Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 juillet 2013 7 14 /07 /juillet /2013 19:03

3.2.5 Le Maroc: l'opération "Torch" (novembre 1942), le "Coastal Command" (juin 1943-août 1944). 

 

À Rabat, mes parents furent d'abord logés chez le Directeur des Chemins de Fer du Maroc, Monsieur Feuilly, polytechnicien; il aimait à le rappeler à ma mère dont le temps était partagé entre l'étude de l'anglais et de l'arabe (*), la pratique de la natation à la piscine, et de l'aviron sur le Bouregreb. Il lui disait: "Petite maman, il faut se coucher tôt; j'ai gagné polytechnique en me couchant à 9 heures"...(*): je me souviens de ses cahiers d'écolier remplis de sa belle écriture et de calligraphies arabes.

Mes parent furent aussi accueillis par un membre de la famille de ma mère, Monsieur Mège, qui était Armateur au Maroc; il était originaire comme ma mère du Cantal, de Saint-Hyppolite, commune voisine de Cheylade, lieu de naissance de ma mère.

 

Au cours de leur séjour marocain, mes parents fréquentèrent aussi le couple Charles et Germaine Bureau, maraîchers installés à la ferme Santa Maria, à Mazagan, route de Casablanca, kilomètre 4 (l'actuelle El Jadida). Germaine était la fille d'Eugène Cromarias, ingénieur des mines, grand oncle de mon père du côté de sa mère. On les voit, photographiés dans la palmeraie de la ferme...(Voir la biographie d'Eugène Cromarias dans ce blog). Charles Bureau, ingénieur électricien (Supélec Grenoble), était lui aussi le fils d'un ingénieur des mines...

 

 

 

Ensuite, ils habitèrent successivement rue du Lieutenant Revel, puis 8, rue de Foix (cf plan de Rabat).

 

Lors du débarquement américain, les 7 et 8 novembre 1942 (Opération "Torch"), la confusion est totale, en raison de l'attitude coupable du résident Général Noguès: il y eut de courts, mais regrettables affrontements avec nos libérateurs au cours des premières heures, où l'on déplora quelques combats aériens fratricides et plusieurs victimes de part et d'autre.

Pourtant, si l'armée de l'Air française au Maroc, poursuivait un entraînement intense, tout en effectuant des missions de protection des convois en mer Méditerranée (coastal-command), c'était bien dans la perspective de servir et de participer le moment venu aux combats contre l'occupant.

Dans la confusion, mon père reçut l'ordre imbécile (verbal bien sûr) de brûler tous les avions de son escadrille. Il se contenta de mettre le feu à une épave...Évidemment, on lui dit plus tard qu'on ne le lui avait jamais demandé! Lorsqu'il me raconta cette histoire, mon père me fit remarquer: " Il faut toujours exiger un ordre écrit".

Après le débarquement U.S., les français furent complètement "américanisés": habillement, matériels, méthodes, etc.

 

DSC06705cp.JPG

 

Même les boîtes d'allumettes sont américaines!

Celle-ci appartenait à mon père

(elle lui servait à conserver les cartouches de son revolver!...) Coll. J.Pageix. 

 

Nota 1: Le commandant en chef des forces expéditionnaires américaines,  le Général Dwight D. Eisenhower, avait pourtant fait lancer des tracts par avions pour prévenir de l'imminence d'un débarquement et manifester ses intentions pacifiques dans ce message du président Franklin D. Roosevelt:

 

 

Le Président des Etats-Unis m'a chargé comme Général Commandant en Chef des Forces Expéditionnaires Américaines de faire parvenir aux peuples de l' Afrique Française du Nord le message suivant :

 

Aucune nation n'est plus intimement liée tant par l'histoire que par l'amitié profonde, au peuple de France et à ses amis que ne le sont les Etats-Unis d'Amérique

 

Les Américains luttent actuellement, non seulement pour assurer leur avenir, mais pour restituer les libertés et les principes démocratiques de tous ceux qui ont vécu sous le drapeau tricolore.

