Émeute, meurtre et évasion à Beaumont en 1802.
(Un épisode dramatique sous le Consulat).
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Dans un dossier des affaires communales de Beaumont, conservé aux Archives Départementales du Puy-de-Dôme (*), on trouve un document intéressant. Il relate comment les beaumontois s'attroupèrent pour faciliter l'évasion d'un déserteur que les gendarmes venaient d'arrêter. Les faits se passaient sous le Consulat, en février/mars 1802.
(*): Archives Départementales du Puy-de-Dôme, Série "O" 31 L2.
Il s'agit d'un rapport de gendarmerie, établi à la suite de cette "opération".
Il nous montre au passage que le bourg offrait alors de multiples solutions de repli pour se soustraire aux recherches de la maréchaussée. Par leur imbrication complexe, les maisons, les cuvages et les caves, constituaient des réseaux de cachettes sûres. Des issues discrètes, ménagées au fond des maisons ou des impasses, assuraient des possibilités de fuite. De plus, l'étroitesse des rues permettait à la population, souvent complice, de s'interposer avec succès, et de faire échouer de telles opérations.
Beaumont en 1791 -reconstitution Jacques Pageix 1979-reproduction interdite.
Légende:
1 - Église Saint-Pierre et abbaye de Beaumont;
2 - Enclos er jardin de l'abbaye;
3 - Enclos de La Veyria;
4 - Clos Soubrany;
5 - Château, cuvages et parc du Petit Allagnat, appartenant à Jean César de Champflour;
6 - Jardin ou "cita" du Ventadour, appartenant au sieur Pierre Goughon, notaire;
ND: Église et cimetière de N-D. de la Rivière;
En hachuré: Four banal;
En noir plein: Maison commune;
PR : Quartier de la Porte Réale;
CO : Quartier de la Conche;
C I : Quartier du Cimetière;
H : Qer de La Halle (elle était située devant l'entrée de l'église St-Pierre);
PL: Qer du Plot;
PB: Qer de la Porte Basse;
E: Qer de la Rue Expirat (du nom d'une famille qui s'y était installée au XVIIIe S.);
T: Qer du Terrail;
O: Qer d'Obaiss (de l'abbaye);
B: Qer Dos (ou Dau) Ban (ou Bans) (vient des banc de la boucherie existants au moyen âge...);
CH: Qer du Chauffour;
V :Qer de La Veyria;
GR: Qer de La Grand Rue ou Grand Rue Neuve des Fossés;
LPE: Qer de Las Pedas (ancien allotisssement du moyen-âge);
NDA: Qer de N-D. de l'Agneau;
CSV: Qer de la Croix St-Verny;
PE: Qer du Pécher;
CA: Qer du Canal:
P: Passerelle reliant les clos Soubrany et de La Veyria.
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Voici le rapport établi par la gendarmerie, que j'ai accompagné de commentaires et d'explications (il est restitué tel quel, même si le rédacteur ne respectait pas beaucoup l'orthographe, ni la ponctuation...):
"Recherche de déserteurs à Beaumont.
"2 et 12 ventôse an 10 (20 février et 2 mars 1802)
"Le deux du présent (mois) le Brigadier Mosnier et le gendarme Vandal de la Résidence de clermont ayant arrêté à Beaumont Gabriel Moneron (1) condamné aux fers pour crime de désertion (2) par le premier conseil de Guerre permanant des troupes d'artilerie de la marine à Toulon, un grand nombre d'individus de la dite commune s'étant trouvés sur le passage de ce Brigadier et gendarme les enveloperent dans une rue tres Etroite, alors sans employer la menace et sans faire usage d'aucune arme ils serrerent de si pres ces deux militaires en sollicitant la mise en liberté du prisonnier qu'ils facilitèrent son évasion, les Gendarmes aussitôt dégagés auroient pu faire usage de leurs armes à feu sur la multitude mais cette mesure cruelle auroit fait Beaucoup de mal sans etre d'une Grande utilité n'y ayant point eu de Rebellion.
