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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 19:11

(En cours de rédaction)    

 

 

Paul Pageix

 

(1912-1970)

 

 

Une carrière militaire et civile vouée à l'Aviation.

 

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paul pageix

 

À Beaumont, au retour d'Indochine,

1947

 

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Biographie

 

 

 

                                                                              Jacques Pageix 2013  

 

 

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Paul PAGEIX

 

Officier-mécanicien du groupe de chasse 1/5 "Champagne",

 

Ingénieur à la Direction du Matériel d'Air-France.

 

 

1-Avant-propos

 

-En premier lieu, cette biographie de mon père s'appuie sur mes propres souvenirs, qui se sont malheureusement estompés au fil du temps. De plus, ces souvenirs se réduisent nécessairement aux périodes vécues en sa présence: ils commencent pour moi en 1949, alors que nous étions à Versailles (mais peut-on se fier à la mémoire d'un enfant de trois ans?) et se terminent avec sa disparition, en 1970. Encore faudrait-il retrancher ses absences du domicile, en particulier ses nombreux séjours aux Etats-Unis, au sein des usines Bœing à Seattle, entre 1956 et 1967 (ces séjours duraient parfois plusieurs mois), ainsi que mes propres absences du domicile parental, lorsque je fus mis en pension chez les frères à Clermont-Ferrand de 1959 à 1962 et, plus tard, en 1969, lorsque j'étais à Toulouse en deuxième année d'élève-ingénieur à l'École Nationale de l'Aviation Civile, qui avait quitté Orly cette année-là pour occuper les bâtiments flambant neufs de Toulouse. J'ajoute que mon père se levait tôt et travaillait le samedi matin et parfois le dimanche. De ce fait, nous ne le voyions guère que le soir...

Quoi qu'il en soit, mon père était peu bavard, surtout à propos de sa propre carrière ; bref, il ne m'a pas prodigué beaucoup de témoignages à cet égard. Je me souviens toutefois qu'avant d'atteindre l'âge mûr, à l'issue de quelques repas, il distillait parfois quelques souvenirs sur le groupe 1/5 et les péripéties de la guerre: je n'ai hélas retenu qu'une anecdote sur l'art et la manière de disperser les avions au sol pour limiter la casse lors des bombardements ou des mitraillages...

 

-En second lieu, ce récit a pu être complété par mes recherches, entreprises dans les années 1980, lorsque je fus nommé Commandant de l'Aéroport international d'affaires de Toussus-le-Noble:

 

J'eus alors l'occasion d'échanger quelques lettres et de converser au téléphone avec plusieurs acteurs de l'épopée vécue par son groupe de chasse, le fameux 1/5: ce fut d'abord le Colonel Hubert Boitelet, ancien pilote de la deuxième escadrille, alors Vice-Président de l'Aéro-Club de Bergerac (Dordogne), puis André Couvelaere, ancien mécanicien, retiré à Outreau (Pas-de-Calais).

 

Nommé à Toussus-le-Noble en septembre 1982, j'avais manqué de peu un autre ancien du "1/5": Maurice Tallent, lui aussi pilote de la deuxième escadrille, qui venait de quitter son poste de Chef des relations avec les riverains au sein d'Aéroports de Paris et de partir en retraite...Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de le contacter.

 

-Plus récemment, ayant découvert le site internet créé par le fils de Dominique Penzini, pilote de la 1ère escadrille, j'ai pu à cette occasion correspondre avec un autre ancien pilote, Lucien Inguimberti (voir la photo de la 3 ème escadrille à Rabat qu'il m'a aimablement communiquée, et les extraits de son témoignage en annexe).

 

-Ensuite, dans les années 2000, alors chef de cabinet de la Direction de l'Aviation Civile Nord, j'ai passé quelques temps à Vincennes, aux archives de l'Armée de l'Air, où j'ai pu me plonger dans le dossier de la carrière militaire de mon père et consulter les archives de son groupe (journal de marche, etc.). 

 

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Dossier militaire de Paul Pageix.

 

-Il y a peu, j'ai pu bénéficier de beaucoup d'informations et de photos de la part de M. le Colonel Olivier Lapray, auteur d'un ouvrage sur le 1/5 et ses avions P 36 Curtiss, et plus récemment d'un autre sur les avions P 47 Thunderbolt. Il est lui-même un ancien Commandant de l'escadron de chasse E/C 02.003 "Champagne" qui avait repris à son compte les traditions du GC 1/5. 

 

-Une série de photos faites par mon père avec son Zeiss Ikon concerne sa vie militaire mais ne la couvre pas entièrement: ainsi, l'Indochine en est presque totalement absente. Quelques photos de son enfance, de sa jeunesse, et de l'âge mûr viennent compléter ce fonds.

 

-Quelques documents concernent la période d'Air-France.

 

-Le 25 avril 2013, j'ai consulté son dossier aux archives d'Air France, situées près de l'ancien siège de la Direction du Matériel à Orly. Celui-ci renfermait surtout des décisions d'avancement permettant d'établir une chronologie de sa carrière au sein de la compagnie.

 

-Enfin, plusieurs ouvrages ont été publiés sur le 1/5 et certains évoquent mon père (voir dans la rubrique "11-Bibliographie").

 

C'est en m'appuyant sur tout cela que je me suis finalement lancé -non sans quelques hésitations, je dois l'avouer- dans la rédaction de cette biographie de mon père, dont j'avais inconsciemment repoussé l'échéance en me consacrant jusqu'ici à des parents plus éloignés. On doit en effet préalablement surmonter une certaine pudeur lorsqu'il s'agit d'exposer à la lumière l'existence d'un être qui demeure -malgré l'usure du temps- toujours aussi proche...

2-Le milieu familial, la naissance, et la jeunesse  

 

Paul Pageix est né le 29 mars 1912 à Beaumont (Puy-de-Dôme), berceau de la famille Pageix, installée dans ce bourg viticole depuis au moins 1585 (voir article consacré à cette famille). Elle a fourni des prêtres sous l'Ancien-Régime et des Maires pendant la Révolution et la Restauration (voir les articles "Prêtres des lumières" et "Les Pageix Maires").

Il fut baptisé le 18 juillet 1912. Je conserve le menu du repas de baptême qui réunit 19 convives, et fut très copieux comme tous les repas de fête à cette époque (la fine écriture est celle de mon arrière grand mère Bonnette Bardin épouse de Jean-Baptiste Pageix):

 

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Paul Pageix eut pour parrain son oncle Alexis Teilhol et pour marraine sa tante Irène Teilhol, née Cromarias, sœur de sa mère Jeanne Eugénie. Cette famille Cromarias dont j'ai entrepris l'histoire comptait pèle-mêle un Ingénieur des Mines, un Chirurgien-Médecin qui avait fait les campagnes de la République, de l'Empire et de la Restauration, une dynastie de fabricants de pâtes de fruits d'Auvergne qui avait le Prince de Galles comme client, de nombreux prêtres, un Conseiller général, etc.

Voici son acte de naissance:

"L'an mil neuf cent douze le 30 mars à 11 heures du matin, par devant nous, Bertrandon Martin, maire officier de l'état-civil de la commune de Beaumont, canton Sud-Ouest de Clermont-Fd (Puy-de-Dôme), est comparu Pageix Pierre Joseph âgé de 35 ans, propriétaire en cette commune, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né hier à midi en son domicile de lui déclarant et de Crosmarias Jeanne-Eugénie âgée de trente-et-un ans, son épouse et auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de Paul-Alexis-Antoine. Les dites déclarations et présentations faites en présence de Faye Antoine; âgé de 47 ans, et de Pageix Antonin (Antony), âgé de 31 ans, oncle, tous deux propriétaires en cette commune, le père et les témoins ont signé avec nous le présent acte, après lecture faite de ce enquis. F.Faye A Pageix Pageix P Bertrandon"

"mentions marginales: A contracté mariage en mairie de Lanobre (Cantal) le 14 août 1941 avec Alice Émilie Juillard.

"Décédé le 2 mars 1970 à Athis-Mons (Essonne)

 

 

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Un beau bébé tout blond aux yeux très bleus. (coll. Pageix)

 

Les proches de Paul, outre ses parents Pierre Pageix et Jeanne, née Cromarias, mariés le 21 juin 1904, Propriétaires viticulteurs à Beaumont, étaient sa tante Irène, la sœur de Jeanne, épouse d'Alexis Teilhol, propriétaires à Aubière, sa sœur aînée Marguerite (Guitte), née le 30 juin 1906, ses grands parents paternels Jean-Baptiste Pageix et Bonnette, née Bardin, ainsi que sa grand mère maternelle, Marguerite Cromarias, née Villevaud-Arnaud, d'Aubière. Ses oncles et ses tantes Pageix: Antony Pageix et Marie Louise (née Gay), et Joseph Pageix et Louisa (née Madeuf). Ses cousins et cousines étaient Madeleine Pageix, fille unique d'Antony et de Marie-Louise, et Paul, Guy et Pierrette, enfants d'Alexis et d'Irène. Ajoutons pour terminer son grand oncle Eugène Cromarias, Ingénieur des Mines, sa grand tante Eugénie, née Labourier (originaire de Pontgibaud), et leurs enfants Germaine et Antoine.

 

 

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Voici une photo de la famille où l'on retrouve la plupart d'entre-eux; elle a été prise par mon grand père Pierre (qui n'est donc pas sur la photo), face aux granges de la maison familiale de la Place d'Armes, à Beaumont, en 1906, lors du baptême de sa sœur Marguerite...

 

En haut de gauche à droite, debout :

 

Bonnette Bardin, épouse Jean-Baptiste Pageix (mes arrières grands parents Pageix) ; Marguerite Villevaud (Aubière), veuve d’Antoine Cromarias (mes arrières grands parents Cromarias), X, Antony Pageix, frère de mon grand père Pierre, époux Marie-Louise Gay (absente sur la photo); Françoise Irène Cromarias, sœur de Jeanne Eugénie, épouse Alexis Teillol (Aubière); X ; X ; Eugène Cromarias, Ingénieur des Mines de Paris, frère d’Antoine ; Anaïs-Eugénie Labourier, épouse d’Eugène Cromarias, Joseph Pageix (en uniforme), frère de Pierre mon grand père et d’Antony Pageix ; X ; Jean-Baptiste Pageix, mon arrière grand père, X, X; 

 

Assis au premier rang:

 

Guy Teilhol, fils d'Alexis et d'Irène; Antoine Cromarias, fils d'Eugène et d'Anaïs, ma grand mère Jeanne-Eugénie Cromarias, épouse de Pierre Pageix, (les parents de Paul), tenant dans ses bras Marguerite Pageix; Paul Teilhol, aîné des deux fils d'Alexis et d'Irène; Germaine Cromarias (qui fait la grimace...). Remarque: parmi les personnages non identifiés se trouvent plusieurs servantes et nourrices.