 

Nous venons chez vous pour vous libérer des conquérants qui ne désirent que vous priver à tout jamais de vos droits souverains, de votre droit à la liberté du culte, de votre droit de mener votre train de vie en paix.

 

Nous venons chez vous uniquement pour anéantir vos ennemis.

 

Nous venons chez vous en vous assurant que nous partirons dès que la menace de l'Allemagne et de l'Italie aura été dissipée.

 

Je fais appel à votre sens des réalités ainsi qu'à votre idéalisme.

 

Ne faites rien pour entraver l'accomplissement de ce grand dessein.

 

Aidez nous et l'avènement du jour de la paix universelle sera hâté".

 

 

Nota2: beaucoup ont oublié que l'organisateur du débarquement allié au Maroc fut un amiral anglais, Sir Bertram Ramsay, qui organisa aussi l'évacuation des troupes anglaises à Dunkerque (opération dynamo) et le débarquement de Normandie (opération "overlord")! Il trouva malheureusement la mort en janvier 1945 dans le crash de son avion qui venait de décoller de Toussus-le-Noble pour l'emporter vers le quartier général de Montgommery, à Bruxelles, pour une conférence (l'avion, un Lokheed Hudson, surchargé par le givre qu'on avait négligé d'enlever, s'écrasa au décollage). J'ai participé, en janvier 1995, avec son fils David venu des Etats-Unis (Californie), aux commémorations du cinquantenaire de sa disparition, à Toussus où l'on a érigé une stèle, et à Saint-Germain en Laye où il repose.  

2-Biographie Paul Pageix-Au Maroc: le coastal-command, le retour en métropole et la reconquête du territoire, l'occupation en Allemagne

Le tract que le général Dwight D. Eisenhower avait fait lancer sur le Maroc avant le débarquement américain des 7 et 8 novembre 1942 (opération "Torch"). (coll.pers.)

 

Naissance de mon frère Jean-Pierre à Rabat le 13 février 1943. 

 

Le 1er avril 1943, le groupe passa à trois escadrilles. La 3e escadrille du 1/5, qui reprit les traditions de la SPA 155, eut une existence éphémère, jusqu'en juillet 1943; elle fut constituée à partir de l'escadrille des Petits Poucets qui, avec les "Diables Rouges", constituait le groupe 2/4 qui venait d'être dissout. Le Lieutenant Max Vinçotte, devenu capitaine, prit le commandement de cette escadrille et chargea mon père d'organiser l'entretien de ses avions.

Un défilé aérien eut lieu pour commémorer cet événement, avec les 3 escadrilles du groupe (1ère: Cne Marin la Meslée), 2e: Cne Dugas et 3e: Cne Vinçotte). 

 

De passage au Maroc, St-Exupéry fait des conférences (St-Ex revenait alors d'un séjour aux États-Unis, pour se réengager dans l'armée de l'Air , dans la reconnaissance où il avait déjà brillamment servi pendant la Bataille de France). On sait qu'il se fit lâcher sur P38 bimoteur "Lightnight"et qu'il fit des missions sur cet appareil délicat, normalement interdit aux pilotes de son âge (et l'on sait quel fut son destin). Il était déjà passé par Rabat en novembre 1940, avec le général Chambe, alors qu'il se rendait aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, où il continua à travailler à la publication de ses œuvres, il fit la connaissance du couple Charles Linbergh et Anne Morrow et  y fit une véritable croisade pour l'intervention américaine. Conservant son indépendance de vue, il fut considéré à tort comme anti-gaulliste parce qu'il prônait la réconciliation des factions opposées (Voir ses "Écrits de guerre").

 

Le 25 juin 1943, le groupe abandonne ses bons vieux P 36 Curtiss et touche des P39 « Airacobra » . Six pilotes partent à Bérréchid à l'école de chasse américaine pour s'y entraîner sur P 39 jusqu'à concurrence de six heures de vol .

