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7 juillet 2014 1 07 /07 /juillet /2014 16:11

 

 

Joseph Pageix

 

Un vigneron érudit

 

1884-1942

 

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Joseph Pageix

 

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Biographie

 

1-La naissance, l'enfance et la jeunesse.

 

Mon grand oncle Joseph Pageix est né à Beaumont le 29 mars 1884 (photo et transcription de son acte de naissance). Il était le fils cadet des trois enfants de Jean-Baptiste Pageix, propriétaire viticulteur à Beaumont, et de Bonnette Bardin, originaire de Gerzat. L’aîné, Pierre, était mon grand père, et le deuxième enfant se prénommait Antony. Comme Antony mort le 6 décembre 1928 à 47 ans, Joseph décéda relativement jeune, le 4 juillet 1942 à l'âge de 58 ans. Cf généalogie simplifiée en annexe.

 

 

 

Avec ses frères, il fit de solides études classiques, chez les prêtres, à Massillon (Clermont-Ferrand). La musique était enseignée et largement pratiquée ; les trois frères s'y consacrèrent, jouant chacun d'un instrument: Pierre jouait du saxophone alto et de la flûte, Antony du cor et de la flûte et Joseph tenait l'harmonium à Beaumont ou ailleurs et composait des chants sacrés.

 

Je me souviens que mon oncle Michel Juillard (l'un des cinq frères de ma mère) me racontait que lorsqu'il venait à Beaumont, alors qu'il faisait ses études à Clermont (à Massillon naturellement comme ses frères Edmond et Pierre), l'oncle Joseph l'aidait à faire ses devoirs de latin et de grec. Ces études classiques étaient durablement ancrées dans les mémoires de ces bons élèves: j'en veux pour preuve les tirades en latin ou en grec que déclamaient encore par cœur, à 80 ans passés, mon grand père Pierre Pageix et son ami Jean-Paptiste Émuy !... 

 

Cette solide éducation se ressent dans les écrits et dans les morceaux de musique sacrée que Joseph composait pour les offices religieux de sa petite ville.

 

2-Le mariage: quelques années heureuses...

 

Le 13 février 1909, il épousa Louisa Madeuf, née à Olloix le 2 juillet 1888 (Acte de mariage et photo menu du mariage).

Le maire d'Olloix, Antoine Mage, dressa "l'acte de publication du projet de mariage entre Pageix Joseph Pierre âgé de vingt quatre ans, cultivateur à Beaumont et de Madeuf Louisa Marie Michelle âgée de vingt ans, sans profession, d'Olloix ":

 

 

 Les parents de Louisa résidaient à Olloix depuis que Louis, son père, était venu s'y installer lors de son mariage avec Marie Maugue, d'Olloix; il était né à St-Nectaire, où l'on trouve la trace de ces Madeuf jusqu'au XVI ème siècle, dans les registres paroissiaux. C'était donc ce qu'il est convenu d'appeler une très ancienne famille ; elle avait ainsi vécu à l'ombre de la célèbre basilique (?) qui abrite comme chacun le sait le fameux buste de Saint Baudime. Plus précisément, leur maison était située au village des Arnats. À Saint-Nectaire, il y avait un hôtel tenu par des Madeuf et une villa Gabriel qui leur appartenait. Voyages en Italie (photos)

 

3-La Grande Guerre et ses deuils.

 

La perte du jeune frère de Louisa, Marcel, tombé au front dès le début de la grande guerre, vint endeuiller cette famille. Né 6 ans après elle, le 27 janvier 1894, Marcel appartenait au 1er régiment d'artillerie de campagne qui se distingua lors de la première offensive de la guerre, menée en Lorraine, où nos troupes, après avoir repoussé l'ennemi, libéra Sarrebourg. Ce fut au cours de la contre-offensive allemande qui contraignit nos armées à se replier que ce jeune et valeureux soldat perdit la vie, alors qu'il servait sa pièce, celle-ci reçut un obus de l'artillerie lourde allemande.