 

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

Marguerite et Paul photographiés devant la porte de la serre à la Place d'Armes. On rapprochera celle-ci de la photo des soldats américains prise au même endroit. (coll. Pageix) et Paul Pageix en communiant janvier 1925. (photo coll.Pageix)

 

Lors de sa communion solennelle, en janvier 1925, son parrain et sa marraine lui offrirent un livre de Jules Vernes: Michel Strogoff.

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

À Paul Pageix, son oncle et sa tante (Alexis et Irène Teilhol). (photo Jacques Pageix)

 

Mon père et sa sœur, son aînée de six ans, s'aimaient beaucoup et on les voit souvent ensemble sur les photographies de l'album familial. Lorsqu'elle partait respirer l'air de la Combraille dans la propriété de sa mère Jeanne Eugénie Cromarias, au Fraisse, près de Saint-Gervais d'Auvergne, elle ne manquait jamais en écrivant à ses parents d'ajouter un mot pour son petit frère "Paulo". Elle dut malheureusement suivre de nombreuses cures, car elle avait contracté la tuberculose, alors qu'elle était allaitée par une nourrice venue de la montagne; c'était alors la coutume (coutume ô combien pernicieuse) de faire allaiter ses enfants par de telles nourrices, pour leur lait supposé plus sain!. Elle s'éteignit à 28 ans, le 6 mars 1935. Paul, alors militaire à Reims, en fut certainement profondément affecté ; étant très réservé, je suis certain qu'il ne dut pas montrer sa peine à son entourage. Ma tante Marguerite était une artiste très douée qui nous a laissé des peintures, des pastels, des dessins à la plume et des fusains et même de la pyrogravure ; elle excellait dans toutes ces techniques et dessinait ou peignait avec son père Pierre, dont la spécialité était la peinture à l'huile, et qui a laissé de nombreux tableaux (voir sa biographie).

 

 

Marguerite

 

Ma tante Marguerite Pageix en promenade

aux environs du Mont-Dore vers 1930. (coll. Pageix)

 

La passion précoce de mon père pour la mécanique et l'aviation fut probablement nourrie par l'exemple de son oncle Eugène Cromarias, Ingénieur des Mines, et de son cousin plus âgé que lui, Paul Teilhol, qui fit lui aussi des études supérieures (Maths Sup et Spé).

Ses études ne l'empêchèrent pas de pratiquer plusieurs sports: le tennis, le golf (il fréquentait celui de Royat) et le ski. Il racontait volontiers qu'il n'y avait pas de remontées mécaniques et qu'il fallait gravir le Puy-de-Dôme ou le Mont Dore à pied avec les skis sur le dos, étant noté que les skis d'alors étaient plus lourds et plus encombrants (je possède toujours sa paire de skis).

Enfant, mon père s'initia très tôt à la pratique de la mécanique en jouant avec son Meccano. Il construisit beaucoup de modèles (grues, chassis d'automobile, etc.) en s'inspirant des plans présentés dans la revue "Meccano Magazine"  à laquelle son père l'avait abonné. Il gagna même un concours dont le prix était...une nouvelle boîte.

 

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Dans ce magazine auquel Paul Pageix était abonné, l'aviation, souvent évoquée, devait le faire rêver...(Numéros de juillet et septembre 1927 consacrés à la traversée de l'Atlantique par Nungesser et Coli sur leur "Oiseau Blanc"et au Port Aérien du Bourget). (photos Jacques Pageix).

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les lectures studieuses de mon père: "Les dernières nouveautés de la science et de l'industrie" (A. Christofleau, 1925) et  "À travers l'électricité" (G. Dary, 1903) et "La vie de Guynemer" par Henri Bordeaux, 1917 (photos Jacques Pageix).

 

 

 

 

 

Plus tard, il construisit des maquettes d'avions très détaillés, en fabriquant lui-même toutes les pièces métalliques (longerons, nervures, moteurs, etc.). Celle que l'on voit sur la photo, construite vers 1928, avait une allure très moderne pour l'époque. Les gouvernes de direction, profondeur et gauchissement (ailerons), mobiles, sont commandées par un manche et un palonnier, avec leur câblage.

 

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      L'une des maquettes réalisées par Paul Pageix

Le manche et le palonnier commandent les gouvernes mobiles.

 

Ses études supérieures furent un peu contrariées car il dut interrompre sa préparation à l'école des Arts et Métiers. Après avoir suivi les cours du lycée professionnel Amédée Gasquet, il entra en 1924 à l'École pratique et Industrielle de Clermont-Ferrand où il obtint le Brevet d'Étude pratique industrielle à sa sortie en 1929.

L'enseignement industriel dispensé dans cet établissement comportait un tronc commun de deux années qui débouchait sur une troisième année préparant aux CAP et à des brevets industriels dans les spécialités suivantes: forge, ajustage, serrurerie, menuiserie, sculpture, charronnage, ébénisterie. Une quatrième année permettait aux meilleurs élèves de se préparer au concours des Arts et Métiers.

Je crois me souvenir qu'il travailla un temps dans un cabinet d'architecte. Il dessinait des villas et l'un de ces dessins au lavis, que j'avais vu à Beaumont a malheureusement été perdu.

Mon père fut employé ensuite au sein des Établissements Bergougnan. À Clermont, au début du XXème siècle, plusieurs manufactures concurrentes fabriquaient des pneus pour l'automobile et les deux roues. Les principales étaient Michelin, Torrilhon et Bergougnan. Cette dernière, fondée en 1894, s'était installée rue Fontgiève ; elle s'était spécialisées dans les bandages en caoutchouc pour les roues des véhicules militaires pendant la Grande Guerre et avait prospéré dans ce type de production. Au moment où mon père y travailla, elle était au moins aussi prospère que Michelin. Par la suite, seule subsista l'entreprise Michelin, qui absorba les autres.

 

 

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Paul Pageix (assis à gauche de la photo) pose avec ses camarades, vers 1930, au sommet de la cathédrale de Clermont. Tous sont "sapés" comme des fils de famille. Mon père (qui fume déjà...)  a quant à lui un look curieux avec ses petites lunettes et ses cheveux frisés...(coll. Paul Pageix) 

 

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3-La carrière militaire

       

 

3.1- L'engagement et les 8 années de paix (1931-1939)

Le mécanicien d'avions.

 

Je n'hésite pas à citer ici quelques appréciations manifestées à l'égard des mécaniciens par le célèbre pilote de chasse René Mouchotte , commandant le groupe "Alsace", disparu en 1943, auteur des non moins célèbres "Carnets" (Éd. Flammarion, 1949): 

"Le pilote doit reconnaître de tout son cœur le dévouement de ces courageux garçons qui, quelque temps qu'il fasse, sous la pluie, le gel et même la nuit, poursuivent une tâche ingrate, sans gloire, dont un mécanicien digne de ce nom connaît la nécessaire et haute importance (...)

De son côté, en général, il sait apprécier les mérites de son pilote : il l'admirera avant tout autre et l'esprit d'équipe fonctionnera (...)

À ce propos, je me souviens que mon père me disait que les victoires remportées par "leurs" pilotes étaient fêtées et arrosées de la même manière par les mécanos et leurs pilotes... 

(...) toute la journée autour de mon avion,  les mains dans l'huile ou la tête dans l'habitacle. Il a l'amour de mon "zinc" et ne sera jamais satisfait tant qu'il n'aura pas réparé telle ou telle petite imperfection que je lui aurai signalée (...)  

 

Paul Pageix s'engagea en 1931 à 19 ans, devançant l'appel d'une année, puisqu'il relevait de la classe 1932 (N° Matricule 558). D'après l'Acte d'Engagement Spécial dit de devancement d'appel, Paul Pageix se présenta le 15 octobre 1931 à 16 heures à un gradé nommé Ladhoitte, Intendant Militaire de 3e classe de la 13e Région à Clermont-Ferrand. Par cet acte, Paul Pageix s'engageait dans le 35e Régiment d'Aviation.

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

Ci-dessus: Base aérienne de Lyon-Bron, 1932. Mon père bûche la mécanique avion dans sa chambre. Remarquez sa raquette de tennis accrochée au mur, entre deux aquarelles de sa sœur Marguerite. (photo Paul Pageix).

 

 

Ci-dessous: L'insigne de la SPA 75 dessiné par Marguerite Pageix (photo Paul Pageix).  

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

 

L'Aviation militaire, créée dès 1909, dépendait de l'Armée de Terre. À partir de 1928, on envisagea de constituer une entité indépendante, mais ce ne fut qu'en 1934, soit trois ans après l'engagement du jeune Paul, que l'Armée de l'Air vit enfin le jour (créée par décret du 1er avril 1933, elle devint une arme indépendante en juillet 1934; les uniformes furent alors normalisés).

 

L'acte d'engagement précisait qu'il exerçait la profession d'ajusteur (au sein de la manufacture de pneumatiques Bergougnan, concurrente de Michelin). Ce document porte son signalement : cheveux blonds, yeux bleus, front vertical, nez rectiligne, visage ovale, taille : 1m,68 ! (il s'agit probablement d'une taille dite rectifiée, car mon père mesurait 1m,86).

 

 

 

Paul Pageix jeune militaire...

béret et bandes molletières!

(photo prise en 1932 à la Place d'Armes devant les granges).

 

Les circonstances qui ont précédé son engagement me furent racontées par Monsieur Baptiste Michel, beaumontois ami de la famille Pageix. Michel était un ancien pilote militaire ; il était aussi membre de l'aéro-club d'Auvergne dont le Président était Gilbert Sardier, as de la Grande Guerre (15 victoires) et camarade de Guynemer. J'ai bien connu Gilbert Sardier à Aulnat, alors que j'étais jeune Adjoint au Chef du District Aéronautique « Auvergne » et qu'en qualité de membre du club, je volais sur tous ses avions. J'ai d'ailleurs assisté aux obsèques célébrés en l'église de Royat de cet as de la Grande Guerre, décédé le 7 mars 1976 (j'étais placé -fruit du hasard-  à côté de François Michelin).