 

 

Le Bell  "Airacobra" P 39

 

Le P 39 était une curieuse machine : le Curtiss avait un train classique : deux roues et une roulette de queue alors que le P39 avait un train tricycle. Son originalité était la position du moteur dans le dos du pilote avec l'arbre de transmission à l'hélice qui passait entre ses jambes. L'appareil vibrait (voir témoignage de mon père en annexe) et il y eut beaucoup d'accidents en entraînement... Les américains firent une première modification (type S) avec hélice quadripale, puis une version « améliorée » de cet avion, le « Kingcobra, qui fut utilisé en 1946-1947 en Indochine.

 

Les américains se trouvèrent avec un énorme stock de ces appareils, et ils en vendirent énormément aux Russes. Vers 1994, j'ai eu l'occasion de faire l'enquête-accident d'un Kincobra (justement frappé de l'étoile rouge) qui revenait de la Ferté-Alais et qui s'était littéralement planté dans un terrain vague attenant à la propriété du comédien-imitateur de talent Michel Lebb, que ce dernier venait d'acquérir...(Parler ici des méthodes américaines)

 

Au moment du débarquement de Provence, les groupes furent dotés du P47 « Thunderbolt, puissamment armés et qui furent utilisés non plus en chasse libre, mais comme bombardiers d'appui au sol (ce qui coûtera la vie au commandant du groupe, Marin la Meslée, en Alsace).

 

 

tafaraoui.jpg

 

Un moment de détente à Tafaraoui (Algérie) ,

pilotes et mécaniciens confondus.

Mon père est de profil, buvant à sa gourde.

Je ne reconnais que Maurice Tallent,

debout avec un sac à dos à bretelles.

 

Il fut envoyé en stage à Bamchif du 8 au 29 mai 1943, et suivit le groupe 1/5 à Médionna (Maroc) le 2 août 1943 et à Tafaraoui (Algérie) le 3 septembre 1943 pour participer au coastal-command. 

 

Le coastal-command en Méditerranée, qui consistait en la protection des convois maritimes, toujours menacés par les sous-marins et l'aviation allemande,  nécessita un état d'alerte permanent de tous les hommes qui furent en quelque sorte mis au secret sur des sites militaires du nord de l'Algérie. Il dura 3 septembre 1943 au 31 août 1944; à Tafaraoui jusqu'au 8 janvier 1944, puis à Oran la Sénia. Ma mère fut quasiment sans nouvelle de mon père pendant cette période et il ne faut pas s'étonner que mon frère, qui avait grandi entre-temps, lui ait dit "Bonjour Monsieur" à son retour.

 

 

Quelque part du côté de Tafaraoui... Mon père (en short et béret!) assis au bord d'un oued.

 

Murtin eut à cette époque un terrible accident: son avion entra en collision avec un autre au-dessus de la méditerranée. Il s'en tira miraculeusement, masi au prix de la perte d'une jambe. Le commandant Monraisse, un cantalien d'Aurillac, lui succéda à la tête du groupe.

 

La préparation du débarquement de Provence de la 1ère Armée de Lattre ("Rhin et Danube").

 

Rabatdetente.jpg

 

Un autre moment de détente...admirez les semelles cloutées!

 

Le 14 avril 1944, le Général de Gaule vint en personne passer en revue le groupe de chasse 1/5.

 

255.jpg

 

           Oran-La-Sénia, le 13 avril 1943: une visite du Général de Gaulle

à laquelle mon père assista.

Accompagné du  Commandant  Marin-le-Meslée,

le Général salue le peloton d'honneur du GC 1/5.

"Il promet ensuite au groupe une part importante

dans la future bataille de France" (réf. JMO 2e esc.)

