bureau (date, lieu, adresse du domicile, etc.)

En interrogeant les services en ligne de la mairie de Paris, j'obtenais l'acte de décès qui confirmait le domicile: 3 bis rue Saint-Léger à Saint-Germain en laye et le décès 34 rue de Clichy Paris 9e.

 

 

 

3ème étape (les petits enfants d'Eugène):

 

Ayant pris contact avec la bibliothèque de Nancy pour effectuer une recherche dans le journal "l'Est Républicain", les responsables me communiquèrent l'avis de décès d'Eugénie Cromarias née Labourier survenu à Clermont-Fd le 17 janvier 1936. Cet avis publié par "Mme et M. Charles Bureau, MM Georges et Claude Bureau et toute la famille", 5 rue Sébastien Leclerc à Metz, désignait la défunte comme "leur mère, belle-mère, grand mère, tante et cousine". Ainsi, le couple avait deux fils, Georges et Claude.

 

Parvenu à ce stade, je commençais à croire que si je poursuivais mes recherches, je parviendrais peut-être à retrouver des descendants d'Eugène, afin d'échanger avec eux nos souvenirs de famille...

 

Je débutais par Georges. Je supposais que sa naissance ne devait pas être très éloignée du mariage de ses parents à Ronchamp le 21 avril 1917. En effet, la mairie de Ronchamp trouva facilement l'acte de naissance de Georges Marie Charles Bureau du 8 avril 1918, avec les mentions marginales: mariage à Chamalières avec Simone Colas le 23 novembre 1940 et décès à Saint-Cloud le 7 juillet 1994. Sur son acte de mariage, qui m'a été transmis par la mairie de Chamalières, figure la signature de mon grand père Pierre Pageix qui fut témoin lors de leur union. Georges (22 ans), est qualifié de "médecin auxiliaire", et Simone (22 ans aussi), dont les parents sont commerçants à Paris, est étudiante en pharmacie. J'obtins ainsi auprès de la mairie de Chamalières l'acte de mariage et auprès de celle de Saint-Cloud l'acte de décès. Dans le catalogue des thèses de médecines, consulté sur internet, figure bien Georges Bureau, dont la thèse en 1939 porte sur un sujet pour le moins curieux: "Les facteurs d'opposition à la stérilisation légale des anormaux", thèse de 32 pages parue à Paris, chez Busson.

Georges Bureau était installé comme médecin à Clermont lors du mariage de mes parents à Montauriel  (le 14 août 1941) auquel il fut présent. Il vint dans l'auto de mon grand oncle Joseph Pageix qu'il soigna lorsqu'il fut atteint d'un cancer ; Joseph mourut à 58 ans (le 4 juillet 1942).

Enfin, Georges Bureau fit une visite à mon père malade * à Athis-Mons en fin d'année 1969. Je me souviens d'un homme blond, aux yeux très bleus.

* Décédé à 58 ans le 3 mars 1970.

 

Je m'intéressais ensuite à Claude, le cadet. La mairie de Ronchamp n'ayant pas trouvé d'acte le concernant, je pensais qu'il pouvait être né à Nancy où ses parents s'installèrent en 1925.

La mairie de Nancy, interrogée via internet, m'adressa une copie de l'acte de naissance de Claude Marie Antoine Bureau né le 23 juin 1925 à Nancy, peu après l'installation du couple qui ne remontait qu'au 8 mai précédent. 

Les mentions marginales précisaient son mariage au Maroc, à Ksar-es-Souk (*) le 3 février 1947 avec Fatma bent Mohamed (**), 16 ans, et son décès à Haouzia, Maroc, le 28 juin 2001.

L'acte de mariage obtenu auprès des services des Affaires étrangères (http://pastel.diplomatie.gouv.fr/dali) précise que sa femme était de la tribu du Beni-Yazrha.

(*): Aujourd'hui Errachidia, chef-lieu de la région de Tafilalet.

(**): Ce qui signifie Tatma, fille de Mohamed.

 

Claude Bureau suivit donc manifestement ses parents au Maroc lorsqu'ils s'y installèrent comme maraîchers.

 

 

L'acte de décès obtenu également auprès des mêmes services précisait quant à lui que Claude habitait à Haouzia, Douar Laghnadra, que le décès avait été déclaré par un certain Allal Abdou, 50 ans, domicilié à Casablanca, rue Oussama Bnou Zaïd, et, curieusement, que l'acte n'avait été dressé que le 2 juillet à la commune rurale de Haouzia (***), Cercle d'Azemmour par Bouchaib Al Kahlaoui, officier de l'état civil. Enfin, la transcription de cet acte avait été faite le 5 juillet suivant par l'officier de l'état civil par délégation du Consul Général de France à Casablanca "sur la production de l'expédition de l'acte original étranger à nous remise par Jean-Marie Bureau ainsi que l'acte de mariage du défunt". 