 

Gilbert Sardier (Riom 1897-Clermont-Fd 1976)

 

À l'été de 1931, Michel et Sardier vinrent un jour à Beaumont, invités à déjeuner par mon grand père Pierre Pageix. Ma grand mère Jeanne avait cuisiné des pigeons aux petits pois. Au cours de ce repas, le jeune Paul fut présenté à Gilbert Sardier qui -d'après Michel- fut impressionné par ses connaissances et l'assura de son appui pour faciliter son engagement dans l'Armée de l'Air. Je pense que mon père dut lui présenter les maquettes d'avions qu'il avait réalisées : elles témoignaient de son habileté manuelle et de ses connaissances dans les domaines de la mécanique et de l'aérodynamique. Il convient de noter ici que l'Armée de l'Air, alors récemment organisée, était un milieu presque aussi "fermé" que celui de la Marine, et que le jeu des relations, des réputations et des rencontres intervenait souvent dans les recrutements. On verra comment, plus tard, Jacques-Louis Murtin, chargé de constituer un groupe de chasse d'élite (le « 1/5 »), choisit chacun de ses hommes uniquement sur leur nom et leur réputation...Il ne se trompa pas, puisque le 1/5 fut crédité du plus grand nombre de victoires au cours de la bataille de France (111, alors que les autres groupes affichaient des scores de l'ordre de la cinquantaine de victoires). Ceci grâce à des Accart, Marin-la-Meslée, Morel, Dorance, Boitelet, Genty, Tallent, sans oublier les mécaniciens qui furent eux aussi confrontés à de rudes épreuves.

 

Sardier et Michel n'eurent pas à attendre longtemps pour apprendre qu'ils avaient misé à bon escient sur les qualités de leur "poulain", qualités mises en évidence au cours du fameux "entretien d'embauche" à Beaumont chez mes grands parents. En effet, un an plus tard, le 6 août 1932, il obtint son Brevet Militaire Supérieur de Mécanicien Aéronautique à l'issue d'un stage de mai à juillet à l'école des spécialistes de Bordeaux (numéro 6675). De plus, par son travail constant et appliqué, il fut aussitôt remarqué et apprécié par ses chefs, comme on peut en juger en parcourant les excellentes notes et appréciations qu'ils lui octroyèrent au fil des années. (voir celles-ci en annexe).

 

Mon père fut d'abord affecté le 1er juillet 1932 à la Base 105 de Lyon-Bron en qualité de mécanicien breveté.

 

Les premières machines sur lesquelles il put exercer ses talents furent les Gourdou-Lesseure (cf photos ci-dessous où l'on voit mon père effectuer des essais moteur)

 

À Lyon-Bron, les deux escadrilles SPA67 et SPA75 formaient le 1er groupe de la 2e escadre de chasse, devenue le 12 septembre 1933 la 5e escadre, d'où la désignation du groupe 1/5, l'emblème de la 1ère escadrille, ancienne SPA67 de la Grande Guerre, est la cigogne à ailes basses sur fanion triangulaire marron et orangé ("tête-de-nègre et tango", souvenir de l'écurie de Saint-Sauveur), tandis que la 2ème, ancienne SPA75, arbore le faucon doré (dénommé plus trivialement le "charognard").

Le groupe est ensuite doté des Nieuport-Delage NiD 62 et 622 (cf photo). C'est sur cet appareil qu'eut lieu un entraînement aux tirs rééls à Saint-Raphaël, auquel participa mon père.

À Lyon, mon père "potassait" ses manuels de mécanique avion, notamment les notices relatives au moteur Jupiter de 420 cv qui équipait le Gourdou: 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ainsi que la notice technique de l'avion Gourdou-Lesseure 32 C1 (ici planche XI-Commandes de gauchissement):

 

 

 

 

Paul Pageix aux commandes d'un Gourdou-Leusseure à Lyon vers 1932. (C'est Marguerite, la sœur de Paul, qui avait dessiné l'emblème de l'escadrille). (photo Paul Pageix) 

 

 

 

Le même aux commandes d'un Nieuport Delage 62 à Lyon vers 1935.

(photo Paul Pageix).

 

À Lyon, ses qualités furent aussitôt reconnues, et ses chefs exprimèrent leur satisfaction dans les notes et appréciations attribuées:

"Sérieux et travailleur, possède une excellente instruction, sera avec un peu plus d'expérience un mécanicien de tout premier ordre. Mérite d'être poussé s'il y a lieu vers les E.O.A. (Élèves-Officiers d'Active)"

Il suivit effectivement les cours des Élèves-Officiers d'Active l'année suivante, en 1934.

Alors qu'il se trouvait à Lyon, le 6 mars 1935, un grand malheur vint frapper Paul: la perte de Marguerite, sa sœur bien aimée. J'ai dit plus haut quelles furent les circonstances de la maladie et de la disparition de cette sœur surdouée.

Mon père avait fait encadrer les tableaux et dessins qu'elle nous a laissés et qui ornèrent les murs de nos résidences, mais il ne l'évoquait jamais.

 

 

À Lyon, la vie de la deuxième escadrille, placée sous le commandement du lieutenant Rougeoin-Baville est résumée dans son journal de marche qui couvre la période 1935-1945!

Ainsi, on note un défilé aérien de 4 avions joints à 6 avions de la 1ère escadrille au-dessus de Lyon le 10 mars 1935 à l'occasion de la visite de monsieur le Président du Conseil Pierre-Étienne Flandrin.

Le 10 avril, l'escadrille se déplace à Marseille-Marignane pour participer les 10 et 11 avril à des manœuvres de D.A.T. (défense aérienne du territoire).

Le groupe se déplace ensuite à Saint-Raphaël pour y exécuter du 3 au 23 mai des tirs sur manche remorquée. Le 21, la météo, bonne au début, devient très mauvaise et contraint le groupe à interrompre les tirs. Le lendemain 22, lors du retour vers Bron, le "très mauvais temps complètement bouché oblige les appareils à atterrir à Istre". Le retour vers Bron se fait sous la pluie le lendemain 23 mai.  

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

Ci-dessus: Lyon-Bron, base 105, le temps des Gourdou-Lesseure, vers 1932. Paul Pageix est debout, 2e à partir de la droite (photo Paul Pageix).

 

Ci-dessous: Lyon-Bron, vers 1935; le temps des Nieuport-Delage. Mon père est debout au 2e rang, 5e à partir de la droite. Le 6e est son camarade Pierre Genty (coll.Paul Pageix). On note que l'insigne de la deuxième escadrille à laquelle appartenait mon père apparaît ici dans sa forme définitive du "charognard" ou "faucon doré" (ces deux appellations ont cohabité).

 

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

Un bel alignement de Nieuports à Lyon Bron (photo Paul Pageix).

 

Au printemps de 1936, le groupe reçut les premiers Dewoitines D500 et une campagne de tir fut aussitôt organisée, où de fins tireurs se distinguèrent: Accart, Morel, Plubeau, Dorance, Marin la Meslée...

 

Dewoitines D501 N° 241 du GC 1/5 (1ère escadrille).

 

 

Le Dewoitine 500 (photo coll. Paul Pageix).

Appareil spartiate: train fixe, pas de verrière...

(La version D501 avait un canon dans le moyeu de l'hélice)

 

Au cours des mois suivants de 1935, le groupe effectue plusieurs voyages: Bron-Reims et retour sous un grain violent le 4 juin; Bron-Istre-Ambérieu et retour le 6; même voyage le 16; exercice d'attaque par une patrouille le 19. Le 1er juillet, il s'agit d'un exercice d'attaque d'un ballon d'observation à Romans!

Le 10 juillet, l'escadrille décolle à destination de Villacoublay pour participer au défilé aérien du 14 juillet au-dessus de Paris; entraînements les 11 et 12, puis répétition générale au dessus du Bourget. Enfin, c'est le défilé auquel participent 600 avions! Je suppose que mon père fut parmi les mécaniciens qui accompagnèrent l'escadrille. Retour le 15 à Bron où le Président  de la République remit le drapeau des escadres aériennes, ce qui motiva une grande prise d'armes le lendemain.

On note ensuite quelques voyages aériens dans la cadre d'exercices de D.A.T. (Défense Aérienne du territoire): La Tour du Pin, Montélimar, Metz, Reims en septembre, puis Valence, Istres, avec des exercices d'attaque pour l'obtention du brevet de chef de patrouille en octobre, puis reconnaissance du massif de la Grande Chartreuse, Grenoble, Chambéry, Belleville en novembre.

En 1936, ce type d'activité se poursuivit avec des exercices de navigation; on note des noms évocateurs tels qu'Annecy, le col des Arravis, Aiguebelle, Paladru; exercices de patrouille et de défilés. Le 20 avril, une reconnaissance d'une patrouille de trois avions de l"escadrille se pose à Clermont-Ferrand-Aulnat; elle précède un vol d'accompagnement du général Gamelin, effectué le 7 mai suivant.

Le 1er août, l'escadrille accomplit un voyage aérien Bron-Istres-Perpignan la Salenque pour y exécuter des tirs sur manche remorquée jusqu'au 14 août suivant, et s'envole ensuite pour Hyères et une autre série de voyages aériens (*)

(*): c'était une habitude de faire ainsi des voyages aériens. Rappelons ici ceux qu'accomplissait à la même époque le groupe de bombardement du général Alexandre Bouchet, alors Commandant, effectués parfois avec des conditions météorologiques si marginales qu'elles provoquaient des accidents (y compris mortels), ce qui lui valut une lettre de demande d'explication de Painlevé, futur Président de la République alors Ministre de la Guerre...(Voir l'article qui lui est consacré).

 

Au deuxième semestre de 1936, il fut détaché pendant deux mois à la section de remorquage de Saint-Laurent de la Salanque.

Il y assurait l'entretien des avions de son escadrille lorsqu'ils venaient se mettre en place pour des exercices de tir sur des cibles remorquées.

Mon père me raconta qu'il avait apprit au cours de ce stage à entoiler les avions et à recoudre les entoilages endommagés. Il faut souligner que les avions étaient construits en bois et toile. Notons aussi  que les gouvernes des avions (ailerons, profondeur et direction) furent encore longtemps entoilées, y compris sur le Curtiss H 75 et les mécanos devaient souvent réparer les tissus déchirés et savoir coudre était préférable...

Aujourd'hui encore, beaucoup de petits avions de tourisme sont en bois et toile et j'ai personnellement appris à voler sur de bons vieux Stamps SV4 encore en usage en 1968 dans nos centres de pilotage de l'Aviation Civile. 