3.2.6 Le débarquement de Provence avec la première Armée de Lattre ("Rhin et Danube"): opération "Dragoon" août 1944; la reconquête (août 1944-mai1945)

 

 

Le débarquement de Provence, opération d'abord codée "Anvil" (enclume), puis rebaptisée "Dragoon" par Churchill, avec 151000 soldats alliés, dont faisait partie la 1ère Armée de Lattre, eut lieu entre Marseille et Nice le 15 août 1944, soit deux mois après le débarquement de Normandie baptisé "Overlord".

Leclerc, avec sa 2ème DB, après de durs combats en Normandie et aux portes de la capitale, entra dans Paris dès le 22 août. La 1ère Armée commandée par le Général de Lattre de Tassigny (futur Maréchal de France, surnommé par ses troupes "le roi Jean"), réussit dès son débarquement à vaincre, ici et là, la résistance ennemie (à Marseille et Toulon notamment), et ne rencontra que peu d'obstacles lors de sa progression vers le nord de la France, en raison du retrait des allemands, qui se maintinrent néanmoins dans le sud-ouest et dans ce qu'on appela la "poche de Royan". 

En revanche, la 1ère Armée n'atteignit la trouée de Belfort que le 19 novembre et Leclerc, quant à lui, accomplissant ainsi son serment de Koufra, put entrer victorieux dans Strasbourg le 23 novembre.

Comme on le sait, l'offensive des Ardennes menée par Von Runstedt au cours de l'hiver 44/45 retarda notablement l'avance des Alliés vers l'Allemagne. 

 

Bien évidemment, mon père, tout comme le personnel de son groupe, ne fit pas partie des unités qui débarquèrent sur les plages provençales, mais fut acheminé dans un premier temps directement vers la base de Salon. Son groupe fut tout naturellement intégré à la 1ère Armée de Lattre et on leur fit coudre sur l'épaule le fameux écusson "Rhin et Danube". En février 1945, Colmar, libérée par la 1ère Armée, lui conféra le droit pour tous ses soldats de porter le blason de la ville (la masse d'arme en or avec quelques lignes ondulées bleues symbolisant les flots du Rhin, du Danube et des plages de débarquement de la méditerranée: St-Tropez, Ste-Maxime, St-Raphaël et Cavalaire).

 

RhinetDanube.JPG

 

Blason "Rhin et Danube" porté par mon père sur son uniforme.

 

Le 10 septembre 1944, les hommes du 1/5 abandonnèrent sans regrets le "Coastal Command" en Afrique du Nord pour rejoindre directement leur premier aérodrome du sud de la france, Salon, le 30 septembre, puis Ambérieu le 7 décembre et Dôle le 29, progressant ainsi de terrain en terrain vers l'Alsace. C'est au profit de l'Armée de Lattre que le 1/5 fut chargé sous le commandement de Marin la Meslée de missions de harcèlement et de destruction d'objectifs sur les têtes de pont ennemies et au-delà. En quittant le Maroc, pilotes et mécaniciens laissèrent, également sans regrets, leurs P39, et leur groupe fut équipé du P47 "Thunderbolt", chasseur-bombardier lourd et puissamment armé.

 

 

Le Republic "Thunderbolt" P47.

 

 

Comme l'ensemble des mécaniciens, mon père traversa la Méditerranée du 16 au 19 septembre, laissant ainsi son épouse et son fils au Maroc. Ceux-ci demeuraient toujours 8 rue de Foix à Rabat. Ma mère s'impatientait naturellement de le rejoindre, comme elle l'écrivait à sa tante Isa du Péage, à Lanobre (Isabelle Bloch, née Moulier):

"7 novembre 1944. Ma chère Isa. J'espère que vous êtes tous en bonne santé au Péage, que tu as de bonnes nouvelles de tonton (Edmond Bloch). Si tu penses le voir, embrasse le bien de ma part. Je suis heureuse de pouvoir te parler de mon petit Jean Pierre. Il aura 21 mois le 13 et possède une santé magnifique. La vie pour nous est très confortable mais je n'ai qu'une hâte: rejoindre Paul actuellement en France. J'espère que cela ne saurait tarder. En attendant j'ai de bonne nouvelles tous les jours. Vite le plaisir de vous revoir tous et mille baisers affectueux. Alice."