(***):Haouzia est située à une dizaine de kilomètres au nord-est de Mazagan (actuelle El Jadida où demeuraient les Bureau), sur le littoral (plage, camping, café, etc); Ksar-es-Souk (actuelle Er Rachidiya ou Errachidia, ville royale) est située près de la frontière algérienne. En 1947, Claude Bureau avait 22 ans, et accomplissait peut-être ses obligations militaires qui l'amenèrent ainsi à tenir garnison en plein cœur du pays marocain?

 

Ainsi, Jean-Marie Bureau ne pourrait être qu'un arrière petit fils d'Eugène et d'Eugénie et donc un cousin de ma génération!. Les témoins de ce passé que je tente depuis des années de reconstituer n'étant plus de ce monde, je ne désespérais pas de retrouver ce cousin. Ce sera la 4ème étape: les arrières petits enfants...

Nota: il faudra prendre le temps de rechercher les "tantes et cousines" évoquées dans l'avis de décès d'Eugénie. Il faudra surtout identifier Jean-Marie et rechercher les éventuels descendants de Georges (je ne sais si les services délivrant les passeports conservent des archives).

Au début de l'année 2017, j'ai lancé une recherche du côté du témoin du décès de Claude et auprès du consulat de Casablanca. Ce dernier m'a aimablement répondu qu'il aller faire des recherches, tandis que les autres destinataires sont restés silencieux...

....

 

Épilogue...

 

         En novembre 2017, je fis paraître cet article sur le site internet de mon ami Thierry Sabot "histoire-généalogie", en raison de son caractère didactique: une description de chaque étape de cette enquête, menée dans le but d'écrire la biographie du couple Cromarias, et de rechercher sa descendance au travers des Bureau. Je ne cache pas que j'espérais ainsi susciter, enfin, quelques réactions.

 

         Par bonheur, un visiteur de ce site, Monsieur Michel Lebossé, me contacta en m'indiquant qu'il avait fait son service militaire dans les années 1955/57 à Mazagan et que, continuant à s'intéresser par la suite à cette ville au riche passé, il avait fait la connaissance d'un écrivain historien et poète marocain, Mustapha Jmahri, avec qui il me mit en relation...

 

         Cet écrivain, Mustapha Jmahri, auteur de livres sur la ville d'El Jadida-Mazagan et sa région du Doukkala, me contacta et m'apprit que Claude et Fatma étaient agriculteurs et "cultivaient entre-autres dans leur ferme des artichauts et des tomates côtelées d'hiver, qu'ils exportaient vers la France dans les années 1960-1970". Claude, qui "se déplaçait avec sa motocyclette bleue", venait déposer son courrier à la poste où l'écrivain le rencontrait. 

         Mustapha Jmahri, qui reconnut les traits de Claude sur les photos ci-dessus que je lui envoyai, me révéla le destin tragique de Claude et de Fatma: ils furent assassinés le 28 juin 2001, dans leur ferme, par trois voleurs du voisinage qui en voulaient à leur argent ; persuadés que le couple venait de vendre leur ferme, ils avaient supposé qu’ils détenait le prix de la vente chez eux ; ils n'hésitèrent pas à tuer le couple probablement parce qu'ils avaient été reconnus par leurs victimes. Les meurtriers, aussitôt arrêtés, furent jugés en septembre 2002. La presse locale se fit l’écho de ces tristes événements.

         "Toute la ville fut choquée et indignée car il s'agissait de personnes aimées de leurs voisins", "Claude fut enterré au cimetière chrétien d'El Jadida-Mazagan, l'un des plus anciens cimetière marin du Maroc en présence d'une foule nombreuse et Fatma fut inhumée à côté, dans le cimetière musulman".

         Claude avait eu dix enfants, dont Jean-Marie qui réside aujourd'hui en France, près de Bordeaux. celui-ci déclara le décès au consulat de Casablanca après avoir assisté aux funérailles dans le cimetière chrétien d'El Jadida-Mazagan, l'un des plus anciens cimetières marins du Maroc.

      Ce cimetière est soigneusement entretenu par une association présidée par Mr Jean-Louis Jacquety; Jean-Marie Bureau verse toujours une cotisation annuelle d'entretien. On y trouve trois tombes appartenant à la famille Bureau: "celle de Claude, celle des parents de Claude, et celle d'un frère", m'assura Mr Jmahri.