Mon père fut ensuite affecté à la base Aérienne 112 de Reims le 13 octobre 1936, au sein du GC I/5 qui fit mouvement vers cette base.

Le jmo ce jour-là note "Changement de garnison. Mutation de la 5e Escadre de Bron à Reims. Déplacement du 1er groupe: 7 avions Dewoitine 500 et 501: 4 Nieuport 3622 et un Gourdou 32". Ainsi, le GC 1/5 disposait depuis peu des Dewoitines, avions déjà passablement démodés: train fixe, pas de volets d'atterrissage, cabine de pilotage à l'air libre (ces avions -soit dit en passant- ne devaient pas être confortables pour voler sous la pluie...).

Quand on pense qu'au même moment, les allemands "s'entraînaient" en condition réelle en Espagne sur leur Messerschmitt 109 autrement plus modernes. 

Notre inconscience et notre aveuglement nous firent accumuler un retard coupable et nous fûmes incapables de moderniser à temps notre flotte. Les commandes du Curtiss américains qui n'équipèrent que quelques groupes (dont le 1/5) furent trop tardives, et cet avion, s'il excellait en combat tournoyant, était déjà inférieur en vitesse à son adversaire allemand le ME 109.   

Les mois suivants, on poursuivit les vols de navigation, les exercices de D.A.T., les simulacres d'attaques et les tirs sur manches remorquées (à Suippes).

Ainsi, le 16 octobre, c'est un voyage aérien Reims-Nancy, poursuivi le 7 jusqu'à Strasbourg pour y participer à l'entraînement en vue du défilé aérien sur Strasbourg, qui est annulé en raison des mauvaises conditions météorologiques. Ces voyages se poursuivent jusqu'au début de novembre, puis l'escadrille passe par Étampes pour participer à l'entraînement en vue du défilé aérien du 11 novembre au-dessus de Paris qui est annulé pour les mêmes raisons.  

Au cours de l'année suivante, 1937, les vols d'entraînement à la navigation et au combat se poursuivent: tirs sur cible au sol, protection de formations de bombardement.

Le 12 avril, l'escadrille se rend à Metz pour participer à des exercices de couverture avec "attaque de multiplaces isolés" jusqu'au 15 avril, faisant place à des tirs sur manche remorquée à Suippes du 26 avril au 5 mai, suivis d'exercices de D.A.T. avec un avion plastron, un Bloch 200 du 12 au 26 mai.

Du 6 au 9 juillet, c'est la préparation à la participation au  défilé aérien du 14 juillet au-dessus de Paris: 9 avions de la 2e escadrille sont à l'entraînement, tandis qu'un pilote se prépare pour le meeting aérien international de Zurich. Du 10 au 13 juillet, l'escadrille effectue deux entraînements au-dessus d'Orly. Le 14 juillet le défilé a lieu dans de "très mauvaises conditions atmosphériques".

 

Au cours de rares permissions, mon père pratiquait le ski avec ses camarades. Plusieurs photos le montrent sur ses skis que je possède toujours...

 

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

Au cours d'une rare permission en 1938/39, Paul Pageix pratique le ski avec quelques camarades (photo Paul Pageix). Ces photos ont été prises dans le massif de la Chartreuse, au col de Porte. La montagne que l'on voit derrière s'appelle Chamechaude (face Nord), non loin de Grenoble, Isère. (photo Paul Pageix). Les skis de Paul Pageix. (photo Jacques Pageix) 

 

 

Le meeting international de Zurich du 23 au 1er août 1937

 

Le GC I/5 fut choisi parmi d'autres pour représenter la France à ce meeting, où il termina 2e, les allemands remportant, sans surprise, la première place grâce à leur Messerschmitt Bf 109B.

Le Capitaine Accart, second du groupe 1/5, commandant la 1ère escadrille, fit une démonstration éblouissante de voltige aérienne aux commandes de son Dewoitine 501. Les allemands impressionnèrent avec leurs avions nettement plus modernes comme le Messerschmitt Bf 109 présenté pas le pilote virtuose allemand Ernst Udet (*) ; ils surclassaient déjà tous les autres. On peut s'en rendre compte en voyant la photo de mon père qui pose devant l'un de ces récents avions allemands, un Messerschmitt Bf 108 Taifun à train rentrant (le 1/5 avait alors toujours les Dewoitines 500 et 501 avec train fixe, sans volets d'ailes et avec le poste de pilotage à l'air libre!...)

 

(*) : Encore un descendant de ces "huguenots" qui durent quitter la France lors de la funeste révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV...Cela nous valut de combattre face à des Marseille, Udet, Galland, Rudel, et autres pilotes d'origine française...(Voir le livre de Hans Herlin "Ernst Udet pilote du diable", Éd. France-Empire, 1959 ; voir aussi mon article sur le service militaire et les guerres).

 

À la "deux", la participation au meeting avait été confiée au sergent-chef pilote Pierre Genty (cf photo prise par mon père ci-dessous).

 

 

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L'affiche (très moderne) du meeting de Zurich.

 

 

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Zurich, 1937. Paul Pageix pose devant un Messerschmitt Bf 108 "Taifun",

avion de liaison allemand déjà très moderne à cette époque...

Le Nord 1000, sur lequel on volait encore à Guyancourt

ou à St-Cyr dans les années 60 en était dérivé.(photo Paul Pageix)

 

 

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Deux autres photos prises par mon père pendant le meeting: en haut, il pose devant un Blériot Suisse; en bas, mon père avec deux pilotes suisses et, à sa gauche, son camarade le sergent-chef Pierre Genty, pilote du 1/5 qui descendra le 30 septembre 1939 deux ME 109 en une journée, ce qui constitua le premier doublé de la guerre. Pierre Genty avait appris à piloter au sein de l'école Farman de Toussus-le-Noble...(photos Paul Pageix)

 

 

À Zurich-Dübendorf, mon père fut le témoin de cet accident survenu à un avion Suisse pendant le meeting.

 

Du 26 juillet au 5 août, l'escadrille se rend à Saint-Laurent de la Salenque pour y effectuer un stage de tir réel sur cible remorquée. Un pilote est blessé par la glace de son collimateur brisée par un goéland de grosse taille!

Les  6 et 8 septembre, on procède à un (curieux pour moi) lancer de message lesté à Ocy (Meuse) et le 10 septembre, on se rend au Bourget pour s'entraîner au défilé aérien qui a lieu le 11 au Bourget et à Compiègne. Un avion se pose en panne de moteur sans dommage dans un champ à 10 km de Château-Thierry et est récupéré par la suite; les 9 avions participants atterrissent à Chartres (l'un d'eux a une fuite de radiateur (les Curtiss ne sont pas encore là...). Du 13 au 17 septembre, l'escadrille se base à Caen puis à Deauville pour participer aux manœuvres de l'Ouest.

Le 7 octobre, par conditions météorologiques médiocres, les exercices de Défense Aérienne du Territoire (DAT) sont exécutées devant une délégation allemande conduite par le Général Milch, commandant en chef des forces aériennes du Reich!

En octobre, on note plusieurs convoyages d'avions (les Dewoitine commencent à fatiguer...) à l'usine de Villacoublay.

Au cours des mois d'octobre et de novembre 1937, les exercices de jour comme de nuit s'intensifient.

Le 9 novembre, le capitaine Rougeon-Baville passe son commandement de la 2e escadrille au capitaine Noël, ce qui motive la traditionnelle prise d'armes le 15. Le 18, le général d'Astier de la Vigerie commandant la brigade aérienne vient remettre des médailles de tir aux pilotes pour les manœuvres de... 1936! 

Le 30 décembre, "par température très basse", un seul avion peut être mis en marche!

Au fil des pages du journal, on constate que les méthodes d'entraînement au combat aérien évoluent; on exécute par exemple des "attaques en tenaille" d'un avion plastron (un Bloch).

Le 1er février 1938 se déroule une prise d'armes pour la présentation du drapeau aux jeunes soldats et le 5, le ministre de l'Air (*) visite la base de Reims.

(*): Le ministre de l'Air était depuis peu Guy La Chambre qui succéda à Pierre Cot, et fut remplacé en 1940 par Laurent Eynac qui fut pendant la Grande Guerre à la fois pilote de bombardement et député.

On note des exercices de déploiement sur l'aérodrome de Suippes, qui deviendra dès le début des hostilité le terrain de desserrement du groupe 1/5 lorsque ce dernier quittera Reims.

Le 9 mai, l'escadrille défile au-dessus de Reims pour la fête de Jeanne d'Arc.

Le 4 juin, l'escadrille décolle pour Saint-Laurent de la Salanque pour une nouvelle campagne de tir jusqu'au 17 juin.

À leur retour, des spécialistes de la maison Dewoitine viennent modifier les D501.

Le 4 juillet arrive le sous-lieutenant Dorance, futur commandant de la deuxième escadrille.

Les exercices, toujours aussi intenses, se diversifient encore, avec des simulacres d'attaque de chars basés à Verdun et des tirs sur des ballons d'observation.

Le 10 juillet, a lieu un défilé aérien au-dessus de Reims pour l'inauguration de la cathédrale restaurée, et le 16, l'escadrille se pose à Villacoublay pour défiler le 21 au-dessus de Versailles en l'honneur des Souverains Britanniques.

Le 10 septembre, on célèbre l'anniversaire de la mort de Guynemer avec l'habituelle lecture de sa dernière citation.

Le 31, le capitaine Moingeon prend le commandement de la deux qui reçoit le 18 un potez 63 bimoteur qu'elle conservera par la suite.

 

 

L'état des mécaniciens au début de 1939. Mon père qui y figure en deuxième deviendra dès le début de la guerre chef de Hangar, c'est à dire mécanicien responsable de l'entretien de tous les avions de la deuxième escadrille (12 avions). On y retrouve les noms de tous ses camarades qui suivront avec lui le GC 1/5 au Maroc.

 

Le 5 décembre, le sergent-chef mécanicien Maire est affecté à l'escadrille comme chef de hangar, responsabilité que prendra bientôt Paul Pageix. L'escadrille compte à ce moment-là 12 pilotes et 10 mécaniciens.

Le 28 décembre 1938, par un "froid sec" à moins 19 degrés, on procède à un essai de "mise en œuvre rapide des avions à basse température", exercice probablement éprouvant pour les mécaniciens...