 

Mon père avait rejoint l'aérodrome de Salon, où le 1/5 était installé depuis le 30 septembre. Ensuite, ce fut la progression vers le nord, au fil des succès militaires: le terrains d'Ambérieux le 4 décembre, Dôle le 27 décembre et, plus tard, Luxeuil le 25 mars 1945, puis enfin, à la veille de l'armistice, Strasbourg, le 26 avril 1945. La contre-offensive des Ardennes, menée à la mi-décembre 1945 par Von Rundstedt, avait en effet considérablement freiné l'avance des alliés.

 

Plus tard, comme ses camarades mariés qui avait laissé leurs épouses au Maroc, mon père vint chercher ma mère et le couple traversa à nouveau la Méditerranée à bord du paquebot de la Compagnie Transatlantique "Gouverneur Général Jonnart"(*) ; ma mère et mon frère l'accompagnaient, ainsi que des collègues de mon père qui rapatriaient aussi leurs épouses...(Je n'ai pas retrouvé les dates de ce voyage, mais les photos les montrant en chemisettes confirme la date indiquée sur le passeport de ma mère: embarquement à Oran le 17 avril 1945). Je comprends maintenant pourquoi ma mère me disait: "Quand ton père est venu nous chercher, Jean-Pierre (mon frère aîné né au Maroc en 1943) lui dit: Bonjour Monsieur!"

 

      

 

Retour vers Marseille à bord du "Gouverneur Général Jonnart"

17/18 avril 1945. Photo ci-contre: ma mère, mon père (pour une fois sans cravate) et Mme Imbert.

 

Photo ci-dessous: mon père et Mr Imbert, mécanicien.

 

 

 

Pas toujours....

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) : Gouverneur Général Jonnart: Charles-Célestin, gouverneur d'Algérie de 1900 à 1911 et de 1918 à 1919. Le port d'attache de ce paquebot était Marseille.

 

 

 

Décidément, mon père avait une ressemblance avec le Prince Philip, ce qui faisait dire à mon grand père Juillard qu'il devait avoir des origines britanniques. Quant à moi, je lui trouve parfois un petit air de ressemblance avec Mermoz:

 

 

 

      AfMed_Governeur_G_Jonnart02.jpg

 

 

 

 Le Gouverneur Général JONNART,

 

paquebot de la Compagnie Transatlantique.

 

 

Au sein du groupe, on avait assurément le sens de l'humour: je n'ai pu résister à l'envie de présenter ici un passage du journal de marche du 1/5 qui m'avait bien diverti et qui montre que les pilotes, pour évacuer leur stress, comme on dit aujourd'hui, savaient, pendant leurs rares moments de détente, manier la dérision et l'humour.

Comme la plupart des groupes d’aviation, le 1/5 «Champagne » avait une mascotte en la « personne » d’un petit chien blanc, genre bichon, baptisé d’un nom à mon avis assez peu reluisant:  Écrasite... À en croire le journal de marche où l’on consignait au quotidien tous les hauts faits du valeureux groupe de chasse, ce sympathique cabot accompagna tout de même les pilotes dans un nombre impressionnant de missions périlleuses, ce qui lui valut d’être décoré de la croix de guerre avec palme en os et cité à l’ordre de l’armée canine !

 

ecrasit.jpg

 

Départ de mission d'Écrasite à bord d'un P-47 "Thunderbolt"

avec le pilote Sgt Commenoz  du 1/5 (arch. Gensonnet) 

 

 

Voici sa citation consignée dans le journal de marche: 

 

« Jeune chien ardent et volontaire qui s’est très vite révélé un observateur de grande classe et un combattant émérite;

« A effectué 47 missions de bombardement et de mitraillage rendues très dures par les conditions atmosphériques et la DCA ennemie;

« A pris une grande part aux combats pour la libération de l’Alsace et contre la poche de résistance allemande de Spire;

 « En particulier, le 15 mars 1945, à 21000 pieds, sans inhalateur, malgré la DCA intense et précise, a participé à la coupure d’une voie ferrée particulièrement importante pour l’ennemi ». 