         Germaine fut également inhumée lors de son décès en 1953 à Mazagan dans ce cimetière (son mari, Charles, qui continua à vivre trois années au maroc pour ne rentrer en France qu’au moment de l’indépendance en mars 1956, n’avait aucune raison majeure de rapatrier le corps de son épouse, d'autant que son fils Claude, marié à une marocaine, résidait toujours au Maroc.

        Enfin, il est possible aussi que selon les vœux testamentaires de Charles, on ait procédé lors de son propre décès au transfert de sa dépouille au cimetière de Mazagan où il repose aujourd'hui près de sa femme et de son fils.

         Reste aussi à retrouver des descendants de Georges Bureau et de Simone Colas...

 

             In memoriam Jacques Pageix             mars-décembre 2017

                                                       

--o--

      

 

Juvisy, 21 janvier 2018

 

À l'attention de Monsieur Jean-Louis Jacquety (aux bons soins de Monsieur Mustapha Jmahri, El Jadida, Maroc).

Monsieur,

J'ai entrepris il y a quelques années une recherche des descendants d'un arrière grand oncle dont j'avais rédigé la biographie: Eugène Cromarias.

Cette recherche est résumée dans le document joint. Elle m'a permis de découvrir l'existence d'un cousin, Jean-Marie Bureau, fils de Claude et de Fatma Bureau, maraîchers à Mazagan.

Monsieur Mustapha Jmahri m'a amicalement invité à vous écrire, afin que vous puissiez faire connaître ma démarche à Monsieur Jean-Marie Bureau, pour lui permettre de me contacter s'il le désire.

Il serait souhaitable qu'à cet effet vous lui remettiez le récit de mes recherches.

Comptant sur votre aide bienveillante, je vous prie de croire, Monsieur Jacquety, en mes sentiments cordiaux.

Jacques Pageix.

Suite à mon courrier, Mustapha a rencontré Monsieur Jacquety et son adjoint Monsieur Gicquel, pour expliquer ma démarche et remettre ma lettre... 

Jean-Marie Bureau, qui habite Générac en Gironde et que j’avais contacté au téléphone, est malheureusement décédé en décembre 2020. Je correspond parfois avec son épouse Anne-Marie.
 

            

                                                       FIN (provisoire)

--o

 

 

J'ai donc pu établir, en l'état actuel des choses, la descendance suivante:

 

 

Jean-Baptiste François Cromarias (1816-1859) x Françoise Thomas

                                                             I

          I-------------------------------------------------------------------------------------I

Antoine Eugène (dit Eugène) Cromarias          Marien Antoine Cromarias

Ingénieur des mines de Paris (1849-1875)              mon AGP  (1849-1893) d'où:

o Gouttières le 12.11.1857                                     Irène x Alexis Teilhol

+ à Metz le 06.04.1932                   Jeanne x Pierre Pageix (mon grand père)

x à Pontgibaud Anaïs Eugénie Labourier                I . . .Moi, o 1946

le 07.11.1892 (+ à Chamalières 17.01.1936)

                                   I

           I---------------------------------------------------------------I

Germaine, Marie Eugénie Cromarias          Antoine Jean Alexis Cromarias

o Chamalières 19.11.1893,                               o St-Gervais 03.03.1899,

x Ronchamp (Hte-Saône) 21.04.1917              + Célibataire10.10.1931,

Charles Auguste Bureau                                   Clerc de notaire.

Ingénieur électricien (Grenoble)

puis Maraîcher au Maroc (Mazagan)

o Bruay 26.09.1891

+ Paris 21.03.1962.

                     I

             I----------------------------------------------------------------I

Georges, Marie, Charles Bureau                Claude, Marie, Antoine Bureau

Médecin                                                                    Maraîcher au Maroc

o Ronchamp (Hte-Saône) 08.04.1918                      o Nancy 23.06.1925

x Chamalières 23.11.1940                                        x Maroc 03.02.1947

Simone Suzanne Aline Colas                               Fatma Bent Mohamed

+ Saint-Cloud 07.07.1994                                     + Maroc , Haouzia 28.06.2001

               I.....?                                                                         I

                                                                                            Trois enfant, dont

                                                                               Jean-Marie Bureau

                                                                        (ma génération; o après 1941)

 

                                                            

Eugénie Labourier (+ en 1936) épouse Eugène Cromarias (+ en 1932) le petit Claude Bureau et Germaine Cromarias, épouse de Charles Bureau. Vers 1932, peut-être Avenue Foch à Metz?

 

Photo prise probablement par Charles Bureau (dont je n'ai pas de photo), à Metz le 5 mars, 1935, sur l'avenue Foch.

Germaine Bureau née Cromarias avec Georges (l'aîné) et Claude (le cadet).

 

--o--

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