 

Comme je le suppose, l’absence d’enfant (que n'arrangea certainement pas le traumatisme subi lors de la disparition de son frère) désespéra quelque peu ce couple qui fit un ou plusieurs pèlerinage à Lourdes, sans obtenir de miracle. Ce fut au moins pour la famille (Joseph, son épouse Louisa et ses beaux-parents et neveux) l’occasion de randonnées dans les montagnes pyrénéennes (photos) (sur la photo, on les voit accompagnés d’un guide ou d’un âne selon la difficulté de l’excursion…).

 

Les trois frères servirent pendant la Grande Guerre dans différentes unités qui n’avait bien sûr aucun rapport avec la musique. Ils se rencontrèrent quelquefois, et ce fut pour eux l’occasion de poser ensemble pour quelques photos: Pierre, que l’on voit souvent en vélo, avait été incorporé dans l’EMDR (Equipe mobile de roulage), Antony, à cheval, puisqu’il appartenait au….et Joseph à pied. Ce dernier apparaît sur d’autres photos devant une roulotte dont la bâche, qui avait été probablement aménagée à l’aide d’enveloppes de baudruche récupérées sur des ballons captifs, constituait à la fois sa chambre à coucher et son laboratoire photographique ! Je conserve un carton de ces photos de la Guerre de 14-18 qui sont de très précieux témoignages, même si elle ne sont malheureusement pas toutes identifiées par une légende. On peut être surpris qu’un soldat dûment enrégimenté ait pu ainsi consacrer tout son temps à la photo et expédier régulièrement ses clichés à son épouse en dépit de la censure…De plus, Joseph envoyait tous les jours à Louisa une carte postale pour la renseigner sur ses déplacements et lui décrire les localités traversées ! (photo joseph devant sa roulotte).

 

Au hasard de ses pérégrinations en vélo ou à cheval dans les fermes de son secteur, à la recherche de fourrage pour son régiment, Joseph lia de solides amitiés, là où il séjournait, comme dans la belle ferme de Vauberon (photo). En particulier, il fréquenta les occupants d'un château – mystérieux, car je n'ai pu encore l'identifier – et photographia châtelaines et domestiques. Sur l'une de ces photos, on voit femmes et enfants déguisés comme lors d'une fête ; bien sûr, les hommes sont absents, car manifestement à la guerre . Ce cliché n'est pas sans rappeler « Le domaine mystérieux » et « la fête étrange » au château d'Yvonne de Galais, dépeint par Alain -Fournier dans son Grand Meaulnes...

 

 

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Les femmes...

 

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Les jeunes filles...

 

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      ...Et les enfants...

 

(...Les hommes, absents sur ces photos, sont au front...)

 

4-Un artiste très doué.

 

Comme ses deux frères, il était très musiciens et savais manier la plume..

 

Mon grand père Pierre, qui avait fait son service militaire dans la musique (photo), jouait du saxophone alto depuis le petit séminaire: un « Evette et Scheffer » (ancienne maison Buffet-Crampon), que je possède toujours (photo). Nota : cet instrument avait été inventé depuis peu par le Belge Adolphe Saxe en 1846). Il jouait aussi de la flûte piccolo. Il fit longtemps partie de la Gauloise d’Aubière. C’est probablement à l’occasion d’un concert donné sous le kiosque à musique d’Aubière, qu’il rencontra ma grand-mère Jeanne Eugénie Cromarias Villevaud qui y résidait avec sa famille. A moins que ce ne fut lors d’un déplacement de la Gauloise à St-Gervais d’Auvergne où la famille Cromarias passait l’été…Mais ceci est une autre histoire…

 

Antony jouait du cor au sein de la société chorale d’Auvergne. Comme le montre le menu, les membres de cette sympathique confrérie se réunissaient parfois autour d’une table bien garnie…(photo menu).