 

Lors de cette glorieuse mission, accomplie à haute altitude et sans inhalateur, on peut imaginer que ce pauvre chien, à court d'oxygène,  dut tirer une langue bien longue...

 

Pour faire valoir auprès de la presse locale les talents émérites d'Écrasit, on fit en sorte, à l'occasion d'une cérémonie en l'honneur du groupe, de lui ménager une interview par les journalistes accourus ce jour-là en grand nombre. Évidemment, ceux-ci ne purent tirer du cabot que quelques aboiements, certes expressifs, mais hélas bien peu compréhensibles pour les humains...Et encore, ce brave chien n'aboya que pour réclamer sa participation à une autre mission!

 

Voici la narration du journal de marche:

 

"Les journalistes et reporters radio, après l'interview du pilote, la prise de son du briefing, et le retour de la mission, profitent de leur présence sur le terrain pour faire connaissance d'Écrasite.

"C'est un charmant petit chien blanc, d'un genre tout à fait chien mondain, mais qui a une passion pour l'Aviation et en particulier pour les missions de guerre.

"Le reporter radio aurait voulu enregistrer une interview d'un tel héros, mais malgré les efforts de deux officiers, et d'un sous-officier accroupis par terre et faisant de leur mieux pour l'exciter, Écrasite aussi brave que modeste ne voulu jamais aboyer.

"Il ne retrouva une voix que pour réclamer sa place dans la deuxième mission".

(pages 111/112 du Journal de Marche, du 22 mars 1945).

 

ppageix3.jpg 

     Son poignard.

 

Mon père avait fait fabriquer son poignard (ou dague) chez Sabathier à Thiers, capitale auvergnate de la coutellerie. Contrairement aux autres Armées (Mer et Terre), dont les unités combattantes pouvaient se permettre de porter le sabre (d'où l'expression de "traîneurs de sabre"), l'Armée de l'Air ne pouvait porter que des poignards, évidemment plus compatibles avec l'exiguïté des cabines de pilotage; le manche était blanc pour les pilotes et bleu pour les mécaniciens.

 

3.2.7 L'occupation en Allemagne à Trèves (1945-1946)

 

Après la chute de Berlin et l'armistice du 8 mai 1945, chaque pays allié se vit attribuer une zone d'occupation militaire. De Gaulle, au moment de conférence de Yalta à laquelle il ne fut pas invité, avait prêché sans succès auprès de Staline, Roosevelt et Churchill le rattachement pur et simple de la Rhénanie à la France, ce qui recréait les conditions de l'Armistice de 1918. L'Armée française occupa toutefois cette région et le "1/5" s'installa à Trèves (Trier) le 2 septembre 1945.

 

En dépit de la situation d'un pays vaincu qui connaissait la pénurie, mes parents furent confortablement logés dans une villa située Coblentz-Strasse et servis par une bonne allemande dont j'ai oublié le nom.

 

Ma mère me raconta une anecdote qui reflète un trait de caractère de mon père: beaucoup d'objets de valeur (porcelaines, tableaux et bibelots divers), rassemblés à l'intérieur de la mairie furent "mis à la disposition" des militaires conquérants; mon père se contenta de prélever un sabre nazi dont la poignée est un lion aux yeux de rubis que je possède encore, ainsi qu'un drapeau américain que j'ai perdu...Encore considéra-t-il le sabre comme une prise de guerre, tout en faisant remarquer à ma mère que "les allemands ne lui avaient rien pris".