(1): Gabriel Moneron, né à Beaumont le ...1774, fils de ...et de ;.., jugé par contumace le 21 brumaire an VIII (12 novembre 1799) par le 1er Conseil de Guerre des troupes de l'Artillerie de Marine siègeant à Toulon et condamné à cinq ans de fers et au remboursement d'une somme de 58 francs 60 centimes "pour prix des effets qu'il a emporté appartenant à la République" (Arch. Dép. 63, L 1648).
(2): Les causes de désertions étaient multiples: l'attachement au pays, la peur de la mort et des blessures, etc...Les déserteurs étaient les conscrits ayant répondu lors de la revue, mais qui avaient disparus en cours de route. Les réfractaires étaient les conscrits qui, à l'expiration d'un mois, ne s'étaient pas présentés ou n'avaient pas fait accepter un suppléant: ils étaient déclarés conscrits réfractaires par le préfet. À partir de 1802, la loi instaura le remplacement.
"Cependant cette action ne pouvoit Rester impunie d'après le Rapport qui en fut fait au citoyen préfet (3) et au Général Beker (4) il fut de concert avec les chefs de la Gendarmerie arrêté qu'on feroit dans cette commune une fouille générale ches les parans et Receleurs des déserteurs.
(1): Gabriel Moneron, né à Beaumont le ...1774, fils de ...et de ;.., jugé par contumace le 21 brumaire an VIII (12 novembre 1799) par le 1er Conseil de Guerre des troupes de l'Artillerie de Marine siègeant à Toulon et condamné à cinq ans de fers et au remboursement d'une somme de 58 francs 60 centimes "pour prix des effets qu'il a emporté appartenant à la République" (Arch. Dép. 63, L 1648).
(3)Le préfet Sugny: Marie-Jean-Baptiste-Antoine Ramey de Sugny, préfet du Puy-deDôme de 1800 à 1804, né le 17.10.1746 à St-Just-en-Chevalet (Loire), décédé le 31 mars 1804 à Clermont.
(3): Le Général Beker: Nicolas Léonard Bagert dit Beker , Comte de Mons, né à Obernai (Bas-Rhin) le 14.01.1770. Il épousa la sœur aînée du général Desaix après la mort de ce dernier survenue à Marengo et fit les campagnes de l'Empire. Le général Beker s'attacha au Puy-de-Dôme où il commanda les troupes et où il fut élu député en 1815. Mort le 18.11.1840 à Aubiat (Puy-de-Dôme). Son neveu adoptif, Félix Martha-Beker, est l'auteur d'une histoire du général Desaix.
"En conséquence au-jourd'hui douze ventôse an dix de la République Le lieutenant Leroux s'est Rendu au point du jour dans le lieu de Beaumont avec un détachement de Gendarmerie et Soixante huit hommes de la 59 ème demy brigade d'infanterie de Ligne commande par Le Capitaine Mazure (4) le village ayant été cerné et la troupe distribuée dans les Rues, La Gendarmerie a commancé ses Recherches, au Bruit que L'on faisoit pour faire ouvrir les portes voisines le nommé pierre herbaud cultivateur a ouvert la sienne, voyant la troupe il l'a refermée Soudain puis l ouvrant de nouveau il a pris la fuite en chemise à travers les soldats, dans sa course il a Renversé Jean Baptiste Tétu Sergent qui voulait l'arréter alors françois Guillot fusilier de la dite demi brigade aux cris d'arrêter arrète a voulu Barrer le passage au déserteur en lui présentant le Bout du fusil et criant arrète au nom de la loi, mais ce dernier avoit tellement perdu la tête qu il s'est précipité Sur L'arme S'est passé la Bayonnete au travers du corps a culbuté le factionnaire dans un amas de Boue a emporté le fusil et est allé tomber a quelques pas, L'arme emportée dans le corps, le factionnaire Renversé tout prouve que ce déserteur S'est lui méme enferré ce fait est d'ailleurs attesté par le dit tétu Sergent par le fusilier Darfeuil et le gendarme Favet.