Du 5 au 17 février 1939, le sergent-chef mécanicien Pageix est détaché à Bourges sur Curtiss, afin de préparer l'arrivée au sein des deux escadrilles du groupe des nouveaux avions américains Curtiss H75  armés de 4 mitrailleuses (ils en auront 6 un peu plus tard), qui atterrissent à Reims le 23 février.

L'arrivée des premiers Curtiss, achetés aux États-Unis; ils remplacèrent les vieux Dewoitines 500 et 501 (cf photo du 500; le 501 était doté d'un canon tirant dans le moyeu de l'hélice). Les premiers Curtiss se posent à Reims le 23 février 1939 et le 1/5 sera le premier groupe dont les pilotes seront transformés sur l'appareil. Du 11 au 21 mars, ils s'entraînèrent au tir sur panneau, puis aux exercices de combat aérien. 

Le 24 mars eu lieu un exercice de combat au cours duquel le second de l'escadrille se tue; l'enquête "attribue cet accident à une défaillance physique".

À la veille de la guerre, le 8 avril 1939, mon père obtint le Certificat d'Aptitude au Commandement, étape obligatoire pour devenir officier.

En mai arrive le sous-lieutenant Boitelet et le 14, le général Vuillemain, commandant en chef des Forces Aériennes, vient inspecter la base de Reims. Les 1er et 2 juillet, une patrouille de trois Curtiss va faire une présentation à Orly. Le 12, 8 avions s'envolent vers Paris pour le défilé du 14 juillet. Le lendemain, c'est une présentation acrobatique à Berk. Une autre sera faite le 29 à Boulogne.

Le Curtiss était un très bon avion par sa simplicité d'emploi et la fiabilité de son moteur en étoile "Pratt & Wittney" (comme me le confirma un vieux mécanicien témoin de cette époque, que j'ai connu à Clermont-Aulnat: "imaginez, monsieur Pageix, me disait-il, le bonheur des mécanos de travailler sur des moteurs fiables et propres, exempts de fuites d'huile!...") Le Curtiss virait mieux que le ME 109, ce qui était préférable en combat tournoyant, mais il était moins rapide pour les interceptions et moins bien armé (4, puis 6 mitrailleuses et pas de canon contrairement au ME 109 allemand.

 

 

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Un Curtiss H 75 aux couleurs US.

Déjà surclassé par les Messerschmitt ME 109, il vinrent

néanmoins remplacer à temps les vieux D500 et 501.

 

 

H75cellule

 

Le poste de pilotage du Curtiss H-75.

(avec son tableau instrumental de bord très complet)

 

Ajoutons que quatre groupes eurent la chance de se voir dotés du Curtiss, tandis que les autres groupes conservaient leurs Bloch et leurs Morane.

Très peu d'escadrilles furent dotées du nouvel appareil français Dewoitine 520, qui ne fut disponibles, à très peu d'exemplaires, qu'en novembre 1939.

Du 6 au 17 février 1939, Paul Pageix suivit le premier stage Curtiss à Bourges, où les avions en provenance des États-Unis étaient montés au sein des usines Marcel Bloch. Il restitua brillamment le fruit de son stage à son escadrille, comme le soulignent les appréciations portées par ses chefs:

"1er semestre 1939: a suivi le premier stage Curtiss, dont il a rapporté à l'escadrille des enseignements précis. A pris un avion à sa charge pour alléger le travail des autres mécaniciens qui en avaient chacun plusieurs à entretenir.

"Excellent semestre. Cne Monjean. Notes confirmées Cne Murtin". 

 

 

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À Reims, en 1939. Le mécanicien Baillet, mon père et le pilote Genty.

(Auteur du premier doublé de la guerre: deux ME 109 abattus le même jour)

photo Paul Pageix.

Le 5 juillet 1939 commença à Reims un entraînement pour le défilé aérien de la Fête Nationale à Paris. Le 10, les Curtiss se posèrent à Villacoublay. Le 14, ils défilèrent en formation serrée au-dessus des Champs-Élysées avant de prendre le cap retour vers Reims.

Le 15, ils se rendirent sur l'aérodrome de Berck pour un entraînement à la voltige (on disait alors "acrobaties"...) et y firent une présentation. Je suppose que mon père devait être présent au sein d'un échelon roulant chargé d'assurer l'assistance technique. Le Lieutenant Hubert Boitelet, qui venait de passer de la "une" à la "deux" le 12 juin, participa certainement à cette présentation, lui qui avait appartenu à la célèbre patrouille d'Étampes, montée sur des Moranes. Le Sergent pilote Maurice Tallent, quant à lui, arriva à l'escadrille le 14 juin. On note aussi dans le journal de marche l'arrivée du Sergent pilote Delparte et le rappel du réserviste Warnier. Ce sont-là des noms que je l'entendais prononcer dans ses récits losques j'étais enfant... 

3.-Les 8 ans de guerre (1939-1947)

Revoir la chronologie des événements (ou un résumé des opérations) avec les ouvrages Menjaud, Mohr et Lapray.

Reprendre les jmo du GC 1/5 et de la 2e Escadrille.

3.2.1 Les derniers préparatifs

 

Les mécaniciens travaillaient dans des conditions pénibles, souvent la nuit afin que les pilotes, après leur repos, puissent disposer dès l'aube d'un avion en état de vol. Certes, les pilotes qui devaient affronter les combats aériens prenaient la plus grande part des risques, mais les mécaniciens avaient un travail harassant: il ne s'agissait pas pour eux d'entretenir simplement les avions comme en temps de paix, mais de les remettre en état alors qu'ils rentraient endommagés, criblés de balles, afin de rendre à chaque pilote au petit matin son "taxis" réparé et armé. Et ce travail ingrat se faisait parfois sous les bombardements allemands.

 

Je me réfère à ce propos au témoignage du Cel Hubert Boitelet et à la communication téléphonique avec André Couvelaere: "sous les bombardements, nous écoutions les chansons d'Édith Piaf sur un vieil électrophone qui parvenait difficilement à couvrir le bruit assourdissant des bombes..." me disait ce dernier.

 

Il faut préciser que chaque mécanicien travaillait sous la direction d'un chef de hangar, responsable des avions d'une escadrille, et que les deux chefs de hangar (ou chefs de piste: Pageix à la deux et Mazier à la une) étaient eux-mêmes placés sous l'autorité de l'officier mécanicien du groupe (le lieutenant Conte); toutefois, chaque mécanicien était affecté à un pilote avec qui il formait un tandem. On verra que les américains, en novembre 1942, apporteront un changement notable dans cette organisation en répartissant les tâches par spécialités (électricité-radio, armement, mécanique, etc).

 

Au moment de la déclaration de guerre, le groupe est affecté à la IIe Armée (Général Huntziger).

Il est alors transféré de la Base 112 de Reims vers son terrain dit de desserrement: Suippes. L'échelon roulant quitte Reims le dimanche 27 août 1939 à 10h30 et rejoint son nouveau terrain à midi. L'échelon volant se pose à Suippes le lendemain 28 août à l'aube. Les deux escadrilles, qui vivront désormais de manière quasi-autonome, sont installées à chaque extrêmité du terrain. Le commandant du groupe est Jacques-Louis Murtin; le capitaine Accart, ancien marin, commande la 1ère escadrille, avec le célèbre Marin la Meslée comme second, et le lieutenant Dorance, après le départ du capitaine Moingeon commande la 2ème, secondé par le S/lnt Boitelet.

Le journal de marche souligne que "l'escadrille, peu favorisée dans la répartition des stationnements sur le terrain s'organise comme elle peut" et que "les patrouilles sont en état d'alerte du lever au coucher du soleil". Lors de la visite du Commandant Hérisson, ancien pilote de l'escadrille et as de la Grande Guerre, on déplore que "l'organisation encore défectueuse ne permette pas de faire un arrosage qui a lieu à la 1ère escadrille déjà dotée d'une tente!"

La popote est organisée dans le village de Suippes, dans la salle de danse du "Café du Nord" qui sert de dortoir jusqu'à ce que l'on se loge chez l'habitant. Ainsi, de solides relations d'amitié se nouent avec la population. Pour leur "popote", les officiers jettent leur dévolu sur l'"Hôtel de Champagne".

Sous la férule de son chef Jacques Louis Murtin, récemment promu commandant, et dont la personnalité, "souvent commentée, ne laissait jamais indifférent", le groupe comptait 23 pilotes, un radio, un officier mécanicien, un médecin, cent-deux hommes de rang et dix-huit véhicules. Plus tard, des pilotes Tchèques, après une formation à Chartres, seront affectés au groupe, ainsi que quelques mécaniciens. 

On s'applique à bien camoufler le terrain et à protéger les avions derrière des merlons: mon père nous avait raconté comment il avait été chargé de superviser ce camouflage et de répartir les avions afin qu'ils soient le moins vulnérables lors d'un éventuel mitraillage par les avions ennemis. Vu du ciel, les nombreuses stries pratiquées dans le sol crayeux de la champagne donnaient une impression trompeuse, si bien que les observateurs allemand et les bombardiers, dépités de ne pas trouver  le terrain, lâchèrent leurs bombes sur la ville de Suippes. Par la suite, il parvinrent néanmoins à le bombarder. En 1939, pendant la "drôle de guerre", un général venu en avion inspecter le groupe failli se perdre et ne fut pas capable non plus de le reconnaître au sol sur une photo aérienne qu'on lui présenta malicieusement...​​​​​​​

Les derniers jours d'août sont mis à profit pour assurer "le débourrage de quelques jeunes pilotes" (sic).

Le 1er septembre arrive à 13h30 la nouvelle de la mobilisation générale pour le lendemain en France et en Angleterre. 

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

 

Photo de groupe de la 2e escadrille prise par mon père et envoyée à ses parents en septembre 1939 "les croix indiquent les descendus", écrit-il. Photo prise à Suippes, terrain de desserrement du groupe de chasse 1/5. Au centre, au-dessus de l'insigne de l'escadrille (faucon doré), son commandant, le capitaine Moingeon et à sa droite le lieutenant Dorance qui le remplacera peu après. Derrière eux, au milieu, l'Adjt Genty, auteur du premier "doublé" (deux avions ennemis abattus le même jour), À leur droite, (béret), Lepreux qui sera abattu, et le S/Lnt Boitelet et son mécanicien André Couvelaere, À droite, on reconnaît Delparte, Bressieux, Tallent et Salmand (identifiés par A. Couvelaere). Photo prise par mon père qui n'y figure pas?  (coll.pers.)