 

Joseph, quant à lui, accompagnait à l’harmonium les offices dominicaux. Il composa à ses heures quelques œuvres sacrées qui figurent dans deux gros recueils que je conserve pieusement. Voici la photo d’un extrait qui concerne un chant qu’on entonnaient à la fin de la neuvaine de Notre-Dame de la Rivière (photo). Il organisa et dirigea une chorale uniquement composée de femmes de Beaumont ; l'une d'entre-elles, Madame Maradeix-Rouger, que j'ai rencontrée vers 1975, m'avait confié une photo de cette chorale, prise chez Leymarie (dans le clos Soubrany), en m'indiquant le nom de ses consœurs. Je suis tenté de croire, comme m'y incitent quelques allusions recueillies ici ou là, que Joseph n'était pas insensible au charme de certaines d'entre-elles...Sur cette photo figurent ETC

Comme ses frères, il avait trois autres passions : le jardinage, l’astronomie et la photographie. Les jardins ont bien sûr disparu, mais je conserve la lunette astronomique offerte par Jean-Baptiste, leur père, alors qu’ils étaient enfants (photo). Quant aux photographies, quelques unes ont heureusement échappé aux vicissitudes du temps …

 

Sa gestion de ses jardins sur des carnets historiés, véritables journaux où l’on suit sa vie au quotidien… J’avais les mêmes appartenant à mon grand père Pierre, hélas disparus. C’était apparemment une habitude chez ces ruraux de mémoriser tous leurs travaux afin de s’y retrouver dans la multitude des plantations et des semis faits sur des parcelles dispersées au quatre coins de la commune, et ce carnet fut tenu au jour le jour jusqu'à la veille de son décès en 1942 !

 

À partir de 1925, Joseph publia dans le bulletin paroissial des articles qu'il relia en un volume qui m'est heureusement parvenu. Ses écrits sont imprégnés de son humour à la fois fin et jovial. En voici un bel échantillon prélevé dans un passage consacré aux bouviers de la montagne, venu à Beaumont au temps des vendanges louer comme chaque année leurs services à leurs maîtres, qu'ils appelaient leurs "chalonges":

 

"C'est en cet équipage que, le dimanche précédant l'ouverture des vendanges, ils venaient visiter leurs « chalonges ». C'est ainsi qu'ils nommaient les vignerons dont chaque année, de père en fils, ils charriaient la récolte. Ils dételaient et remisaient la jument (liguô), car, dînant chez l'un, buvant un coup chez l'autre, faisant quatre heures chez un troisième, ils savaient bien qu'ils ne repartiraient guère avant la nuit tombante. Bien calés sur leur banc, le verre en main, ils parlaient de leurs affaires ; s'enquéraient de la quantité approximative de vendange qu'ils auraient à transporter chaque jour, voulant ainsi savoir s 'ils pourraient convenablement servir leurs chalonges habituels ; préférant en abandonner un – quitte à lui trouver un autre bouvier - que les mécontenter tous : Ils n'aimaient point promettre et ne pas tenir. Ils proposaient leurs femmes, leurs filles, leurs parentes pour former ou compléter la « manœuvre » ; vantaient la force croissante d'un de leurs jeunes gars qui, au besoin, pourrait cette année faire un bon « bertier ». Ils débattaient pour la forme le prix de leur travail qui, durant de longues années, resta fixé à cinq sous la bacholle.