(4): La 59e demi-brigade d'infanterie de ligne: unité casernée à Clermont.
"L'action du blessé, le désordre de ses sens prouvent jusqu'a certain point que cet homme n'étoit point coupable (de) désertion Seulement car alors il (aurait) atendu qu'on eut frappé a sa porte Se fut caché dans Sa maison ou (se) seroit échapé a L'aide des maisons voisines comme L on fait la plus part des autres déserteurs Sans doute il étoit un de ceux qui avoit enlevée a La Gendarmerie le condamné aux fers peutaitre mème étoit il L'auteur d'un assassinat commis dans beaumont quelque moment avant L'arrivée de La Force armée Sur la personne de jacques Buisson peigneur de chanvres natif d'Auzelle en ce département tué d'un cout de fusil a l'instant ou il paressoit sur la porte pour Répondre à L'assassin qui l'appelé.
"Le Lieutenant Leroux a étoit instruit de se crime par le maire (6) au moment ou il venoit d'aprendre L esvenement du déserteur ci dessus, les recherches n ont point encore donnés d'indisse Sur les auteurs de cet attenta; dans la foullie (fouille) faite a Beaumont Michel Tartara Réquisitionnaire Etienne Bouchet conscrit tous deux de Beaumont, et Jean Magne Réquisitionnaires du lieu de Mozat ont été arrété.
Le Capitaine de Gend e
Siaume."
(6): Antoine Costes, Notaire à Beaumont, Maire de 1800 à 1813.
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On pouvait essayer d'échapper à la conscription en se déclarant malade auprès de la municipalité, afin d' obtenir un certificat.
Je possède dans les archives familiales un tel certificat (qui pouvait être de complaisance?), accordé le quatre ventôse an huit (23 février 1800) par les officiers municipaux (mes parents Pageix y figurent en nombre...) au jeune Jean Bernard (un autre parent...):
"Nous soussignés officiers Municipaux du Canton de Beaumont, certifions que les citoyens jacques Banniere cultivateur habitant de la Commune de Beaumont, Louis Châton Maçon aussi habitant de laditte Commune l'un et l'autre agé de plus de soixante ans, Claude pageix, agé de trente trois ans cultivateur jean Ranvier Boucher agé de trente trois ans aussi habitans de la commune de Beaumont, ont comparus ce jourdhuy devant nous, et nous ont déclaré et attesté qu'il etoit de leur connoissance que le citoyen jean Bernard fils a feu Léger, etoit atteint de fréquents maux de tête tellement violents qu'il en crachoit le sang, qu'il l'ont souvent vu dans cet etat notamment depuis quelques années, que dernièrement il en eut un accès qui fit craindre pour sa vie, et que ledit jean Bernard, n'a pu se présenter au jury de Révision militaire, parce qu'il etoit a cette epoque hors d'etat de se rendre a Clermont pour cause de maladie, et ont lesdits Ranvier et pageix signés avec nous, lesdits Banniere er Châton ont déclarés ne savoir signer de ce enquis a Beaumont le quatre ventose an huit de la République franaise une et indivisible (dimanche 23 février 1800).
"Pageix (Claude, fils d'Étienne, Maire en 1791) / Ranvier /Pageix agt (Pierre Pageix aîné, mon aïeul, agent municipal de Beaumont de 1799 à 1800, père de Jacques ci-après)
"Brunmurol agt / Faye ad (Adjoint au Président)
"Recolene pt (Président de l'Administration cantonale)
"Pageix Sre (Secrétaire de la municipalité): Jacques Pageix, ancien officier municipal de 1795 à 1797, révoqué le 7 mars 1798 pour avoir protesté contre l'arrestation d'un prêtre réfractaire (l'abbé Jean Bernard), n'en continua pas moins à remplir les fonction de secrétaire de la municipalité de Beaumont! (voir article sur les Maires de Beaumont).
Jacques Pageix, 2013
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