 

Les pilotes sont le Capitaine Moingeon, commandant l'escadrille, le Sous-Lieutenant Dorance, second, Boitelet, Le Restif, Salmand, Genty, Lepreux, Bressieux, Preux, Tallent, Warnier et Delparte.

Les mécaniciens l'Adjudant Maire, Chef de hangar, Sergent-Chef Pageix, Carraz, Leriche, Le Carvennec, Couvelaere, Griesbach, Luthringer, Rougerie, Nys, Menneiret, Giraud, Maneyrol et Langlade.

Le 9 septembre arrive le premier Curtiss armé de 6 mitrailleuses (deux de plus dans les bords d'attaque des ailes). Notons au passage que cet armement exclusivement constitué de mitrailleuses, à défaut des canons qui équipaient la plupart des avions allemands obligeait les pilotes à utiliser au cours des combats un nombre élevé de munitions pour parvenir à abattre un avion ennemi...

Un petit événement qui met en évidence le quasi isolement des deux escadrilles installée à chaque bout du terrain est consigné dans le journal de marche: le 6 septembre, Delparte et Le Restif s'entraînent au tir réel sur le centre de la piste et "les mécaniciens de la 1ère escadrille prennent peur bien à tort". Dans les premiers jours de ce qu'on nommera plus tard la "drôle de guerre", personne ne croit trop au déclenchement des hostilités. Ce qui est écrit à la date du 9 septembre est tout à fait significatif: "L'escadrille entière passe sa journée dans un état d'alerte qui ne peut pas être très strict. Personne ne croit plus à la guerre. Le Dunlopilo est roi".

Ce jour-là, le Général Huntziger  commandant la 2e Armée terrestre inspecte le terrain et la nouvelle d'un combat entre Curtiss et Messerschmitt au cours duquel deux allemands auraient été abattus vient un peu contredire ce sentiment d'attente dénué d'événement.

Pendant toute la "Drôle de guerre", les deux escadrilles partagent à tour de rôle les alertes, les entraînements et les patrouilles au cours desquelles des engagements avec l'ennemi se soldent par des victoires ou des pertes. Lors de l'un de ces engagements, le 30 septembre, l'escadrille doit faire face à une double patrouille de Messerschmitt ME 109 "Le combat est très confus, Il y a 15 Messerschmitt contre 9 Curtiss. Résultat 5 ME 109 abattus, et 3 Curtiss ne rentrent pas" (les pilotes Lepreux et Le Restif sont abattus). l'Adjudant Pierre Genty abat deux ME 109, ce qui constituera le premier" doublé" de la guerre. Ce valeureux pilote quittera malheureusement le groupe le 21 avril. 

 

L'hiver s'installe, très rigoureux, avec des températures descendant jusqu'à -20 degrés, ne facilite pas la tâche des mécaniciens, d'autant que les avions doivent être dégivrés et les moteurs pré-chauffés afin de pouvoir démarrer sans difficulté.

Le journal note que "Le givre, puis la neige ont rendu le site de la 2ème escadrille tout à fait enchanteur"et que "le Réveillon de Noël se passe dans le calme".

Le début de 1940 s'annonce tout aussi froid: "Le mauvais temps persiste. Neige. Brume. Froid intense. Les avions disparaissent sous une épaisse couche de givre mais ne semblent pas en souffrir. Quelques pilotes profitent de l'inaction forcée pour visiter la ligne Maginot.

Le lieutenant Dorance "avait invité Mademoiselle Cécile de Rotschild à venir à Suippes à l'occasion d'une fête que doit donner ce soir 26 janvier le Foyer du soldat". Il a reçu aujourd'hui sa réponse: elle ne viendra pas car elle a la grippe...L'escadrille est navrée pur elle! Mais la preuve écrite qu'elle accepte de devanir marraine est d'un grand réconfort".

Le 31 janvier, un verglas terrible rend les liaisons automobiles difficiles.

Le 1er février, l'Adjudant Salmand fait une belle présentation du Potez 63 qui connut des déboires le lendemain: " Triste journée pour le potez 63 qui à l'atterrissage à Châtel-Chehery est tombé en bout de piste dans un chemin creux. La faute de cet accident incombe nettement aux indigènes de ce terrain qui n'auraient pas du autoriser cette liaison: eux-mêmes ayant jugé pour leurs avions la piste impraticable"!!  

Le 3 février a lieu une prise d'armes sur le terrain de Wez-Thuisy.  On aperçoit mon père (avant dernier à droite) sur cette photo du livre de Michel Mohr, "Marin la Meslée", 1952. 

 

 

Le 13 février 1940, Cécile de Rothchild, la marraine de la 2ème escadrille, vint sur le terrain. Passage en rase-motte de Boitelet qui obligea le Commandant Murtin à se coucher au sol...Elle remit des insignes d'escadrille (faucon doré) en or aux pilotes et des foulards aux mécanos.

 

Paul Pageix, qui aimait bien les cannes, est photographié ici avec un stick, peut être l'un de ceux offerts par Cécile de Rothchild. Je pense toutefois que cette photo a été prise plus tard, car mon père arbore un galon d'aspirant officier.

 

217

 

Au cours de la journée du 15 février, une chute de neige fournit l'occasion d'une bataille de boules de neiges entre pilotes et mécaniciens de la deux. Je serais étonné que mon père y eut participé....

Le 26 février, le groupe reçoit la visite d'une troupe de music-hall et de Charles Trenet.

Les hommes du 1/5 entretenaient des relations amicales avec la population de Suippes où se trouvait la popote du groupe. Une photo conservée par mon père montre une visite organisée par le groupe pour les enfants (on y aperçoit mon père) Il fut je pense d'autant plus marqué par les dégâts et les victimes que provoqua le bombardement du 10 mai.

 

 

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Photo émouvante: les habitants de Suippes et leurs enfants sont invités à un goûter sur le terrain de Suippes. Entre les deux enfants en tenues claires, on reconnaît Paul Pageix ; au dessus de l'enfant de profil et coiffé d'un chapeau clair: Pierre Genty ; et plus à droite, le bras gauche le long du corps, Salmand, disparu en avril 1940. Certains parmi ces civils seront les malheureuses victimes du bombardement allemand du 10 mai 1940. (photo Paul Pageix)

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

Le car "Isobloc" de ramassage au départ de Suippes. ("Les Rapides de la Meuse"): de gauche à droite dans le car: le chauffeur, Delparte, Bressieux, Tallent, Preux, x,x,x,x, mon père; devant le véhicule: Couvelaere, Genty et sa musette, Luthinger?, Lepreux, x, Warnier dans sa tenue originale. (photo coll. Paul Pageix).

 

3.2.2 La bataille de France (1939-1940)

 

À Suippes, l'engagement avait commencé pour les pilotes et mécanos dès la déclaration de guerre. En d'autres termes, ce qu'on a appelé la « drôle de guerre » -longue attente qui installa l'usure et la routine au sein de nos troupes, ce dont les allemands surent profiter- ne fut pas vécu dans le calme par les aviateurs ; en effet, nos pilotes furent engagés dès septembre 1939 dans de fréquents combat avec des formations allemandes, qui venait tester nos défenses et effectuer des reconnaissances.

 

Toutefois, le 10 mai 1940 marqua véritablement l' attaque générale menée par la Luftwaffe et le début de combats acharnés souvent à un contre dix.

 

Du 10 au 16 mai, les IXe et IIe Armées subirent le choc principal de l'ennemi dans sa percée de Sedan; les panzers s'engouffrèrent entre les deux armées.

Devant l'avance allemande, le groupe qui travaillait avec la IIe Armée commandée par le général Huntzinger reçut l'ordre de se tenir prêt à se replier sur Saint-Dizier.

Le régiment d'Artillerie Lourde Tractée de mon grand père Marcel Juillard, futur beau-père de Paul Pageix, appartenait aussi à la IIe Armée; pour sa courageuse conduite au feu à la tête de son groupe (voir mémoires de guerre de M. Juillard), mon grand père fut d'ailleurs décoré de la Croix de Guerre et de la Légion d'Honneur (au grade d'Officier) par ce même Général Huntziger (celui qui signa l'armistice dans le fameux wagon de Compiègne).

Ce vendredi 10 mai fut un jour funeste pour le groupe, car les bombardiers allemands, qui avaient fini par découvrir le terrain, le bombardèrent. Les pilotes et les mécaniciens, accroupis dans les fossés, assistèrent au pilonnage par une vingtaine de bombardiers. Heureusement, les fossés pour les hommes et les merlons pour les avions jouèrent un rôle protecteur: il n'y eut que deux blessés légers et aucun avion ne fut  touché.

En revanche, au village , où c'était l'heure de la sortie des classes, il y eut de nombreuses victimes. Il est possible que par dépit de n'avoir pas trouvé facilement le terrain d'aviation, les allemands se soient acharné sur le village voisin, ce qui fit 80 victimes civiles et de nombreux blessés de tous âges (lire le récit d'un élève de 3e).

Le médecin du groupe, Drouet, se porta courageusement à leur secours.

Conséquence bien moins grave: le groupe perdit sa popote et sa résidence; "qu'importe, on s'organisera sur place".

Pour assurer sa défense, le terrain disposait d'un poste de guet au lieu-dit La Main de Massiges, doté de fusées d'alerte. Il disposait aussi de cinq ensembles de mitrailleuses et d'une batterie de quatre canons de 25, tous reliés par téléphone au PC.

Pour faire face à l'importance des travaux de remise en état de vol des appareils qui rentrent presque toujours endommagés, on regroupe les mécanos en équipes qui traiterons l'ensemble des avions par domaine spécifique, ce qui préfigure la méthode américaine adoptée plus tard. Jusque-là, chaque mécano avait son avion et son pilote attitrés, l'armement étant le seul domaine traité par un spécialiste.    

Le 13 mai, un journaliste s'annonce: c'est Joseph Kessel, qui assiste à un combat aérien à la verticale du terrain, mené par la 1ère escadrille commandée par le Capitaine Accart, ancien marin passé à l'Aviation, qui descend un Heinkel 111 sous les yeux de l'écrivain!

Le 14 mai, au moment où la bataille de Sedan fait rage, l'ordre de repli parvient vers 14h et les avions et leurs pilotes rejoignent leur nouveau terrain, Saint-Dizier, tandis que les échelons roulants s'y rendent par des routes déjà encombrées par les populations qui fuient. Les avions décollent vers 20h et l'échelon roulant rejoint vers minuit. Les avions sont à nouveau camouflés dans une gravière, sous des filets.