 

ppageix6

 

 

"Prise" de guerre: le sabre d'un dignitaire nazi...

lame en acier de Solingen  et lion aux yeux de rubis.

 

Il rapporta quelques planches de timbres de la zone française (photo timbres Gœthe, Schiller, etc))

Le 9 juillet 1946, mon père reçut la Médaille de l'Aéronautique récemment créée. Il était donc parmi les premiers à la recevoir (N° 368; celle de son fils, quelques années plus tard, porte le N° 18562...). C'est Marin la Meslée, son ami, qui commandait le groupe alors qu'il fut mortellement touché par la flak allemande le 4 février 1945 au dessus de l'Alsace, qui fut à l'origine de sa création:

 

Marin la Meslée écrivait en effet, dans un "Rapport sur le moral" adressé le 4 janvier 1945 à l'État Major: " Malgré les nombreuses demandes qui ont été faites, aucune récompense n'est prévue pour le personnel à terre. Il faudrait cependant qu'après la guerre le personnel qui a passé une partie ou la totalité de la guerre dans un groupe engagé avec les risques professionnels et militaires que cela comporte ait la satisfaction d'avoir une décoration  qui le distingue de ses camarades. Il faut créer une médaille de l'Air qui servirait non seulement à récompenser le personnel navigant effectuant des services aériens à l'arrière mais aussi le personnel à terre des groupes engagés".  

 

La mort de son Commandant, Edmond Marin la Meslée, avec qui il avait des liens d'amitié, l'affecta certainement; il fit partie du détachement d'honneur qui veilla sa dépouille lors des obsèques qui eurent lieu le 12 février à Rustenhardt en Alsace. Ensuite, le 26 février eut lieu une grande cérémonie en la cathédrale de Dôle.

Peu après, le Général de Lattre de Tassigny, commandant la 1ère Armée française, félicita les personnels du groupe pour sa contribution à la reconquête de la Haute-Alsace.

 

 

ppageix3-copie-1.jpg

 

 

La fourragère, l'écusson du groupe I/5 (cigogne et faucon doré), la Médaille Militaire et la Médaille de l'Aéronautique.

 

 

 

2-Biographie Paul Pageix-Au Maroc: le coastal-command, le retour en métropole et la reconquête du territoire, l'occupation en Allemagne

Par la suite, mon père aurait dû logiquement recevoir la Légion d'Honneur. Il fut proposé dès 1946, et cela dura jusqu'en 1967! Ayant fait le sacrifice d'aller en Indochine, il est vrai qu'il était revenu au bout d'une année sur sa demande, mais d'autres militaires plus "carriéristes", restés "sagement" en métropole après avoir refusé leur affectation, obtinrent avancement et décorations...Voir à ce propos la note du Général Andrieu qui ne mâche pas ses mots à cet égard.   

 

Naissance de Jacques. Mon père ne souhaita pas que je naisse à Trèves car (peut-être) n'avait-t-il pas confiance dans les cliniques allemandes de l'époque...Ma mère, sage-femme et infirmière, rappelons-le, pris donc le train pour Clermont-Ferrand où elle accoucha dans la maternité où elle avait fait ses études médicales! Je suis donc né le 2 avril 1946 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) et l'on me baptisa aussitôt après, le 25 avril à Lanobre (Cantal), c'est à dire un mois seulement avant le départ de mon père pour l'Indochine, le 25 juin 1946!

Voir suite 3 ...

Partager cet article
Repost0

commentaires

J
Ce serait très aimable à vous si vous pouviez m'en communiquer une copie. J'ai beaucoup d'autres photos de cette époque que je compte publier aussi dan ce blog. Mon adresse mail est jacques.pageix@gmail .com<br /> Bien cordialement.<br /> Jacques pageix
Répondre
S
je possede une photo de novembre 1944 avec 4 militaires : humbert - six - vivian -lux, mon père était volontaire au Maroc et était après le débarquement à Marseille au 425 rue Paradis
Répondre