Ils prolongeaient volontiers cette petite station chez chacun de leurs chalonges, car, tout le monde sait bien qu'autrefois le vin était de luxe à la montagne, la boisson habituelle étant le « petit lait ». Il ne leur déplaisait pas de venir ainsi de temps en temps se rougir un peu la conscience avec le contenu d'un pichet cerclé de cuivre, qui ne faisait que gravir et descendre les degrés de la cave en leur honneur. « Buva nin, nin büri beïo pas demô » (buvez-en, vous n'en boirez peut être pas demain), disait le chalonge en versant à ras bords. Eux, en riant, se laissait faire. Ils détournaient à demi la tête quand leur hôte saisissait le pichet, et tout à coup, - quand le verre était plein, - levant la main, ils faisaient mine de protester : « Tche tche tche ! Certas frère ! Rassas ! Veze be que voüli me fère fiurlà ; ène ô lô voutrô » (Certes, frère, assez ! Vous voyez que vous me faite soûler ; à la vôtre), disaient-ils d'un air résigné. Ils buvaient sec, tant et si bien que certains, le soir venu, songeant malgré tout à regagner leur village, mais voyant trente-six têtes à leur cheval, étaient incapables de trouver la bonne pour lui passer la bride, et s'obstinaient à présenter le mors aux barreaux du râtelier. Les bras levés, se pointant sur leurs sabots, balançant, soufflant, ils se fatiguaient vite à cette fausse manœuvre, et, de guerre lasse, se laissant doucement couler sur la paille de l'étable, ronflant bientôt à poings fermés, ils s'en remettaient à cette sagesse de la Providence pour la question de leur retour".

 

Il affectionnait particulièrement sa nièce Marguerite, artiste douée, morte prématurément, et son neveu Paul, mon père ; il fut présent à son mariage à Montauriel en 1941.

Il se transporta de Beaumont à Montauriel avec un âne attelé à une charrette remplie de bonnes choses (c'était l'occupation). Il offrit le tout à mon grand père Marcel Juillard, érudit comme lui. L'âne fut nommé plus tard Cadichon. (photo)

Je pense que Marcel Juillard devait apprécier mon grand oncle qui avait fait comme lui la Grande Guerre dans l'artillerie (il s'inquiéta de sa santé dans une lettre à mon grand père Pierre Pageix). C'est pourquoi j'ai retrouvé ce livre à Montauriel (l'oncle Henri me l'a restitué avec un bousset qui avait aussi été offert par Joseph à Marcel). Ouvrage précieux qui raconte la vie dans un bourg viticole avant que la guerre de 14-18 n'apporte son bouleversement dans les pratiques séculaires. Témoignage unique et précieux, car ces mœurs, que nous raconte Joseph Pageix, aujourd'hui totalement oubliées, étaient probablement restées identiques à celles des siècles précédents, y compris sous l'Ancien Régime...

 

Louisa survivra à Joseph jusques en 1968. Recueillie par le couple Madeleine Page (fille d'Antony Pageix, frère de Joseph) et Pierre Page (*) à Lyon, elle y décédera.

(*): Le Colonel de Spahis Pierre Page: à l'issue d'une carrière militaire hors du commun, il fit une seconde carrière chez Berliet (véhicule militaires) à Lyon,. Il habitait à Rilleux-la-Pape. Je n'ai malheureusement pas retenu ses récits sur le 2e guerre mondiale à laquelle il participa (il dut se cacher avec son unité dans un sapin enneigé durant deux journées pour ne pas être capturé par les allemands de la division SS "Das Reich" de sinistre mémoire, qui remontaitvers le nord au moment du débarquement de Normandie, et qui venait de perpétrer les exactions que l'on sait à Oradour-sur-Glane...). Ses souvenirs de la guerre d'Algérie avec Bigeard et de commandement d'un régiment de Spahis à Tataouine, etc.

 

 

Pièces annexes

A COMPLETER

 

Jacques Pageix 2014 (en cours)

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commentaires

M
Bonsoir Monsieur,<br /> <br /> Passionné de terriers et de reconnaissances féodales, j'ai trouvé votre restitution du parcellaire de Beaumont pour l'année 1426 tout à fait extraordinaire et je tenais à vous en féliciter. Il est vrai que vous avez bénéficié d'un terrier complet, ce qui est plutôt rare pour cette date.<br /> Connaissez vous des terriers complets du XIV° siècle pour lesquels une restitution du parcellaire bâti soit possible ?<br /> Encore bravo pour votre travail.<br /> Cordialement,<br /> Marc Bernard<br /> Paris 75004
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