Le 18 mai; le sergent Morel, un jeune as très estimé au 1/5, meurt au court d'un combat, vraisemblablement mitraillé alors qu'il évacuait son avion en flamme.

Même si la tristesse liée à la disparition d'un camarade devait être vite refoulée (il fallait nécessairement "faire face", comme disait Guynemer), ces pertes étaient douloureusement ressenties par tous, car des liens solides s'établissaient entre les mécaniciens et "leurs" pilotes: tout en soignant et fignolant leurs avions, ils partageaient leurs exploits dont ils étaient très fiers... 

Les combats acharnés à un contre dix continuent. Le 16 mai, le Groupe reçoit sa citation à l'ordre de l'armée aérienne:

 

"C.Q.G.A. 12 MAi 1940

"ORDRE GÉNÉRAL N° 23

"Le Commandant en Chef des forces Aériennes

cite à l'Ordre de l'Armée Aérienne:

"LE GROUPE DE CHASSE I/5

 

"Groupe d'élite qui, à la première grande bataille livrée par l'ennemi pour conquérir la maîtrise du ciel de FRANCE, a donné, sous l'impulsion de son chef le Commandant MURTIN et ses chefs d'escadrilles le capitaine ACCART et le lieutenant DORANCE, des preuves éclatantes de ses qualités manœuvrières et de sa supériorité dans le combat.

"Les 10,11,12 MAI 1940 , malgré un adversaire supérieur en nombre, a remporté sans subir aucune perte, 39 éblouissantes victoires ajoutant ainsi par l'énergie indomptable, l'habileté et le courage de ses pilotes, une page légendaire à l'histoire glorieuse des ailes françaises.

"Avait précédemment abattu 8 avions.

Signé: VUILLEMIN" 

 

Entre deux combats, le groupe reçoit des visites: Laurent Eynac, le nouveau Ministre de l'Air qui "dit de très belles choses au nom du gouvernement", rapporte le journal de marche...Une autre fois, c'est la marraine américaine de la 1ère escadrille qui promet d'intervenir pour leur faire envoyer au plus vite du matériel américain (mon père nous l'avait raconté).

Le 27 mai, après la reddition de la Belgique, le piège allemand se referme autour des armées du Nord, à Dunkerque où les anglais commencent à s'embarquer.

Le 1er juin, le capitaine Accart qui commande la 1ère escadrille est touché au court d'un combat et doit sauter en parachute. Grièvement blessé, il s'en sortira puisqu'il revolera et écrira de nombreux ouvrage (cf bibliographie en annexe). 

(Parler du stress: lettre confidentielle du Cdt Marin la Meslée)

L'avance allemande est inexorable, et le 11 juin marque le repli des Forces Aériennes au sud de la Marne; le I/5 quitte Saint-Dizier et s'installe à Saint-Parres-les-Vaudes, au sud de Troyes. L'échelon roulant, avec son camion de liaison radio, son atelier d'armement et les munitions, parti à 16h, arrive péniblement à 20 heures.

Le 14 juin, nouveau repli: départ à 6h30 pour Avallon, passage également de courte durée, puisqu'il faut repartir dès le lendemain pour Bourges. Le groupe livre un dernier combat et enregistre sa 111e victoire (le GC 1/5 se place en tête du palmarès des groupes de chasse).

Le repli se poursuit vers Chambaran, puis Carcassonne, d'où le groupe s'envole pour traverser la Méditerranée. 

3.2.3 Le replis au Maroc et l'installation à Rabat (1940)

 

Le replis au Maroc; la traversée de la Méditerranée.

La première prise d'arme en Afrique du Nord se déroule à Oran la Sénia, le 13 juillet 1940.

Le Général Vuillemain décerne une nouvelle citation au Groupe:

 

"C.Q.G.A., le 23 Juin 1940.

"ORDRE "C" N° 70.

"Le Général Commandant en Chef VUILLEMIN, Commandant en Chef des Forces Aériennes, cite à l'ordre de l'Armée Aérienne:

"Le Groupe de chasse I/5

"Groupe de Chasse dont les exploits resteront légendaires dans les annales de l'aviation de chasse française.

"Sous les ordres de son chef, le commandant Murtin, a poursuivi sans répit, du 12 Mai au 24 Juin 1940, avec la même fougue et la même ténacité, la série éclatante de ses succès, remportant soixante-dix-sept nouvelles victoires.

"A abattu au total cent onze avions ennemis, dant quatre-vingt-cinq ont été homologués.

"Le Général commandant en chef des Force Aériennes.

 

  Signé: VUILLEMIN"

 

Le Général Vuillemin remet des décorations aux personnels du groupe 1/5. Mon père reçoit la médaille militaire avec une citation élogieuse :

 

"Chef mécanicien de grande valeur. Par son moral élevé et sa compétence, a permis à son escadrille, très éprouvée par de durs combats, d'être toujours prête à effectuer ses missions et, a ainsi contribué à ses nombreux succès".

 

 

Les citations furent toutes publiées dans la presse locale marocaine...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À l'issue de la cérémonie, les médailles qui viennent d'être distribuées sont raflées par l'entourage du Général, car il y a pénurie pour les prises d'armes suivantes !...

Voici la narration du journal de marche:

"Le 16 juillet au matin, un grande prise d'armes a lieu devant l'aérogare d'Oran la Sénia. Les groupes 1/5 et 2/5 et un groupe de la 52e escadre sont à l'honneur.

"Le Commandant Murtin, par un tour de force magnifique, a pu habiller tout le groupe dans une tenue gris-blanc qui a l'avantage d'être uniforme.

"Le général Vuillemain procède à la remise de nombreuses décorations, tous les pilotes reçoivent en même temps plusieurs citations, que seules les lenteurs administratives peuvent expliquer.

"(...) Après la remise des décorations, les officiers qui accompagnent le général récupéreront avec un sans-gêne amusant les diverses médailles: une cérémonie semblable va se dérouler l'après-midi à Meknès, où hélas les décorations font défaut.

"Dans l'après-midi, le groupe reçoit l'ordre de faire mouvement sur Meknès: l'échelon roulant ne doit pas suivre; des mécaniciens seront transportés par quatre avions Goélands".

Mon père m'avait raconté cet épisode qui l'avait amusé, en précisant qu'il avait dû acheter sa médaille chez un marchand d'antiquités. Celle-ci, que je conserve, très usée, a manifestement servie plusieurs fois...

Au Maroc, l'aviation est réorganisée sous le commandement d'un général, Commandant de l'Air au Maroc, le général de brigade aérienne Lahoulle et du Commandant du groupement de Chasse 25 et de la Base Aérienne de Rabat, le Lnt-Cel de Moussac.

Le groupe de chasse 1/5, toujours placé sous la férule du Commandant Jacques-Louis Murtin, est vite repris en main et continue à se montrer exemplaire.

La tenue blanche est imposée par Murtin pour les officiers (voir photos de mon père en blanc).

Les mécaniciens entretiennent vaille que vaille les Curtiss, jusqu'à épuisement des stocks de pièces de rechange (certaines sont fabriquées sur place), et les vols d'entraînement continuent car Murtin a dit à ses hommes qu'il leur fallait préserver le matériel et entretenir le moral en attendant des jours meilleurs...

       

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Photos ci-dessus:

1-mon père en tenue blanche, à Rabat.  

2-mariage du Sergent-Chef pilote Maurice Tallent. Mon père est en tenue blanche; à droite, Imbert,  le sergent-chef Couvelaere, Carrez, Caluzio et tout à fait à droite, (caché) le lieutenant Dorance.

 

Photos ci-dessous:

3-Photo du Groupe prise à Rabat-Salé; à gauche du capot du Curtiss: Mazier, chef mécanicien de la "Une" et mon père, chef mécanicien de la "Deux". Assis de gauche à droite: 2e: Rouquette, 5e: Marin la Meslée, 7e: Jacques-Louis Murtin, commandant le groupe de chasse I/5, 10e: Dorance, 12e: Boitelet.

4-Photo de la "Deux" : on reconnaît mon père à gauche du capot-moteur; au-dessous du fanion: Dorance, commandant de la 2e escadrille; Boitelet à droite. 3e assis à partir de la gauche: Tallent. Debout, 3e à partir de la gauche, Couvelaere, mécanicien de Boitelet.

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1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

La deuxième escadrille sur le terrain de Rabat Salé en fin 1940-début 1941. De gauche à droite, assis: non identifiés; debout au premier rang: 1:en civil, le médecin?, 2: Baptizet, 4: Nédélec, 5: Bressieux , 6: Delparte, 7: Leriche, 8: Le Carvenec, 9: Tallent; debout troisième rang: 1: Caluzio, 4: mon père Paul Pageix, 5: Lutringer, 6:Imbert, 7: Jacquemin (identifiés par André Couvelaere, ancien mécanicien de Hubert Boitelet). (photo Paul Pageix).

 

Le journal de marche témoigne de cette activité fébrile: mon père ne manque pas de figurer parmi les photos dont les légendes ne sont pas dénuées d'humour...

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

 

 

"Sous l'œil attentif de l'Adjudant Pageix, chef de hangar...pilotes et mécaniciens s'intéressent aux avions et aux bombes..."! (aimablement communiqué par M. Lapray. Arch. du GC 1/5)

 

Le désastre de Mers-el-Kébir      

3.2.4 Le mariage à Montauriel (1942)

 

J'ignore le lieu et les circonstances de la rencontre entre ma mère, Alice Juillard, et mon père. À mon avis, elle ne put avoir lieu qu'à Clermont-Ferrand, où ma mère avait entrepris ses études de sage-femme à la Maternité. Les premières rencontres furent assurément antérieures au départ pour l'Afrique du Nord de mon père, qui suivit son groupe dont les pilotes s'envolèrent en formation et franchirent la Méditerranée le 20 juin 1940.

 

Lui-même et les mécanos embarquèrent dans un avion de la Sabena: les autorités belges, réfugiées en France, ordonnèrent à leurs équipages de rejoindre Marseille avec leurs avions; ils les mirent aussitôt à la disposition du ministère de l'Air français pour évacuer les échelons roulants de l'Armée de l'Air vers l'Afrique du Nord où elle s'installa.

 

Il rencontra probablement ma mère au cours des permissions obtenues pendant l'année 1939, ou à l'occasion de l'une des rares permissions accordées pendant l'année 1940. Après le départ pour le Maroc, il ne put revenir en métropole que du 26 juillet au 10 septembre pour son mariage (cf photos cartes postales du Maroc).

 

Ma mère fut souvent invitée par ses futurs beaux parents, Monsieur et Madame Pageix, qui la reçurent chaleureusement à Beaumont et l'adoptèrent dès les premiers instants. Constatant que ces deux enfants se plaisaient et désiraient s'unir, mon grand père Pierre Pageix prit sa plume et rédigea une demande en mariage en bonne et due forme, à l'attention du père de sa future belle-fille (voir en annexe le brouillon de lettre non daté), Marcel Michel Juillard, chef d'escadron d'artillerie, ancien combattant de la Grande Guerre, à peine revenu des combats de 1939-1940, à la tête de son groupe d'artillerie lourde (voir lettre en annexe). Monsieur le Commandant Juillard lui répondit, fort bien ma foi. Sa lettre est datée du 14 avril 1941. J'ignore s'il y eut des fiançailles, mais je me suis demandé si mon père avait pu trouver le temps de se présenter à sa belle-famille... 

 

Quant à mon père, qui était alors à Rabat, il dut -comme l'exigeait le règlement militaire- faire accepter sa demande en mariage par les autorités militaires et civiles compétentes. Sa demande rédigée le 2 mai 1941, fut visée successivement par tous les échelons de sa hiérarchie; notamment, son chef d'escadrille, le lieutenant Max Vinçotte, polytechnicien, excellent danseur d'après ma mère, avait indiqué "vu et transmis avec avis favorable; l'adjudant Pageix présente toutes les qualités requises pour fonder un foyer"! Elle fut envoyée en France pour l'enquête de bonne vie et mœurs. Cette dernière fut diligentée par le maréchal des logis Grenouillet, commandant la brigade de gendarmerie de Champs-sur-Tarentaine (Cantal), dont dépendait la résidence campagnarde du père de la future, Marcel Juillard, à Montauriel, commune de Lanobre. Il adressa un rapport élogieux au Préfet du Cantal cf dossier en annexe), qui signifia l'acceptation des autorités française à celles du Maroc. L'autorisation fut accordée le 12 mai 1941 par Monsieur le Général Commandant l'Air au Maroc.

 

Il ne faut pas s'étonner outre mesure de cet usage qui visait à éviter que des personnes indésirables s'introduisent dans le monde militaire. C'était d'autant plus nécessaire au Maroc où l'espionnage sévissait (il y eut même quelques arrestations).

 

 

            

  

 

Voici la carte postale que mon père envoya à ma mère du Maroc, le 26 Juillet 1941, pour l'avertir de son arrivée en..Auvergne! (coll. pers.)

 

Le mariage eut lieu le 14 Août 1941, à 11 heures, en l'église de Lanobre "dans la plus stricte intimité". La famille se réunit ensuite à Montauriel (voir photo de groupe) et le repas eut lieu à La Maison Blanche, à Veillac (voir photo). Mon père portait sa tenue blanche. En effet, le Commandant du groupe de chasse, Jacques-Louis Murtin, avait exigé au Maroc, après la défaite, le port de l'uniforme blanc pour ses cadres.

 

 

mariage PauletAlice

 

Mariage de mes parents à Montauriel le 14 août 1941 (photo famille)

 

De gauche à droite, ma grand mère Jeanne-Eugénie Pageix, née Cromarias, mon père, mon grand père Pierre Pageix, ma mère, mon grand oncle Joseph Pageix, ma grand mère Mélanie Juillard, née Serre, mon grand père, le Commandant Marcel Michel Juillard, tenant par la main deux de ses six enfants, le jeune Jean-Claude et Pierre (le futur Général d'Aviation en tenue du Prytanée militaire de La Flèche); les petits enfants qui tiennent des bouquets sont Jacqueline et Jean-Paul enfants d'Henri Juillard, le frère aîné de ma mère que l'on ne voit pas sur la photo (c'est peut-être lui qui photographiait, à moins qu'il ne fut encore en captivité en Allemagne ; incorporé dans le même régiment que celui de son père, le 187e RALT, il fut prisonnier en juin 1940, tandis que son père, entre-temps affecté comme commandant du 4e groupe d'un autre régiment, le 185e RALT, réussit à se dégager de l'étreinte des chars ennemis); la tante Isa, coiffée d'un cannotier (Isabelle Moulier, épouse de Me Edmond Bloch); la grand mère Henriette Raoux, épouse de Jean-Baptiste Juillard, décédé, parents de Marcel; Mr Mège, Armateur au Maroc, cousin du Cantal (Apchon) que mes parents fréquentèrent lors de leur séjour à Rabat; Edmond (surnommé "Monette") en uniforme, sa cousine/copine Monique Leclerc; Suzanne, née Vidal, épouse d'Henri (avec un chapeau), Madeleine Serre ("Madou"), fille d'Henri (frère de ma grand mère Mélanie) et future Mme Paul Loubeyre, Michel (le futur vétérinaire en costume sombre), autre frère de ma mère.

 

 

Munie d'un passeport qui lui fut délivré à Clermont-Fd par la préfecture le 29 Août 1941, ma mère embarqua à Marseille le 4 septembre 1941 et arriva à Oran le 6. Elle prit le train à Oujda-gare le 6 pour rejoindre mon père à Rabat.

 

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Mes grands parents Pageix et Juillard s'appréciaient, comme en témoigne une autre lettre que Marcel  Juillard adressa à Pierre Pageix le  4 février 1942, au retour d'un séjour à Beaumont: "rentré à Montauriel, écrivait-il, les allusions n'ont pas manquées sur "la cure de pinard". J'étais considéré comme un brave marin revenant de bordée!" Et il ajoute: "Quoi qu'il en soit, grâce aux effets fortifiants du "cru pagésique" j'ai monté la côte de Montauriel, sans trop de peine avec une partie de ma charge" (la "charge" contenait des denrées prodiguées par ma grand mère, d'autant plus précieuses en ces temps de pénuries). (photojacques pageix).

 

 

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

Ci-dessus: Mon père (assis en arrière) et son équipe de mécaniciens. De gauche à droite: Rougerie, Le Carvenec, Carrez,  Leriche, Lutringer. (identification A. Couvelaere) (photo Paul Pageix).

 

Ci-dessous: Mon père (à droite) avec de gauche à droite, Sergent Bonduelle, mécanicien spécialisé électricien, Sgt-Chef Lutringer (d'apès A. Couvelaere). (photo Paul Pageix)

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

Ci-dessus: De gauche à droite: mon père, Lutringer, Le Carvenec, Bonduelle (électricien). (d'après A.Couvelaere qui situe la photo à Meknès en 1942. Ce devrait être plutôt en fin 40 début 41). (photo Paul Pageix).

 

Ci-dessous: d'avant en arrière, mon père, Bonduelle, Le Carvenec et Lutringer, devant un Potez 540.

 Au-dessous: Salon du Bourget 2005. Son fils Jacques Pageix devant un Curtiss restauré et en état de vol...(photo Jacques Pageix) 

1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.
1-Biographie Paul Pageix-L'enfance, la jeunesse, l'engagement militaire, la campagne de France au groupe de chasse I/5.

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commentaires

O
Bonsoir,<br /> <br /> Voulant vous présenter mes meilleurs voeux pour 2017 je profite d elle faire sur votre blog pour vous féliciter pour ce travail impressionnant concernant votre père et, à travers lui, les mécaniciens avions de l'armée de l'air sans lesquels pas d'avion au petit matin pour les missions de la journée...<br /> <br /> J'espère que ces belles pages donneront envie à d'autres de suivre la voix avant qu'elle ne s'éteigne comme vous le dites au sujet de l'ADJ GENTY notamment et d'Hubert BOITELET.<br /> <br /> Bien à vous.<br /> <br /> Colonel Olivier LAPRAY<br /> ancien commandant de l'escadron "Champagne" puis de la base aérienne 133 de Nancy.
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P
Joli blog, merci pour cette évocation historique. Je possède de nombreuses archives sur le GC I/5, n'hésitez pas à me contacter.<br /> Bonnes fêtes de fin d'année,<br /> Lionel Persyn
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H
<br /> PAGEIX Jacques<br /> •<br /> 30/12/2016 à 21:31<br /> •<br /> 1-Biographie Paul Pageix<br /> Merci de votre bonne appréciation. Naturellement, je suis "friand" de toute info sur le GC 1/5 (documents, photos, etc). Certaines illustrations proviennent du colonel Olivier Lapray qui a commandé l'escadron de chasse 02/033 "Champagne" (notamment extraites du journal de marche). Toute photo et tout document nouveau m'intéressent naturellement au plus haut point.<br /> Jacques Pageix.
P
Merci de votre bonne appréciation. Naturellement, je suis "friand" de toute info sur le GC 1/5 (documents, photos, etc). Certaines illustrations proviennent du colonel Olivier Lapray qui a commandé l'escadron de chasse 02/033 "Champagne" (notamment extraites du journal de marche). Toute photo et tout document nouveau m'intéressent naturellement au plus haut point.<br /> Jacques Pageix.
M
Bonjour,<br /> <br /> Pierre Gentil, le pilote que vous évoquez, est-il le préfet du Var en 1940-1941 ?<br /> <br /> Mille mercis de votre éventuel retour,<br /> <br /> Au plaisir,<br /> <br /> Jean-François Miniac.<br /> <br /> miniacreation arobase yahoo.fr
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J
JBonjour,<br /> Non, je ne pense pas. Au demeurant, je ne sais pas grand chose de lui, à part sa formation au pilotage vers 1935 au sein de l'école FARMAN à Toussus-le-Noble, aérodrome que j'ai commandé de 1982 à 1996. Je sais que, extrêmement choqué par le fait qu'un camarade pilote avait été mitraillé au cours de sa descente en parachute, il eut peu après une réaction violente envers un pilote allemand descendu et cela lui valut d'être muté à l'arrière (cela est raconté de manière un peu édulcorée dans les ouvrages que je cite). Il a écrit un article dans la revue ICARE relatant son "doublé" (deux messerschmitts Bf 109 abattus le même jour). Je regrette de n'avoir pas pris le temps, à l'époque de le contacter comme je l'avais fait avec M. Boitelet.<br /> En résumé, je n'en sais pas plus sur lui que ce qui est dans mo récit.<br /> Cordialement.<br /> Jacques Pageix